Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Foire numérique en Allemagne : pluralité des genres et sauvetage en mer

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

30 juin 2022

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | Foire numérique en Allemagne : pluralité des genres et sauvetage en mer

Foire numérique en Allemagne : pluralité des genres et sauvetage en mer

Temps de lecture : 6 minutes

Des cheeseburgers et autres plats vegan à huit euros ; à dix mètres du stand « veggi », un baby-foot « inclusif » : les figurines appartiennent à différents groupes ethniques et sexes. La lourde table est décorée de slogans tels que « bienvenue aux réfugiés », « féminisme intersectionnel » et « non à l’étouffement des genres ». Un public majoritairement jeune ; de nombreux visiteurs portent des t‑shirts avec des slogans politiques comme « FCK NZS/on …les nazis ». Cheveux colorés, piercings faciaux et tatouages partout.

Salon numérique de référence

Après trois ans de mise en ligne en rai­son de la pandémie, le 8 juin le salon numérique re:publica 22 a rou­vert ses portes. Sur son site Inter­net, les par­tic­i­pants sont désignés comme « un échan­til­lon représen­tatif de notre société (numérique) ». Sci­en­tifiques, poli­tiques, entre­pre­neurs, blogueurs, ONG et autres acteurs s’y expri­ment depuis 2007 sur les oppor­tu­nités et les dan­gers de la numéri­sa­tion, mais aus­si sur d’autres ques­tions de société.

Quartier bobo et musique ad hoc

L’événe­ment com­mence sur la scène prin­ci­pale de la salle des fêtes de Kreuzberg (quarti­er de la « con­tre-cul­ture » et bobo à Berlin, n.d.t.), la salle est pleine à cra­quer et 15 min­utes avant le début, il est presque impos­si­ble de trou­ver une place, les vis­i­teurs sont au coude à coude. Quelques min­utes avant le dis­cours d’ou­ver­ture, une musique forte reten­tit de grands hauts-par­leurs : « Hour­ra, le monde s’ef­fon­dre » du groupe de hip-hop berli­nois K.I.Z. suivi directe­ment de « Give peace a chance » de John Lennon.

En colère depuis des décennies

Une co-fon­da­trice de re:publica, Tan­ja Haeusler, prend la parole et par­le de ce qu’elle con­sid­ère comme des débats impor­tants de notre époque : « La colère se répète depuis des décen­nies », dit-elle, faisant référence à la numéri­sa­tion, au change­ment cli­ma­tique, à la pandémie et à la guerre en Ukraine. Elle est suiv­ie par son col­lègue Markus Beckedahl, qui lui, souligne que plus de 400 con­férences, ate­liers et dis­cus­sions attes­tent que l’Alle­magne d’au­jour­d’hui vit dans une « pandémie de dés­in­for­ma­tion, de haine et d’ag­i­ta­tion ». Les organ­isa­teurs se sen­tant tenus à la diver­sité, la par­tic­i­pa­tion d’in­ter­venants féminins atteint presque les 50 %, ce qui serait selon eux à louer vivement.

Personnalités du gouvernement et d’internet

La foire re:publica se con­sid­ère comme un « fes­ti­val de la société numérique » et « la plus grande con­férence du genre en Europe ». Un regard sur les noms des con­férenciers invités fait penser que cette auto-descrip­tion n’est pas exagérée. Out­re des per­son­nal­ités de l’In­ter­net telles qu’E­va Schulz (jour­nal­iste née en 1990, présen­ta­trice de télévi­sion et pro­duc­trice de con­tenus sur Insta­gram et Twit­ter – n.d.t.), et Tilo Jung (né en 1985, jour­nal­iste et pod­cas­teur – n.d.t.), des acteurs impor­tants du monde des médias, tels que le directeur du mag­a­zine télévisé de la chaîne ARD “MONITOR”, Georg Res­tle, et le directeur du pro­gramme télévisé de la chaîne WDR Jörg Schö­nen­born, sont à l’hon­neur. Des per­son­nal­ités de haut rang du gou­verne­ment fédéral, comme Nan­cy Faeser, min­istre de l’In­térieur, ou encore Olaf Scholz, chance­li­er, tous deux mem­bres du SPD (Par­ti social­iste, n.d.t.), vien­nent partager leurs réflex­ions sur la sécu­rité intérieure en temps de guerre en Ukraine et sur « l’ère tour­nante de la poli­tique numérique » avec les visiteurs.

Sur des scènes de la taille d’un grand amphithéâtre et dans de petites salles, re:publica pro­pose des forums de dis­cus­sion sur d’autres sujets que celui de la numéri­sa­tion : « Qu’est-ce qu’une médecine anti-raciste ? » ou bien « Qu’est-ce que la poli­tique étrangère fémin­iste ? ». Financés par le min­istère fédéral de l’In­térieur, l’A­gence fédérale pour l’é­d­u­ca­tion civique et la Fon­da­tion Amadeu Anto­nio, mais aus­si par des entre­pris­es privées telles que SAP, Google, IKEA et YouTube, les inter­venants oscil­lent entre la peur de la cat­a­stro­phe cli­ma­tique et de la Nou­velle Droite, et l’e­spoir d’un avenir sans discrimination.

Des urinoirs pour femmes et des néologismes « appropriés aux genres »

Des avis sur les portes devant les toi­lettes infor­ment qu’il y a des uri­noirs pour les femmes, d’autres appel­lent à la vac­ci­na­tion (coro­na) et au port du masque. Partout sur le site, des affich­es invi­tent les vis­i­teurs à se sen­si­bilis­er. Il s’a­gi­rait de créer une atmo­sphère dans laque­lle tout le monde se sen­ti­rait à l’aise, indépen­dam­ment de la couleur de peau, du sexe, de la reli­gion, des préférences sex­uelles, etc. Les affich­es indiquent : « Les inci­dents qui font que les gens se sen­tent attaqués, méprisés, dis­crim­inés, blessés, dégradés ou dépassés ne seront pas admis. »

La CDU mécène

Bien que la Fon­da­tion Kon­rad-Ade­nauer, affil­iée à la CDU, soit l’un des mécènes de longue date, les opin­ions et les acteurs de la droite du cen­tre poli­tique sont introu­vables. Des angli­cismes et des néol­o­gismes « adap­tés au genre » par­courent comme un fil rouge la plu­part des con­tri­bu­tions. La vraie vie devient la « real life », le préjugé devient un « bias ». Le mas­culin générique s’échappe de temps à autre d’un haut-par­leur, vite com­plété par la forme féminine.

L’au­t­o­cri­tique des grands médias ne manque pas. La cor­re­spon­dante de l’ARD, Ina Ruck, par exem­ple, cri­tique le fait que les maisons établies lais­sent trop de « per­son­nes com­prenant Pou­tine » s’ex­primer. Ann-Katrin Müller, du Spiegel, se plaint pour sa part que, pen­dant la phase extrême de la pandémie, des voix « dou­teuses » telles que celles des Pro­fesseurs Hen­drick Streeck et Alexan­der Kekulé rece­vaient trop d’attention.

Une étudiante en biologie en est certaine : “Il y a bien plus que deux sexes”

Les dis­cus­sions sur la lutte con­tre l’au­tori­tarisme à Hong Kong et les reportages de guerre indépen­dants en Ukraine alter­nent avec le trans­genre et le « bin­go de la vul­ve ». Ce jeu com­pare les syn­onymes et les métaphores lin­guis­tiques de l’or­gane sex­uel féminin dans dif­férentes langues ; son objec­tif serait de réduire la honte et les préjugés.

Dans « Attaque Peng ! Sauve­tage en mer en Méditer­ranée », les « Seapunks/punks des mers » se présen­tent et racon­tent com­ment leur est venue l’idée de faciliter la tra­ver­sée des migrants vers l’Eu­rope. L’un des ora­teurs porte un T‑shirt avec l’in­scrip­tion « SAR » (Search and Res­cue, sigle de l’Or­gan­i­sa­tion mar­itime inter­na­tionale définis­sant cer­taines zones de recherche et sauve­tage en mer – n.d.t.) claire­ment inspirée de l’emblème de la RAF (Rote Armee Fraktion/Fraction armée rouge, organ­isme ter­ror­iste des années 1970 à fin des années 1990 – n.d.t.).

Une étu­di­ante en biolo­gie donne une con­férence sur la trans­sex­u­al­ité et l’ho­mo­sex­u­al­ité dans le règne ani­mal et déclare qu’il y aurait aus­si bien plus que deux sex­es chez les êtres humains. Un audi­teur lui deman­dant ce que cela sig­ni­fierait en ter­mes de com­péti­tion sportive, si des hommes biologiques s’i­den­ti­fi­ant comme des femmes étaient autorisés à con­courir dans les sports féminins à l’avenir, la con­féren­cière n’a pas eu de réponse claire ; cela resterait à décider au cas par cas, le plus impor­tant étant de ne dis­crim­in­er per­son­ne. Ce fut là l’une des rares ques­tions cri­tiques du public.

Source : Junge Frei­heit, 14/06/2022. Tra­duc­tion : AC

Vidéos à la une