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France 5, le service public poursuit sa croisade anti-populiste à C dans l’air

2 avril 2019

Temps de lecture : 6 minutes
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France 5, le service public poursuit sa croisade anti-populiste à C dans l’air

Temps de lecture : 6 minutes

Le 19 mars 2019, l’émission C dans l’air de France 5 consacrait une nouvelle émission à son dada, ceux qui ne sont pas amoureux des fonctionnaires de Bruxelles, nommés différemment selon les jours : extrême-droite, nationalistes, populistes… Quand la présentation faite par une chaîne d’État se transforme en lynchage d’un adversaire politique.

À l’image de la récente journée con­sacrée aux pop­ulismes en Europe par Fran­ce­in­fo, France 5 se penche sur le même « phénomène », avec un titre presque iden­tique : « Europe, la ten­ta­tion pop­uliste », en 95 min­utes. Le site de la chaîne présente les choses ainsi :

« Après la dif­fu­sion en mars 2018 du doc­u­men­taire « Ter­ror­isme, la réponse française », la rédac­tion de C dans l’air pro­pose une nou­velle soirée spé­ciale mar­di 19 mars 2019 à 20.50 avec la dif­fu­sion du « Europe : la ten­ta­tion pop­uliste ». À la veille du Brex­it et de la sor­tie de la Grande-Bre­tagne de l’Union européenne, les équipes de C dans l’air ont suivi la mon­tée de la vague pop­uliste qui, en Ital­ie, en Hon­grie, en Alle­magne mais aus­si en France, risque de faire bas­culer les prochaines élec­tions européennes. Depuis l’ar­rivée des pop­ulistes au pou­voir en Ital­ie jusqu’à la crise des Gilets jaunes en France, la réal­isatrice Marie Lorand racon­te ces neufs mois qui ont fait vac­iller l’Eu­rope. Ce doc­u­men­taire suit les peu­ples en colère mais égale­ment les poli­tiques, dont Emmanuel Macron, dans leurs déplace­ments européens. Marc Lazar, Pas­cal Per­rineau, Jean-Dominique Merchet, Thomas Sné­garoff, Françoise Fres­soz et Jean-Dominique Giu­liani, des experts qui inter­vi­en­nent tout au long de l’an­née dans C dans l’air, appor­tent leurs com­men­taires et analy­ses sur cette his­toire en mou­ve­ment. Car­o­line Roux est une nou­velle fois par­tie à la ren­con­tre de ceux qui font l’histoire. Elle a ain­si inter­viewé Lui­gi di Maio, vice-prési­dent du con­seil ital­ien, Karin Kneissl, min­istre des Affaires étrangères en Autriche, Nathalie Loiseau, min­istre chargée des Affaires européennes, Daniel Cohn Ben­dit, ex-député européen et Marine le Pen, prési­dente du Rassem­ble­ment National. »

Cela se passe de com­men­taires, en par­ti­c­uli­er au sujet des noms de jour­nal­istes commentateurs.

Lagardère studios producteur

Notons cepen­dant que ce doc­u­men­taire n’est pas unique­ment une pro­duc­tion de France 5 mal­gré les apparences, mais de Max­i­mal pro­duc­tions, c’est-à-dire de Lagardère stu­dios. Loin d’être anodin : c’est le pre­mier groupe européen de pro­duc­tion audio­vi­suel, com­posé de 28 sociétés répar­ties sur 3 continents.

Un regard sur leur site mon­tre qu’il s’agit d’une machine de com­bat idéologique ce qui explique sans aucun doute le ton général de C dans l’air, celui de l’émission con­sacrée le 19 mars aux pop­ulismes en par­ti­c­uli­er. Le groupe adhère à la « charte de la diver­sité » et est parte­naire de l’école miroir, «  étab­lisse­ment qui forme gra­tu­ite­ment des jeunes issus de quartiers défa­vorisés aux métiers des arts, du spec­ta­cle et de l’au­dio­vi­suel. Dans le cadre de ce parte­nar­i­at, l’en­tre­prise a financé les « books » d’un cer­tain nom­bre d’élèves de l’é­cole. Véri­ta­ble out­il pro­fes­sion­nel, ces « books » ont ensuite été dif­fusés auprès des pro­duc­teurs et directeurs de cast­ing des dif­férentes sociétés de pro­duc­tion ». Christophe Tho­ral, actuel prési­dent de Lagardère stu­dios, a d’abord été appelé aux côtés de Denis Olivennes en 2014. Sur de telles bases, indiquées sur le site de Lagardère stu­dios, qui peut croire un instant qu’un doc­u­men­taire con­sacré aux « pop­ulismes » va être loyal ?

Et un documentaire à charge… un !

C dans l’air ne brille vrai­ment pas par son hon­nêteté mal­gré les apparences liées aux moyens économiques et tech­niques. Out­re le fait que ce nou­veau doc­u­men­taire s’inscrit dans la lignée de celui dif­fusé en décem­bre 2018 (C dans l’air a un dada, on vous le dis­ait), cette « soirée spé­ciale » est pleine de gros sabots.

Flo­rilège

  • Le début : « Après Trump et le Brex­it, l’Europe pré­pare-t-elle un nou­veau séisme ? ». C’est la prob­lé­ma­tique de la soirée.
  • L’origine du « prob­lème » (« com­ment en est-on arrivé là ?» est-il demandé) : c’est le Brex­it. Pas un mot sur le référen­dum français de 2005 qui a été volé et peut être con­sid­éré pour­tant comme un point de départ plus juste de la prise de con­science des peu­ples face aux incon­gruités poli­tiques des « élites », ce qui pour­rait être une assez bonne déf­i­ni­tion du populisme.
  • Tous les ana­lystes invités font par­tie des milieux anti pop­ulistes. En dehors d’eux, seuls des per­son­nal­ités poli­tiques dites pop­ulistes ont la parole. Mais cette parole est analysée selon un angle unique. C’est que, et Cohn-Ben­dit le dit à Car­o­line Roux : « Les peu­ples n’ont pas tou­jours rai­son. Regardez les Alle­mands ! ». Un beau résumé de la con­cep­tion européiste de la démoc­ra­tie dite de Brux­elles, et une des sources de la colère pop­u­laire continentale.
  • Les mots « pop­ulistes », « nation­al­istes » et « extrême droite » sont amal­gamés en per­ma­nence, au sujet de cha­cun des par­tis et de cha­cune des per­son­nal­ités envis­agés. Y com­pris et de façon presque incroy­able à la fin de la pre­mière heure du doc­u­men­taire : c’est le moment d’extraits d’une dis­cus­sion entre Car­o­line Roux et Marine Le Pen. La pre­mière par­le de « nation­al­istes ». La sec­onde rétorque : « Pourquoi utilisez-vous ce vocab­u­laire dont vous savez per­tinem­ment qu’il est faux et à quoi il réfère ? » La jour­nal­iste demande quel mot utilis­er. Madame Le Pen répond : « Les nationaux, pourquoi pas ? » et explique en quoi les pop­ulistes ne sont juste­ment pas nation­al­istes au sens des Années 30 aux­quelles ce doc­u­men­taire veut nous con­duire. Il n’empêche : dans la sec­onde qui suit, le doc­u­men­taire nous con­duit à « La ren­con­tre des nation­al­istes »… Ce qui per­met d’intégrer Steve Bannon.
  • Le doc­u­men­taire note des reculs des lib­ertés dans les pays « illibéraux », insis­tant en par­ti­c­uli­er sur l’Italie, la Pologne, la Hon­grie. Et fait le lien avec le RN. C’est que le dan­ger pèserait, bien que nous ayons en Macron un sauveur pos­si­ble, meilleur qu’une Merkel dont il est recon­nu qu’elle a mal géré la crise des migrants de 2015, même si c’était com­pliqué dit-on. Du reste, Cohn-Ben­dit repasse par là pour nous dire ceci : « L’inhumanité gagne ceux qui n’étaient pas inhu­mains ».

L’ensemble est de cet acabit. On com­prend mieux le mot de « lèpre », il réfère à ceux qui seraient « inhu­mains », ceux qui ne sont pas pour cette UE là mais pour une autre forme d’organisation européenne et pour son iden­tité. N’est-il pas sur­prenant de voir que l’on utilise aujourd’hui des mots tels que « lèpre » ou « inhu­main » à l’encontre d’européens ? Comme ils furent util­isés dans les Années 30 juste­ment, pour désign­er des boucs émis­saires ? Il ne manque plus que des mots tels que rats ou par­a­sites et en effet l’inhumanité, déjà réelle­ment présente sous sa forme mon­di­al­iste, aura trou­vé son vocab­u­laire employé par des per­son­nes se revendi­quant de l’humanisme et de la tolérance.

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