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Accueil | Portraits | Marie Kirschen

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14 août 2019

Temps de lecture : 11 minutes

14 août 2019

Accueil | Portraits | Marie Kirschen

Marie Kirschen

Temps de lecture : 11 minutes

Une militante LGBT à la tête des Inrocks web

Née en France en 1985, Marie Kirschen est spécialiste des questions féministes et lgbt, et désormais rédactrice en chef des Inrocks. Après avoir poussé à la démission son prédécesseur, d’où son surnom dans la profession « pousse toi de là que je m’y mette ».

Marie Kirschen com­mence sa car­rière en tant que pigiste pour Libéra­tion et Têtu, pour lequel elle devient respon­s­able édi­to­r­i­al du site Têtue.fr de 2010 à 2013.

Suite à la fer­me­ture du site, elle fonde en 2013 la revue les­bi­enne Well Well Well, qui béné­fi­cie d’un bon accueil dans les milieux militants

La jour­nal­iste se spé­cialise en effet sur les ques­tions fémin­istes et LGBT, et milite pour une meilleure vis­i­bil­ité des minorités dans les media. Elle adhère notam­ment à l’AJL – Asso­ci­a­tion des Jour­nal­istes LGBT dont elle fait par­tie des pre­miers signataires.

Marie Kirschen crée pour Buz­zFeed une rubrique « Meufs », dédiée aux ques­tions fémin­istes et qu’elle ani­me à par­tir de 2015. La jour­nal­iste se démar­que en effet par une bonne con­nais­sance des sup­ports numériques et de leurs spécificités.

Elle par­ticipe par la suite à plusieurs pod­casts fémin­istes, for­mat en plein essor, notam­ment dans les milieux fémin­istes militants.

En mars 2019, suite au licen­ciement (auquel elle par­ticipe active­ment) de David Doucet à cause de sa par­tic­i­pa­tion à la Ligue du LOL, elle est nom­mée rédac­trice en chef du site LesInrokuptibles.fr.

Formation

Marie Kirschen com­mence sa for­ma­tion en 2004 par des études de droit à l’université Paris 1 Pan­théon-Sor­bonne. Elle pour­suit en 2007 avec une licence de sci­ence poli­tique. En 2008, elle entre au Cen­tre de For­ma­tion des Jour­nal­istes, dont elle sort diplômée en 2010.

Parcours professionnel

Marie Kirschen com­mence sa car­rière en 2006 en tant que free­lance avec des arti­cles pour L’Express, mais surtout pour le mag­a­zine LGBT Têtu.

C’est ce pas­sage chez Têtu qui va lancer sa car­rière et con­firmer sa spé­cial­i­sa­tion sur les ques­tions fémin­istes et LGBT. Elle devient en effet en 2010 respon­s­able édi­to­r­i­al pour le site féminin du media, Têtue.com. Lors du rachat du media en 2013, le site est toute­fois fermé.

La jour­nal­iste cofonde alors Well Well Well, une revue « à des­ti­na­tion des les­bi­ennes », dont elle remar­que le manque de vis­i­bil­ité dans les médias, y com­pris les media LGBT. Elle réu­nit pour ce faire autour d’elle une équipe d’onze femmes jour­nal­istes bénév­oles. Le for­mat choisi est très qual­i­tatif, à mi-chemin entre livre et revue. Le pro­jet ren­con­tre un franc suc­cès sur la plate-forme Ulule (17 000€ réu­nis en un mois) sur laque­lle l’équipe avait demandé un finance­ment faute de trou­ver des annon­ceurs prêts à s’engager. Le pre­mier exem­plaire atteint rapi­de­ment les 3000 exem­plaires ven­dus (Inter­view don­née à Regards pub­liée le 3 novem­bre 2014).

La jour­nal­iste s’engage dans plusieurs asso­ci­a­tions mil­i­tantes fémin­istes et LGBT. Elle fait à la fois par­tie du col­lec­tif de jour­nal­istes Prenons la une, en faveur d’une meilleure vis­i­bil­ité des femmes dans les media, et de l’Association des jour­nal­istes LGBT (AJL), dédiée quant à elle à une meilleure représen­ta­tion des per­son­nes LGBT dans les media. Elle fait d’ailleurs par­tie des pre­miers sig­nataires de cette deux­ième association.

Sa bonne con­nais­sance des out­ils numériques lui vaut en 2015 de rejoin­dre la rédac­tion de Libéra­tion pour par­ticiper au site Liberation.fr. Elle ne reste à son poste que quelques mois.

La jour­nal­iste lance ensuite en fin d’année 2015 la rubrique « Meufs » pour Buz­zFeed, un fil d’articles fémin­istes. Elle crée et ani­me égale­ment une page Face­book dédiée assur­ant la pro­mo­tion de la rubrique.

En jan­vi­er 2019, Marie Kirschen crée avec deux autres jour­nal­istes fémin­istes et mil­i­tantes, Aude Lor­ri­aux et Nas­sira El Moad­dem, « Le Deux­ième Texte », un pod­cast men­su­el sur des ouvrages féminins et fémin­istes dif­fusé sur Slate et égale­ment disponible sur iTunes.

Elle par­ticipe très active­ment à la mise à mort sociale des par­tic­i­pants mas­culins à la Ligue du LOL. Elle prof­ite très directe­ment de l’opération en pous­sant au licen­ciement de David Doucet, rédac­teur en chef web des Inrocks… dont elle prend la place en mars 2019. Elle y gagne son surnom « Pousse toi de là, que j’m’y mette ».

Parcours militant

Elle fait par­tie du col­lec­tif de femmes jour­nal­istes Prenons la Une, dont Lau­ren Bastide est porte-parole. Le col­lec­tif sen­si­bilise à la faible représen­ta­tion des femmes dans les rédac­tions et assure la défense des jour­nal­istes subis­sant du har­cèle­ment dans leur vie professionnelle.

Son cheval de bataille est toute­fois ailleurs : la jour­nal­iste se spé­cialise très tôt dans les ques­tions LGBT, avec un pas­sage chez Têtu et la créa­tion du mag­a­zine les­bi­en, Well Well Well, dont elle assume la dimen­sion poli­tique et mil­i­tante : « Well Well Well vise à offrir des armes théoriques, his­toriques, cul­turelles, pour toutes celles et ceux qui voudront bien s’en empar­er » (Inter­view don­née à Regards pub­liée le 3 novem­bre 2014).

La jour­nal­iste fait par con­séquent par­tie des pre­miers sig­nataires de l’AJL (Asso­ci­a­tion des jour­nal­istes LGBT), asso­ci­a­tion fondée en 2013 par des jour­nal­istes choqués qu’à l’occasion de la Manif pour Tous, des média aient relayés des pro­pos « homo­phobes » d’opposants à la loi en faveur du mariage des homo­sex­uels. L’association, qui milite pour un meilleur traite­ment des ques­tions LGBT dans les media français. Elle met par exem­ple à dis­po­si­tion des rédac­tions des « kit media » expli­quant aux jour­nal­istes les bonnes pra­tiques en matière de traite­ment des ques­tions LGBT.

Les deux asso­ci­a­tions, Prenons la une et l’AJL cosig­nent en 2019 une tri­bune dans Le Monde, « La Ligue du LOL n’a rien d’une excep­tion », dans laque­lle les direc­tions des rédac­tions sont invitées à « pren­dre la mesure de la grav­ité du cyber­har­cèle­ment dont sont vic­times les femmes jour­nal­istes, par­ti­c­ulière­ment si elles sont racisées, hand­i­capées, gross­es ou issues de la com­mu­nauté LGBTQ+ [et à] embauch­er, en masse, des femmes, des per­son­nes racisées, des per­son­nes LGBTQ+ aux postes clés des rédac­tions ».

Elle dénonce le manque de vis­i­bil­ité des les­bi­ennes dans la société, mais égale­ment dans le milieu LGBT lui-même. Elle relaye ain­si en mai 2019 dans Les Inrokupt­ibles et sur son fil Tweet­er la let­tre de huit femmes pub­liées dans Têtu pour dénon­cer le sex­isme de la com­mu­nauté LGBT et a récem­ment dénon­cé le traite­ment médi­a­tique de la PMA pour toutes, avec une parole qui serait acca­parée par les hommes, même par­mi ses défenseurs, tan­dis que les les­bi­ennes, pour­tant pre­mières con­cernées, resteraient peu écoutées sur le sujet.

Collaborations

Elle crée en 2013 la revue fémin­iste et les­bi­enne Well Well Well, par­tant du con­stat d’un manque de vis­i­bil­ité des les­bi­ennes dans le milieu LGBT et plus large­ment : « Nous avons vrai­ment créé Well Well Well en rai­son d’un manque cri­ant de vis­i­bil­ité. Moi-même, j’avais été en charge du site TêtuE, dis­paru depuis. Et au cours des années 2012–2013 (alors que le débat autour du Mariage pour tous bat­tait son plein !), nous avons vu dis­paraître tous les mag­a­zines spé­ci­fique­ment les­bi­ens : la Dix­ième muse, Les­bia Mag­a­zine » (Inter­view don­née à Regards pub­liée le 3 novem­bre 2014). Elle réu­nit pour ce faire onze femmes jour­nal­istes bénév­oles con­va­in­cues par son projet.

Le mag­a­zine reprend le for­mat hybride du « mook », à mi-chemin entre une revue et un livre, ce qui explique sa faible fréquence de pub­li­ca­tion. Il fait large­ment appel au bénévolat en ter­mes de con­tri­bu­tions : faute de trou­ver des annon­ceurs, les fon­da­tri­ces de la revue avaient réu­ni les pre­miers fonds néces­saires à sa créa­tion via la plate­forme Ulule. L’objectif ini­tial de 10 000 Euros est dépassé en deux semaines ; un suc­cès con­fir­mé par les ventes du pre­mier exem­plaire de la revue, rapi­de­ment en rup­ture de stock.

En jan­vi­er 2019, elle se lance dans le pod­cast, nou­veau for­mat web par­ti­c­ulière­ment appré­cié des milieux fémin­istes. Elle co-ani­me avec deux autres jour­nal­istes mil­i­tantes, Aude Lor­ri­aux et Nas­sira El Moad­dem, une émis­sion men­su­elle. Dans ce pod­cast, inti­t­ulé « Le Deux­ième Texte », les trois jour­nal­istes décor­tiquent chaque mois un nou­veau livre de femme ou fémin­iste. Les trois jour­nal­istes expliquent le con­cept de leur pod­cast dans une bande-annonce à trois voix : « « Le Deux­ième Texte », c’est le pod­cast qui vous con­te des livres de femmes et des œuvres fémin­istes à plusieurs voix. Je m’appelle Aude Lor­ri­aux, je suis jour­nal­iste et j’écris sur les ques­tions de genre et les dis­crim­i­na­tions. Je suis Nas­sira El Moad­dem et je suis aus­si jour­nal­iste. Et moi je suis Marie Kirschen, jour­nal­iste — notam­ment rédac­trice en cheffe de la revue les­bi­enne Well Well Well. On a voulu faire un pod­cast qui donne des out­ils pour com­pren­dre un monde en chantier, où les rap­ports entre les femmes et les hommes n’ont jamais été aus­si bous­culés. […] Bref, « Le Deux­ième Texte », c’est bien plus qu’un pod­cast de livres, c’est une boîte à con­cepts fémin­istes comme une boîte à out­ils pour con­stru­ire le monde de demain. Nos marteaux et nos tournevis, ce seront nos mots ». 

Sa nébuleuse

Géral­dine Sar­ra­tia, anci­enne rédac­trice en chef des Inrocks, avec laque­lle elle a créé la revue Well Well Well.

Le col­lec­tif de jour­nal­istes fémin­istes « Prenons la une » et sa prési­dente Léa Lejeune.

L’Association des jour­nal­istes LGBT (AJL).

Alice Cof­fin du col­lec­tif fémin­iste La Barbe.

Ce qu’elle gagne

Non con­nu

Elle l’a dit

« Contraire­ment à la cul­ture noire par exem­ple, la cul­ture gay et les­bi­enne ne se trans­met pas au tra­vers de tra­di­tions famil­iales, encore moins à l’école. Elle n’existe qu’à tra­vers les médias et les livres qui cir­cu­lent entre gays et les­bi­ennes. Et c’est encore plus vrai de la cul­ture les­bi­enne. Moi-même, lorsqu’adolescente j’ai ten­té de m’informer, je n’avais à ma dis­po­si­tion que les médias gays, si bien que je con­nais­sais mieux Oscar Wilde ou Mar­cel Proust que l’histoire fémin­iste ou les­bi­enne ! » (Inter­view don­née à Regards pub­liée le 3 novem­bre 2014).

« Nous avons égale­ment voulu être atten­tives, en con­sacrant des pages à Audre Lorde, à ne pas faire un mag­a­zine n’évoquant que des les­bi­ennes ou des femmes blanch­es. Nous auri­ons pu nous en tenir à met­tre en avant Céline Sci­amma ou Vir­ginie Despentes, mais cette exclu­sion des femmes de couleur nous sem­blait intolérable. Nous cher­chons égale­ment à établir des ponts entre la cul­ture trans et les­bi­enne » (Inter­view don­née à Regards pub­liée le 3 novem­bre 2014).

Sur le troisième numéro de Well Well Well, con­sacré à l’histoire du mil­i­tan­tisme les­bi­en : « On s’in­téresse au mil­i­tan­tisme actuel, mais égale­ment à l’his­toire du mou­ve­ment, comme avec les Gouines rouges dans les années 70. Dans notre dossier, on trou­ve un long débat entre des jeunes mil­i­tantes et des mil­i­tantes plus âgés. Il y a par­fois une incom­préhen­sion entre les généra­tions car cer­taines mil­i­tantes des années 70 s’op­po­saient au mariage, vu comme une insti­tu­tion sex­iste, et ne com­pren­nent pas que l’on puisse réclamer l’ou­ver­ture du mariage et de la PMA pour les cou­ples de femmes. C’é­tait très intéres­sant de con­fron­ter leurs points de vue et de les voir échang­er. » (Inter­view don­née à Lucie Valais pour RTL et pub­liée le 09 novem­bre 2016)

Sur les cri­tiques du mag­a­zine Well Well Well : « Quand je dis­cute avec cer­taines per­son­nes moins con­va­in­cues de la néces­sité de ce pro­jet, le mot “com­mu­nau­tarisme” pointe sou­vent le bout de son nez. Nous sommes accusées d’être unique­ment intéressées “par notre nom­bril”, de vouloir “flat­ter l’ego d’une com­mu­nauté”, de choisir une démarche “qui divise”, voire qui met­trait en dan­ger la République… […] Pour­tant, per­son­ne ne s’é­tonne qu’il existe des mag­a­zines réservés aux femmes, aux hommes, ou encore aux fans de pêche à la mouche. Vis­i­ble­ment nul risque com­mu­nau­taire là-dedans. Pourquoi donc est-ce que cela serait dif­férent pour les les­bi­ennes? Oui, les femmes homos ont besoin d’un média qui leur soit dédié. Tout d’abord parce qu’elles sont invis­i­bles dans la presse “tra­di­tion­nelle”. […] Les les­bi­ennes sont aus­si les grandes oubliées de la presse dite fémi­nine. » (« Avons-nous besoin de médias les­bi­ens ? », Marie Kirschen, pub­lié par le Huff­in­g­ton Post le 26 févri­er 2014)

On a dit sur elle

« @mariekirschen bra­vo vous savez lire ! Prochaine étape : appren­dre à écrire, plutôt qu’à légen­der des pho­tos » Eugénie Bastié, par twit­ter le 22 avril 2016. Répon­dant à un tweet de l’intéressée sur un livre d’Eugénie Bastié.

La mil­i­tante fémin­iste Flo­rence Por­cel, se réjouis­sant d’avoir eu la peau d’un mâle blanc trentenaire :

Pho­to : cap­ture d’écran vidéo France Inter via YouTube

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