Première diffusion le 14/11/2021
Burhan Sallahu est l’une des innombrables victimes des lois françaises. Comme tant d’autres étrangers, ce jeune Albanais du Kosovo ne souhaite que vivre paisiblement dans notre pays. Mais des lois iniques l’en empêchent. Car son seul problème est qu’il n’est pas en règle car il n’a pas de titre de séjour. Heureusement, les médias de grand chemin sont là pour promouvoir le mouvement de soutien en faveur de sa régularisation et celle de sa famille. Derrière le récit simpliste se cache pourtant une réalité qui révèle une France où les lois sont non seulement contestées mais aussi piétinées.
Une père de famille menacé d’expulsion
Comme la loi le prévoit pour tout étranger en situation irrégulière présent en France, Burhan Sallahu a été sommé de quitter le territoire français. Rapidement, un comité de soutien s’est créé. Ses actions ont été fortement médiatisées par les médias de grand chemin :
Ainsi le quotidien régional Ouest-France nous informe le 2 novembre qu’« un comité de soutien, des élus, des enseignants, des amis et le maire de Rouen montent au créneau pour soutenir une famille kosovare dont le père, est menacé d’expulsion ».
La radio France Bleu fait état de l’affiche installée sur le fronton de la mairie de Rouen avec cette phrase : « Est-ce la France que nous voulons ? ».
Le Parisien affiche également un soutien à peine masqué au clandestin : « À Grammont, les Rouennais disent non à l’expulsion du papa de Dalila et Medji ». Le journaliste du quotidien régional donne la parole au maire de Rouen : « Leur accorder une chance de rester, c’est valoriser ce qui fonctionne en France ».
Mais qu’est-ce qui fonctionne en France, en particulier dans cette affaire ? Un communiqué de presse de la Préfecture de Seine maritime du 2 novembre, qui n’a visiblement pas été beaucoup exploité par la presse quotidienne régionale, nous en apprend un peu plus sur le parcours de Burhan Sallahu.
« Est-ce la France que nous voulons ? »
Juillet 2016 : Burhan Sallahu entre clandestinement en France, sans visa, bien que cela soit nécessaire pour les ressortissants du Kosovo. Il dépose une demande d’asile bien qu’il en ait déposé une autre en Allemagne, qui a été rejetée en avril 2015. Une nouvelle illustration que la France reçoit selon les propres termes du ministère de l’intérieur de très nombreuses demandes d’asile « secondaires », présentées par des déboutés de l’asile dans un autre pays européen. Chacun appréciera si ces demandes à répétition sont justifiées.
En août 2016, sa demande d’asile en France est rejetée par l’OFPRA. Monsieur Sallahu ne se contente pas de cette décision et fait appel. Son recours contre la décision de l’OFPRA est rejeté par la cour d’appel du droit d’asile en mai 2017.
Suite à un contrôle d’identité en octobre 2017, Monsieur Sallahu se voit notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Monsieur Sallahu ne se contente pas de cette décision et fait appel. Le tribunal administratif confirme cette OQTF en décembre 2017.
En novembre 2019, nouveau contrôle, Monsieur Sallahu se voit notifier une prolongation de son interdiction de retour pour une durée de deux ans supplémentaires. Monsieur Sallahu ne se contente pas de cette décision et fait appel. Le tribunal administratif de Rouen rejette sa demande par jugement du 3 mars 2020.
Décembre 2020, nouveau contrôle, Monsieur Sallahu se voit notifier une nouvelle obligation de quitter le territoire français sans délai. Bien entendu, il reste sur le territoire français.
Mai 2021, nouveau contrôle. Il fait l’objet d’une mesure d’éloignement exécutoire en décembre de la même année et est assigné à résidence. L’État français va-t-il enfin se faire respecter ? Ne parlons pas trop vite. Monsieur Sallahu ne se contente pas de cette décision et fait appel. Le tribunal administratif confirme les décisions d’éloignement et d’interdiction de retour en France. Un pays qu’il n’a pas quitté, bien évidemment.
Mais maintenant Monsieur Sallahu tombe malade. Il est « dans un état psychologique préoccupant » selon France bleu. « Compte tenu de son hospitalisation, sa mesure d’éloignement est suspendue à ce stade », nous précise le communiqué de presse de la Préfecture. Nous voilà rassurés, son moral va peut- être remonter.
Le communiqué de presse de la Préfecture de Seine maritime relate également la demande d’asile de l’épouse de Monsieur Sallahu en France en 2016, qui a également été déposée après un refus en Allemagne.
Mais la France est bonne mère : en conclusion du communiqué de presse, la Préfecture de Seine maritime évoque deux possibilités pour la famille : son retour au Kosovo avec une aide financière ou une régularisation si Monsieur Sallahu produit un contrat de travail.
Ouest-France et France bleu auront beau donner de multiples détails sur l’état d’esprit du couple menacé d’expulsion, moult détails attendrissants sur la vie de la famille kosovare, on ne peut s’empêcher de se dire que cette histoire est révélatrice d’un pays qui ne se fait plus respecter, où les clandestins usent et abusent des recours juridiques au point d’embouteiller la justice administrative.
Pour au final se voir proposer de l’argent pour retourner au pays ou se faire régulariser en produisant un hypothétique contrat de travail. Un exigence de trop ? Pas un doute ne semble avoir traversé les médias locaux dans leur soutien au clandestin procédurier, qui a bien compris qu’il aurait toutes les chances d’avoir le dernier mot sur la loi française.