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Élections en Hongrie : une analyse sur place des médias locaux pendant la campagne

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23 avril 2022

Temps de lecture : 7 minutes
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Élections en Hongrie : une analyse sur place des médias locaux pendant la campagne

Temps de lecture : 7 minutes

Les élections du 3 avril 2022 ont vu un triomphe du Fidesz de Viktor Orbán au pouvoir depuis douze ans. Avec 54% des voix (contre 34% à l’opposition unie de six partis, des anciens communistes aux anciens nazis du Jobbik), le Fidesz conserve sa majorité constitutionnelle des 2/3 des sièges au Parlement monocaméral, alors que des dissidents du Jobbik (Mi Hazànk) remportent six sièges. Ces élections ont été décrites sans raison comme manipulées du Monde au New York Times en passant par la plupart des télévisions françaises. Le rapport qui suit rétablit les choses d’une manière plus mesurée.

Une délégation de l’Ojim en Hongrie avant et pendant les élections

À l’in­vi­ta­tion de la Fon­da­tion pour un jour­nal­isme trans­par­ent (Tran­sz­parens Újságírásért Alapítvány), l’Ob­ser­va­toire du jour­nal­isme (Ojim) a par­ticipé à une com­mis­sion de con­trôle des élec­tions hon­grois­es avec une délé­ga­tion de trois per­son­nes en tant qu’ob­ser­va­teurs élec­toraux accrédités. En col­lab­o­ra­tion avec notre organ­i­sa­tion parte­naire (la Fon­da­tion pour un jour­nal­isme trans­par­ent), nous avons active­ment par­ticipé aux travaux de la délé­ga­tion d’ob­ser­va­tion des médias pour les élec­tions lég­isla­tives (49 per­son­nes venues de dix pays dif­férents) Nous avons égale­ment fait un cer­tain nom­bre de con­stata­tions inter­mé­di­aires au cours de la semaine élec­torale, qui ont été régulière­ment rap­portées dans les médias nationaux.

Un travail centré sur la liberté d’expression des médias

Pour la France, Claude Chol­let, Andréas Bild et Thibault Merci­er, en coopéra­tion avec des pro­fes­sion­nels des médias hon­grois, ont pu observ­er les proces­sus médi­a­tiques et les aspects poli­tiques des élec­tions hon­grois­es et sur­veiller l’équité des élec­tions en tant qu’ob­ser­va­teurs élec­toraux accrédités. Le per­son­nel hon­grois nous a aidés à obtenir autant d’in­for­ma­tions que pos­si­ble sur les médias hon­grois et sur le proces­sus élec­toral, ain­si qu’à con­stru­ire une image plus com­plexe et plus juste des élec­tions lég­isla­tives hon­grois­es de 2022.

Rencontres avec les principaux acteurs

Le rap­port exam­ine prin­ci­pale­ment la sit­u­a­tion des médias en Hon­grie dans le con­texte des élec­tions, avec un accent par­ti­c­uli­er sur la péri­ode de la cam­pagne élec­torale elle-même (50 jours avant le scrutin), mais aus­si sur la péri­ode précé­dant immé­di­ate­ment les élec­tions. Nous avons suivi les événe­ments affec­tant les médias pen­dant la péri­ode élec­torale, par­ticipé à des réu­nions avec des représen­tants d’in­sti­tu­tions jouant un rôle impor­tant dans le proces­sus élec­toral (cour con­sti­tu­tion­nelle, cour des comptes etc) et invité d’im­por­tants médias à nous nous ren­con­tr­er lors d’un entre­tien sur leur poli­tique éditoriale.

La délé­ga­tion a eu l’oc­ca­sion d’en­gager une dis­cus­sion de fond avec des édi­teurs de dif­férentes écoles de pen­sée et de valeurs. Du côté cri­tique du gou­verne­ment comme du côté pro-gouvernemental.

Une élection démocratique

Prin­ci­pales con­clu­sions de la Délé­ga­tion de sur­veil­lance des médias électoraux :

  • Les élec­tions hon­grois­es se sont déroulées sans per­tur­ba­tions majeures. En tant qu’ob­ser­va­teurs élec­toraux accrédités, les mem­bres de la délé­ga­tion n’ont relevé aucune anom­alie élec­torale dans les bureaux de vote où l’élection s’est tenue de manière paisible.
  • La grande majorité des médias hon­grois présen­tent une col­oration poli­tique affir­mée, soit en accord avec les objec­tifs poli­tiques de l’op­po­si­tion, soit en faveur du par­ti au pou­voir. Ceci d’une manière rel­a­tive­ment équili­brée entre les deux camps sur le plan des rap­ports de force dans les médias.
  • Les électeurs hon­grois ont eu l’oc­ca­sion en toute lib­erté de recueil­lir des infor­ma­tions sur la poli­tique par plusieurs canaux dif­férents, à par­tir de nom­breuses plate­formes dif­férentes, que ce soit à la télévi­sion, sur papi­er ou en ligne. La télévi­sion d’État a sans aucun doute favorisé le par­ti au pou­voir, mais les prin­ci­pales chaînes privées sont favor­ables à l’opposition.
  • Il s’est avéré faux que les mes­sages de l’op­po­si­tion n’aient pas pu attein­dre l’élec­torat général. Sur les réseaux soci­aux, les plate­formes liées au pro-oppo­si­tion DatA­dat (agence de l’opposition basée à l’étranger sous cou­vert d’ONG) ont dépen­sé plus au cours des 30 derniers jours de l’élec­tion que son opposant Mega­fon, qui promeut le réc­it pro-gouvernemental.
  • Les médias les plus lus ont été polar­isés selon des lignes poli­tiques opposées au cours de la dernière semaine de la cam­pagne élec­torale. La plu­part des médias ont fait peu ou pas d’ef­forts pour présen­ter une diver­sité d’opin­ions, s’engageant dans un camp ou dans l’autre.
  • De nou­velles tech­niques poli­tiques sont apparues pour influ­encer les élec­tions par le biais des médias (par­fois de l’é­tranger dans le cas de l’opposition).

Les réseaux sociaux en faveur de l’opposition

  • Dans le monde des médias soci­aux, la trans­parence des cam­pagnes élec­torales n’a pas été respec­tée. De nom­breux pro­duits de pro­pa­gande qui appa­rais­sent comme des médias ont pub­lié des con­tenus sans finance­ment trans­par­ent. De plus, les pub­lic­ités sur ces plate­formes ne révè­lent pas exacte­ment qui les finance. Les plate­formes liées à DatA­dat, qui sou­tient l’op­po­si­tion, en sont un exemple.
  • Faire cam­pagne avec de fauss­es nou­velles dans les médias est devenu une pra­tique courante. Dans de nom­breux cas, cela se pro­duit par l’u­til­i­sa­tion de faux pro­fils Face­book ou de plate­formes médi­a­tiques jusque-là incon­nues pour attein­dre les électeurs.
  • Des bul­letins de l’opposition auraient été brûlés en Tran­scarpathie comme l’a révélé le site d’opposition Telex. Le « cas Télex » pour­rait provenir de fauss­es infor­ma­tions poli­tiques pré­sumées et néces­site une enquête plus appro­fondie ; en effet, l’his­torique de l’URL de l’ar­ti­cle de Télex sur les bul­letins de vote brûlés, paru fin mars quelques jours avant le vote, indique une date de rédac­tion tout début févri­er. Le directeur de Telex, Szabolcs Dull, a expliqué que la date de l’URL était due à une erreur tech­nique, ce qui reste à vérifier.
  • Les dis­cus­sions de fond ont égale­ment révélé que Face­book restreignait ou cen­surait con­stam­ment les arti­cles pub­liés par les médias sur Face­book, par la pra­tique du shad­ow ban­ning en par­ti­c­uli­er sur les sites pro-gou­verne­ment. Il est donc dif­fi­cile pour les citoyens d’avoir accès à des opin­ions dif­férentes sur un sujet don­né sur ce réseau social favor­able à l’opposition et util­isé mas­sive­ment en Hon­grie avec plus de 5 mil­lions de comptes pour moins de 10 mil­lions d’habitants.
  • Out­re la pra­tique sus­men­tion­née, le blocage total de la page du par­ti « Mi Hazánk » (par­ti nation­al­iste) par Face­book six jours avant le vote peut être con­sid­éré comme une ingérence étrangère, cau­sant de graves dom­mages au par­ti en ques­tion qui a mal­gré tout réus­si à être représen­té au Par­lement avec 6 députés mais qui aurait peut-être pu en obtenir plus sans cette action du réseau social.
  • Selon les médias publics favor­ables au gou­verne­ment, tous les par­tis n’ont pas prof­ité des mes­sages pub­lic­i­taires gra­tu­its de 80 min­utes qu’ils ont pro­posés, même si chaque par­ti ou alliance de par­tis sur la liste a béné­fi­cié d’une présen­ta­tion de 5 min­utes. Les médias publics ont déclaré vouloir don­ner plus d’espace aux débats poli­tiques con­tra­dic­toires, mais il n’y a pas eu d’ou­ver­ture sur ce for­mat de la part des par­tis poli­tiques ni d’un côté ni de l’autre.

Conclusion

Aucune démoc­ra­tie n’est par­faite, ain­si la cam­pagne élec­torale en cours en France indique que les médias publics sou­ti­en­nent mas­sive­ment la réélec­tion du prési­dent sor­tant. Il en est de même de la majorité des médias privés main­stream. Peut-on dire pour autant que l’élection française est non démoc­ra­tique ?  La cam­pagne élec­torale en Hon­grie nous a sem­blé in fine plus équili­brée qu’en France, avec des médias très engagés mais dans une ambiance respec­tant mieux le plu­ral­isme. Aucun jour­nal­iste hon­grois n’est en prison pour ses pris­es de posi­tion, l’opposition domine sur les réseaux soci­aux alors que la presse écrite est favor­able au gou­verne­ment Fidesz. Les bul­letins de vote des par­tis sont bien en place dans les bureaux de votes et les assesseurs des deux coali­tions con­trô­lent le dépouille­ment. La vic­toire du Fidesz est nette et due aus­si bien aux suc­cès économiques du par­ti au pou­voir qu’aux erreurs de l’opposition dont le leader a été bat­tu dans son fief. Nous y reviendrons.

Claude Chol­let

Quand on par­le de la Hon­grie on pense aux réseaux Soros. L’Observatoire du jour­nal­isme a pub­lié une brochure numérique sur l’Open Soci­ety de George Soros, réservée à nos dona­teurs dès 1 euro. Les dona­teurs de 50€ et plus reçoivent en sus une de nos brochures papi­er, dédi­cacées. Le tout avec un reçu fis­cal de 66% du mon­tant du don. Pour nous aider, cliquez ici.

Pour mémoire composition du Parlement monocaméral hongrois après les élections

199 sièges répar­tis comme suit :

  • Fidesz 135
  • Oppo­si­tion unie 57
  • DK (eurofédéral­istes, dirigé par l’an­cien PM Fer­enc Gyurcsány) 15
  • Momen­tum (LREM hon­grois) 11
  • Job­bik (ex néo-nazis) 9
  • MSZP (PS ex com­mu­nistes) 9
  • Párbeszéd (pastèques libérales) 7
  • LMP (Verts sur le déclin) 4
  • Div 2
  • Mi Hazánk (nation­al­istes) 6
  • Et un député de la minorité eth­nique allemande