Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Contrôle exercé sur les médias : l’Allemagne n’a rien à envier à la France

19 février 2023

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Contrôle exercé sur les médias : l’Allemagne n’a rien à envier à la France

Contrôle exercé sur les médias : l’Allemagne n’a rien à envier à la France

Temps de lecture : 4 minutes

Tandis que se profilent les dangers de “l’intelligence artificielle” concernant la liberté d’expression et celle des médias, il est de notoriété publique que l’indépendance des médias laisse à désirer.

L’affaire « Sto­ry Killers », qui fait ressor­tir le poids d’agences israéli­ennes (« place forte de la dés­in­for­ma­tion », selon France Info le 16 févri­er 2023) four­nissant des dossiers clés en mains à divers médias, ou encore la con­vo­ca­tion secrète, à la veille des pre­mières man­i­fes­ta­tions con­tre les retraites, de jour­nal­istes français afin de leur fournir les élé­ments de lan­gage à dif­fuser dans leurs jour­naux et autres médias, tout cela mon­tre à quel point les élites poli­tiques, économiques et médi­a­tiques sont imbriquées. Il devient dif­fi­cile d’accuser quiconque ose l’écrire de théoris­er un com­plot.

Allemagne aussi

Le phénomène est inter­na­tion­al et l’Allemagne n’y échappe pas. Des exem­ples récents, rap­portés par l’hebdomadaire Junge Frei­heit, le montrent.

Dans un arti­cle daté du 2 févri­er 2023, l’hebdomadaire mon­trait que l’AfD (Alter­na­tive für Deutsch­land) a été sys­té­ma­tique­ment ban­nie des grandes émis­sions poli­tiques, du moins « invitée » mais de manière très en-deçà de ce qu’elle représente réelle­ment dans le pays. Y com­pris en ter­mes de résul­tats élec­toraux. Par­al­lèle­ment, les Verts, en chute libre en Alle­magne (au même titre que la vente des pro­duits bio — moins 12 % en 2022), ont été ample­ment sur-représen­tés. Glob­ale­ment, la part de l’AfD sur la ZDF et l’ARD, les deux prin­ci­pales chaînes de télévi­sion et de radio publiques, n’est que de… 0,4 %. Un tel chiffre s’appelle cen­sure. Or, l’AfD représente actuelle­ment env­i­ron 15 % des inten­tions de vote dans tous les sondages et pour tous les types d’élections. Com­par­a­tive­ment, les Verts (100 invi­ta­tions) ne sont pas les seuls à être sur-représen­tés, c’est aus­si le cas du SPD (129 invi­ta­tions) et de Die Linke (34 invi­ta­tions). La CDU/CSU chré­ti­enne-démoc­rate, au pro­gramme provo­quant de fortes ten­sions en interne actuelle­ment, avec exclu­sions à la clé, tant il est proche de celui de la gauche du SPD, a été invitée 125 fois.

Con­crète­ment, les médias publics alle­mands don­nent env­i­ron 150 fois plus la parole aux idées de gauche ou aux idées sociales-démoc­rates qu’aux idées alter­na­tives, pour­tant pop­u­laires et ancrées dans le pays. Pour jus­ti­fi­er ses « choix », la ZDF a indiqué qu’« il n’est pas tou­jours pos­si­ble de représen­ter toutes les posi­tions imag­in­ables dans un pro­gramme ». Résul­tat des cours­es : lors des débats télévisés, les téléspec­ta­teurs écoutent des représen­tants poli­tiques qui sont tous d’accord. Ce fut le cas au sujet du coro­n­avirus, c’est main­tenant pareil au sujet de la guerre en Ukraine ou de la crise énergétique.

Les grandes chaînes de télévision en mode partisan

Un autre exem­ple ? Le 16 févri­er 2023, le même heb­do­madaire Junge Frei­heit notait que l’indépendance de la ZDF et de l’ARD devait être d’autant plus remise en ques­tion après une étude de l’entreprise suisse Tenor. Selon cette étude, les deux médias publics auraient pu influ­encer la cam­pagne élec­torale fédérale de sep­tem­bre 2021. En effet, l’ARD et la ZDF ont fait de nom­breux reportages dans des Län­der alors touchés par de fortes inon­da­tions (180 morts). Il s’avère que les dirigeants de ces Län­der n’ont pas tous été présen­tés de la même manière (pen­dant le proces­sus élec­toral, rap­pelons-le). Ain­si, des dirigeants de la CDU étaient à 75 % présen­tés de manière neu­tre ou favor­able tan­dis que d’autres, du SPD, ne l’étaient qu’à 25 %. Con­cer­nant le gou­verne­ment de la Rhé­nanie-Palati­nat, une défail­lance claire­ment recon­nue a con­duit à la démis­sion de la min­istre de l’environnement (Verts) — avant de devenir… min­istre fédérale de la famille — mais l’ARD et la ZDF n’ont pro­posé aucun reportage négatif. Notons que Malu Drey­er, chef du gou­verne­ment de Rhé­nanie-Palati­nat est aus­si… Prési­dente du con­seil d’administration de la ZDF, chaîne de télévi­sion publique donc. Ceci expli­querait-il cela ?

Dans l’ensemble, l’institut de recherche suisse Tenor con­sid­ère que les médias publics alle­mands « sont de gauche ». Les par­tis qui obti­en­nent le plus de reportages posi­tifs ou très posi­tifs sont les Verts et le SPD. Qui « béné­fi­cie » des reportages les pires ? Vous avez dev­iné c’est Alter­na­tive für Deutsch­land, le Rhin n’est plus une fron­tière pour les médias de grand chemin.

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés