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Des membres du Congrès américain demandent la libération de Julian Assange

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17 mai 2023

Temps de lecture : 8 minutes
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Des membres du Congrès américain demandent la libération de Julian Assange

Temps de lecture : 8 minutes

Il y a plus de 1400 jours que Julian Assange est incarcéré à la prison de haute sécurité de Belmarsh. Il est  sous une menace d’extradition aux États-Unis depuis le 14 mars 2022, avec un état de santé très dégradé. Nous reproduisons un article du site Les Crises sur le sujet. Certains intertitres sont de notre rédaction.

Arrestation le 11 avril 2019

Il y a qua­tre ans, le 11 avril 2019, la police mét­ro­pol­i­taine péné­trait dans l’ambassade d’Équateur à Lon­dres et s’emparait du jour­nal­iste aus­tralien Julian Assange. Offi­cielle­ment, la police bri­tan­nique arrê­tait le fon­da­teur de Wik­iLeaks pour le délit de fuite sous cau­tion. Mais la véri­ta­ble rai­son de cette arresta­tion était que les États-Unis demandaient l’extradition de Julian Assange.

Assange vivait à l’intérieur de l’ambassade depuis que le gou­verne­ment du prési­dent équa­to­rien Rafael Cor­rea, craig­nant à juste titre qu’il soit pour­suivi aux États-Unis pour ses activ­ités jour­nal­is­tiques, lui avait accordé l’asile. Il n’a jamais pu se ren­dre en Équa­teur, le gou­verne­ment bri­tan­nique ayant organ­isé un siège de l’ambassade, l’enfermant dans une sit­u­a­tion qu’un groupe de tra­vail des Nations unies a jugée arbi­traire. Mais le suc­cesseur de Cor­rea, le prési­dent Lenín Moreno, a fait volte-face, révo­quant l’asile de Assange et autorisant la police bri­tan­nique à pénétr­er dans l’ambassade. « Le plus grand traître de l’histoire de l’Équateur et de l’Amérique latine, Lenín Moreno, a per­mis à la police bri­tan­nique d’entrer dans notre ambas­sade à Lon­dres pour arrêter Assange », a déclaré Cor­rea par la suite. « Ce qu’il a fait est un crime que l’humanité n’oubliera jamais. »

Le même jour, les États-Unis ont ren­du pub­lic un acte d’accusation con­tre Assange pour « con­spir­a­tion en vue de com­met­tre une intru­sion infor­ma­tique ». Il s’avérera plus tard que les accu­sa­tions con­cer­nant sa lib­erté sous cau­tion ont été portées par le Roy­aume-Uni à la demande de la Mai­son Blanche dans le cadre d’un plan visant à l’arrêter. Un mois plus tard, les États-Unis ont retenu dix-sept autres chefs d’accusation, en rai­son du rôle joué par Assange dans la pub­li­ca­tion d’informations sur les crimes de guerre et les abus de pou­voir com­mis par les États-Unis.

Bien que la sit­u­a­tion d’Assange soit désas­treuse, il y a des raisons d’espérer. À l’occasion de l’anniversaire de son arresta­tion, des lég­is­la­teurs du monde entier ont man­i­festé leur sou­tien à Assange. Ce n’est pas la pre­mière fois que des lég­is­la­teurs inter­na­tionaux deman­dent aux États-Unis de met­tre fin aux pour­suites engagées con­tre Assange. Mais pour la pre­mière fois, ils ont été rejoints par cer­tains mem­bres du Con­grès américain.

L’indignation internationale

Qua­tre ans plus tard, Assange est tou­jours empris­on­né à la prison de Bel­marsh. Il s’agit de l’une des pris­ons les plus dures de Grande-Bre­tagne. Son util­i­sa­tion pen­dant la « guerre con­tre le ter­ror­isme » lui a valu d’être com­parée à Guan­tanamo Bay. L’état de san­té d’Assange est de plus en plus pré­caire, ce qui a con­duit sa famille à l’accuser d’être la vic­time d’un « meurtre au ralenti. »

Heureuse­ment, les lég­is­la­teurs d’un cer­tain nom­bre de pays s’unissent aujourd’hui pour pro­test­er con­tre les pour­suites engagées con­tre Assange. Au Roy­aume-Uni, une let­tre s’opposant à l’extradition, rédigée par Richard Bur­gon, député tra­vail­liste et mem­bre du Social­ist Cam­paign Group, a recueil­li le sou­tien de trente-cinq députés et lords. Il s’agit non seule­ment de col­lègues tra­vail­listes, mais aus­si de mem­bres du Par­ti nation­al écos­sais, de Plaid Cym­ru, des Démoc­rates libéraux, d’un Vert et même d’un Conservateur.

En Aus­tralie, une ini­tia­tive menée par le député indépen­dant Andrew Wilkie a recueil­li quar­ante-huit sig­na­tures, chaque par­ti au Par­lement étant représen­té dans une let­tre qui con­sti­tu­ait plus de 20 % de l’ensemble du Par­lement. Au Mex­ique, Cit­lal­li Hernán­dez, séna­teur de More­na, et Manuel Vázquez, mem­bre de la Cham­bre des députés de More­na et sur­vivant du mas­sacre d’Ayotzinapa, ont recueil­li les sig­na­tures de qua­tre-vingt-dix-sept de leurs col­lègues lég­is­la­teurs. Au Brésil, qua­tre-vingt-dix-neuf mem­bres du Par­lement et du Sénat ont envoyé une let­tre à l’ambassade des États-Unis.

Un début de mouvement chez les législateurs américains

Con­traire­ment aux années précé­dentes, les lég­is­la­teurs améri­cains se sont joints à leurs homo­logues étrangers pour exiger la libéra­tion d’Assange. La représen­tante Rashi­da Tlaib (démoc­rate, Michi­gan) a pris la tête d’une let­tre à laque­lle se sont joints les mem­bres du Con­grès Jamaal Bow­man (démoc­rate, New York), Cori Bush (démoc­rate, Mis­souri), Greg Casar (démoc­rate, Texas), Alexan­dria Oca­sio-Cortez (démoc­rate, New York), Ilhan Omar (démoc­rate, Nou­veau Mex­ique) et Ayan­na Press­ley (démoc­rate, Mass­a­chu­setts). La let­tre citait l’opposition qua­si unanime aux pour­suites de la part des groupes de défense de la lib­erté de la presse, ain­si que l’opposition de jour­naux comme le New York Times et le Guardian. Nom­bre de ces jour­naux ont col­laboré avec Wik­iLeaks sur cer­taines des pub­li­ca­tions pour lesquelles Assange est inculpé. Sur Twit­ter, Mme Tlaib n’a pas mâché ses mots : « Il y a qua­tre ans aujourd’hui, Julian Assange a été arrêté pour avoir pub­lié la vérité. »

Lorsque Julian Assange a été inculpé pour la pre­mière fois, le groupe pour lequel je tra­vaille, Defend­ing Rights & Dis­sent, a immé­di­ate­ment com­mencé à vis­iter les bureaux du Con­grès pour les informer de l’inculpation d’Assange et de la men­ace plus large que représente la loi sur l’espionnage (Espi­onage Act). Il y avait (et il y a tou­jours) une quan­tité incroy­able d’informations erronées sur cette ques­tion au Con­grès. Et même de nom­breuses per­son­nes qui com­pren­nent le prob­lème en privé ont peur de s’exprimer con­tre l’acte d’accusation. Bien qu’il soit impos­si­ble de ne pas not­er le nom­bre plus mod­este de sig­nataires de la let­tre améri­caine par rap­port à ceux d’autres par­ties du monde, le courage de ceux qui ont signé la let­tre et son impor­tance his­torique doivent être célébrés.

Cette let­tre a été ren­due pos­si­ble, en grande par­tie, par le tra­vail de groupes de défense des lib­ertés civiles tels que Defend­ing Rights & Dis­sent, qui ont sen­si­bil­isé le Con­grès à cette affaire, par la déci­sion de Pro­gres­sive Inter­na­tion­al d’organiser une ses­sion du tri­bunal de Bel­marsh à Wash­ing­ton, et par le tra­vail inlass­able des mil­i­tants de base qui ont fait pres­sion sur leurs représen­tants pour qu’ils représen­tent leurs con­vic­tions. Espérons que ce n’est que le début.

Comme le révèle n’importe quel exa­m­en super­fi­ciel des dis­cus­sions sur Assange dans les médias soci­aux, ceux qui s’opposent le plus fer­me­ment à sa lib­erté sont ceux qui ont le moins à dire sur le con­tenu de l’acte d’accusation. C’est égale­ment le cas à l’intérieur du périphérique. Lorsque j’ai ren­du compte d’une dis­cus­sion sur Assange organ­isée par le Michael V. Hay­den Cen­ter (du nom de l’ancien directeur de la NSA et de la CIA), les panélistes anti-Assange ont claire­ment indiqué qu’ils ne voulaient pas dis­cuter du con­tenu de l’acte d’accusation con­tre Assange. Les allé­ga­tions d’atteinte à la sécu­rité nationale, aus­si fal­lac­i­euses soient-elles, sont tou­jours un bon moyen de pression.

Pressions d’Hillary Clinton

Mais dans le cas d’Assange, ce ne sont pas seule­ment les allé­ga­tions d’atteinte à la sécu­rité nationale qui ani­ment ses détracteurs les plus véhé­ments. Wik­iLeaks a pub­lié une série de cour­riels internes du Comité nation­al démoc­rate (DNC) très peu flat­teurs, qui témoignaient d’un par­ti pris pro­fondé­ment ancré con­tre la cam­pagne de Bernie Sanders. En con­séquence, un cer­tain nom­bre de par­ti­sans d’Hillary Clin­ton ont ten­té de faire de Wik­iLeaks le bouc émis­saire de sa défaite. En 2019, le DNC a ten­té de pour­suiv­re Wik­iLeaks pour la pub­li­ca­tion de ces cour­riels, mais un juge a rejeté la plainte en invo­quant le Pre­mier amendement.

Robert Mueller s’est égale­ment penché sur la ques­tion et a refusé d’engager des pour­suites pénales en rai­son de l’absence de preuves liant Wik­iLeaks à un quel­conque piratage et en soulig­nant que la pub­li­ca­tion des cour­riels du DNC était pro­tégée par le Pre­mier amende­ment. L’acte d’accusation con­tre Assange ne con­cerne que les infor­ma­tions pub­liées entre 2010 et 2011 sur les guer­res en Irak et en Afghanistan, le camp de pris­on­niers de Guan­tanamo Bay, à Cuba, et les trans­ac­tions cor­rompues du départe­ment d’État améri­cain. Pour­tant, cer­tains sem­blent prêts à se faire les cham­pi­ons de sa per­sé­cu­tion et de sa tor­ture pour avoir dénon­cé des crimes de guerre afin de venger l’élection de 2016.

Dans une let­tre interne adressée à ses col­lègues et pub­liée par The Inter­cept, Tlaib écrit :

« Je sais que beau­coup d’entre nous ressen­tent de l’animosité pour M. Assange, mais ce que nous pen­sons de lui et de ses actions est vrai­ment hors sujet ici. Le fait est que la manière dont Assange est pour­suivi en ver­tu de la loi sur l’espionnage, notoire­ment anti­dé­moc­ra­tique, porte grave­ment atteinte à la lib­erté de la presse et au Pre­mier amendement. »

Mme Tlaib a rai­son d’exhorter ses col­lègues à met­tre de côté leurs sen­ti­ments à l’égard d’Assange. Si je pense que Wik­iLeaks est l’une des entre­pris­es jour­nal­is­tiques les plus auda­cieuses et les plus impor­tantes de ce siè­cle, les enjeux sont bien plus impor­tants que le sort d’un seul indi­vidu : il s’agit ni plus ni moins de l’avenir du Pre­mier amendement.

Le monde s’est depuis longtemps mobil­isé con­tre la per­sé­cu­tion d’Assange par les États-Unis, et les mem­bres du Con­grès se joignent enfin à eux. Nous sommes encore loin du but, mais nous gagnons du ter­rain. La gauche doit se tenir aux côtés de ceux qui sont prêts à s’élever con­tre cette persécution.

Source : Jacobin Mag, Chip Gib­bons, 13/04/2023
Chip Gib­bons est directeur poli­tique de Defend­ing Rights & Dis­sent. Il a ani­mé le pod­cast Still Spy­ing, qui explore l’histoire de la sur­veil­lance poli­tique du FBI. Il tra­vaille actuelle­ment à la rédac­tion d’un livre sur l’histoire du FBI, qui explore la rela­tion entre la sur­veil­lance poli­tique nationale et l’émergence de l’État de sécu­rité nationale aux États-Unis.
Traduit par les lecteurs du site Les Crises.

Voir aus­si : Julian Assange, portrait

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