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9 novembre 2020

Temps de lecture : 9 minutes

9 novembre 2020

Accueil | Portraits | Élisabeth Laborde

Élisabeth Laborde

Temps de lecture : 9 minutes

Le féminisme aux affaires

Ancienne attachée de presse de Matthieu Pigasse, auquel elle doit sa mobilité professionnelle fulgurante, Élisabeth Laborde est l’archétype de la « dircom » féministe et bobo qui veut remodeler le monde de l’entreprise à l’aune des mantras progressistes contemporains : parité, féminisme et inclusion. Le mâle blanc David Doucet a fait les frais de son intransigeance. Mais de la communication à la gestion d’un organisme de presse, il y a un pas qu’elle ne saurait franchir ; les ventes des Inrocks et Têtu ont plongé sous sa direction. Qu’à cela ne tienne, elle fonde dans la foulée une agence de conseil en communication spécialisée en « gestion de crise, ainsi que la promotion de l’égalité femmes-hommes, de la diversité et de l’inclusion ».

Formation

Élis­a­beth Labor­de est tit­u­laire d’une licence de droit pub­lic, puis d’une maîtrise en sci­ences poli­tiques obtenue à l’U­ni­ver­sité Toulouse I Capi­tole et d’un mas­ter 2 en droit des média en spé­cial­ité droit de la presse glané au sein de ce même établissement.

Parcours

Elle débute en tant qu’attachée de presse essais et doc­u­ments aux édi­tions Plon en 2007. Elle est amenée à col­la­bor­er dans le cadre de cette activ­ité avec le ban­quier et patron de presse Matthieu Pigasse qui y pub­lie son pre­mier livre Le Monde d’Après en 2009. Le courant passe, tant et si bien que celui-ci lui offre le poste de respon­s­able presse et rela­tions aux Inrocks en 2010. De 2013 à 2017, elle enchaîne divers­es expéri­ences dans la presse (dircom de Libéra­tion entre 2013 et 2014) et l’administration publique (con­seil­lère presse du secré­taire d’Etat au numérique entre 2014 et 2015 ; dircom de l’Ina entre 2015 et 2017).

Elle revient dans le giron de l’empire Pigasse pour enfil­er une dou­ble cas­quette de secré­taire générale des Nou­velles Edi­tions Indépen­dantes (qui regroupe tous les act­ifs de Pigasse dans la presse et l’événementiel) et de direc­trice générale des Inrocks. Elle sou­tient la une con­sacrée à Bertrand Can­tat con­tre l’avis d’une par­tie de la rédac­tion. Ce sera son pêché orig­inel et elle n’aura de cesse de redor­er par la suite le bla­son fémin­iste du jour­nal pour revenir en grâce aux yeux du lec­torat jeune et féminin.

En décem­bre 2017, elle est chargée de met­tre en place un plan de rup­ture con­ven­tion­nelle col­lec­tive qui équar­rit la rédac­tion : plus de trente jour­nal­istes sont priés d’aller voir ailleurs, soit 30% de l’effectif total hors pigistes. Elle est égale­ment for­cée d’accepter un plan de départs volon­taires un an plus tard alors que les finances des Inrocks sont tou­jours autant dans le rouge. En févri­er 2019, suite à un arti­cle à charge de Libéra­tion, elle lâche com­plète­ment le rédac­teur en chef David Doucet accusé d’appartenir à la Ligue du Lol. Une enquête appro­fondie de Nex­tIn­pact prou­vera toute­fois que Doucet est sim­ple­ment coupable.d’avoir par­ticipé à un can­u­lar télé­phonique dirigée con­tre une jour­nal­iste six ans avant les faits. Ne pou­vant ris­quer une sec­onde affaire Can­tat, Doucet est mis à pied avec fra­cas et Marie Kirschen, fémin­iste inter­sec­tion­nelle irréprochable, est nom­mée à sa place. Dans une déc­la­ra­tion d’intention pub­liée peu de temps après les faits sur le site, la rédac­tion s’engage à garan­tir que « les valeurs d’inclusion soient inscrites dans nos pra­tiques et notre fonc­tion­nement. » Même si Labor­de fait péni­tence, il n’en reste pas moins qu’elle échoue à enray­er la baisse des ventes. Elle est licen­ciée en 2019 et rejoint la direc­tion de la rédac­tion de Têtu, une autre tête de pont du jour­nal­isme libéral-lib­er­taire, en févri­er 2020. Celle-ci est chargée à val­oris­er l’image de mar­que en suiv­ant la stratégie de diver­si­fi­ca­tion dans les con­tenus et l’évènementiel voulue par l’actionnaire majori­taire Albin Ser­viant, qui s’inspire en cela des médias com­mu­nau­taires anglo-sax­ons comme Atti­tude : créa­tion d’une bou­tique en ligne, d’un fes­ti­val ou d’un forum inter-entre­pris­es Têtu Con­nect pour sen­si­bilis­er les salariés aux thé­ma­tiques LGBT. Le Covid bal­aie évidem­ment tout cela sur son pas­sage et Labor­de quitte le mag­a­zine en 2020 pour fonder son agence de con­seil en com­mu­ni­ca­tion, même si elle n’est jamais restée plus de trois ans dans la même entreprise.

Parcours militant

Selon Le Monde, « Jean-Marc Lalanne, pro­mu directeur de la rédac­tion fin 2018, dis­ait for­mer avec la direc­trice générale, Élis­a­beth Labor­de, nom­mée mi-2017, un « binôme par­i­taire hyper­sen­si­ble aux ques­tions d’égalité et de diver­sité ». Les Inrocks sont égale­ment hyper­sen­si­bles au catholi­cisme, surtout lorsque des fidèles vendéens protes­tent con­tre la tenue du con­cert de métal Hellfest. Le jour­nal­iste Nico­las Mol­lé dresse un réquisi­toire de l’association « Provocs Hellfest » où l’association est présen­tée comme « une secte » et ses mem­bres comme « homo­phobes et racistes ». L’association porte plainte en diffama­tion con­tre Élis­a­beth Labor­de et Nico­las Mol­lé en sep­tem­bre 2017. La cour d’appel de Rennes juge la plainte irrecev­able en jan­vi­er 2019 au motif qu’une asso­ci­a­tion ayant moins de cinq ans d’existence ne peut inten­ter d’action en jus­tice. Mais la Cour de cas­sa­tion annule cette déci­sion un an plus tard, esti­mant que le juge d’instruction doit pour­suiv­re son enquête. Élis­a­beth Labor­de n’est donc pas encore offi­cielle­ment tirée d’affaires.

Sa nébuleuse

  • Matthieu Pigasse : il la repère chez Plon pour lui don­ner les plus hautes fonc­tions dans sa hold­ing. C’est elle qui gère per­son­nelle­ment sa com­mu­ni­ca­tion alors qu’elle est secré­taire générale des Nou­velles Edi­tions Indépendantes.
  • Marie Kirschen : elle est la pre­mière à prof­iter de l’éviction de David Doucet lui suc­cé­dant dans sa fonc­tion. C’est sur elle que Labor­de espérait refonder l’identité du jour­nal, mais elle sera oblig­ée de quit­ter ses fonc­tions en sep­tem­bre 2020.
  • Romain Bur­rel : Jour­nal­iste-pigiste aux Inrocks spé­cial­isé dans les ques­tions LGBT+, elle le retrou­ve lors de son trans­fert à Têtu dont Bur­rel est directeur de la rédac­tion depuis 2017.
  • Lau­rent Val­let : PDG de l’INA depuis 2015, c’est lui qui la nomme à son poste. Il est recon­duit en 2020 et cette dernière le félicite sur Twitter.

Elle l’a dit

« Le tra­vail effec­tué par Les Inrock­upt­ibles dans son traite­ment de l’actualité de la cul­ture et de la société œuvre dans le sens de la tolérance, de l’ouverture, de l’entendement et la défense des formes les plus par­ti­c­ulières de sen­si­bil­ités. Enfin, ces épisodes dra­ma­tiques doivent être aus­si l’occasion d’une réflex­ion sur la manière dont le pou­voir est répar­ti et s’exerce dans les rédac­tions. Un tra­vail de vig­i­lance est mené aujourd’hui aux Inrocks pour que ces valeurs d’inclusion soient inscrites dans nos pra­tiques et notre fonc­tion­nement. », Les Inrocks, 12/02/2019.

« Pourquoi un tel choix édi­to­r­i­al ? Élis­a­beth Labor­de, direc­trice générale des Inrocks, explique à L’Ex­press avoir préféré utilis­er “le sup­port dig­i­tal pour être plus réac­t­ifs et mieux relayés.” “En l’e­spèce, le traite­ment sur le dig­i­tal nous a sem­blé plus appro­prié. Il per­met de dif­fuser un texte plus rapi­de­ment et avec un max­i­mum de relais.” », L’Express, 21/02/2019.

« On a un prob­lème de libéra­tion de la parole dans les entre­pris­es. », France Inter, 07/03/2019

« Alors, je pense qu’il y a des syn­er­gies qui vont se faire très vite avec le groupe SOS. Elles peu­vent porter sur plusieurs sujets, moi celle qui me vient en pre­mier c’est Têtu Con­nect, qui est le pre­mier forum à réu­nir des entre­pris­es autour des sujets de val­ori­sa­tion des tal­ents LGBT. C’est vrai que le groupe SOS est aus­si très en pointe sur les ques­tions liées à la diver­sité et à la lutte con­tre les iné­gal­ités. », Rési­dence Cre­atis, 10 juil­let 2020.

Ils l’ont dit

« Lui aus­si s’est livré, au siège de Lazard tou­jours, sous le regard com­plice de celle qui gère sa com­mu­ni­ca­tion, Élis­a­beth  Labor­de. «  Ça le ras­sure que je sois là  », dis­ait la jeune femme, égale­ment secré­taire générale de son groupe de presse, Les Nou­velles Édi­tions indépen­dantes, et nou­velle direc­trice des Inrocks. Elle écoutait. », Van­i­ty Fair, 18/10/2018.

« Hoog a eu au pas­sage un mot doux pour Elis­a­beth Labor­de, patronne des Inrocks : “Il va fal­loir être inven­tif, stop­per l’érosion des ventes”. », let­tre d’un salarié anonyme des Inrocks pub­liée sur l’Ojim, 16/06/2019.

« Sur What­sApp, Doucet écrit à un ancien des Inrocks qu’« Élis­a­beth m’a dit que j’avais bien fait de m’ex­cuser, qu’il n’y avait pas mort d’homme (et) que pour elle la polémique me con­cer­nant était close ». À Jean-Marc Lalanne, il écrit qu’« Élis­a­beth a été très sym­pa au télé­phone, j’ai de la chance de vous avoir tous les deux ».
À quoi Élis­a­beth Labor­de, lors de cet entre­tien, lui répon­dit : « Quand tu m’as téléphoné, j’ai tout de suite sen­ti que tu étais en panique, et j’ai essayé de te calmer. Je n’avais pas encore con­nais­sance de tous les faits ».
Le lende­main matin, lun­di 11 févri­er, change­ment de ton. Doucet reçoit à 7h39 un SMS d’Élis­a­beth Labor­de le con­vo­quant à 10h. À 8h12, un email l’in­forme qu’il ne fait plus par­tie des admin­is­tra­teurs du compte Face­book des Inrock­upt­ibles. À 10h, Labor­de lui demande s’il avait songé à démis­sion­ner, avant de lui pro­pos­er de sign­er une rup­ture con­ven­tion­nelle, au motif que « notre rap­port aux femmes est trop frag­ile, en référence à la cou­ver­ture que le jour­nal avait faite avec Bertrand Can­tat », comme il l’a depuis racon­té à Mar­i­anne. », Nex­tIn­pact, 25/02/2020.

« Deux attes­ta­tions et plusieurs témoignages, évo­quant des pro­pos tenus par de hauts respon­s­ables des Inrocks, imputent notam­ment le licen­ciement, en juil­let 2019, d’Élis­a­beth Labor­de, à sa « ges­tion désas­treuse de l’af­faire de la Ligue du LOL ». L’ex-patronne du mag­a­zine avait validé la fameuse cou­ver­ture con­sacrée à Bertrand Can­tat – que Doucet avait con­testée – avant de décider de le licenci­er au motif que son nom fig­u­rait dans la liste des mem­bres de la Ligue du LOL.
Lui était égale­ment reproché le fait qu’elle n’avait fait « aucune enquête interne avant d’ac­ter son licen­ciement », alors qu’« elle s’est pré­cip­itée oppor­tuné­ment sur cette affaire pour licenci­er Doucet avec qui elle avait un ancien dif­férent », tout en faisant fuiter dans la presse son licen­ciement. À l’en croire, il s’a­gi­rait d’une « vengeance per­son­nelle » de sa part, et qu’« avec un autre directeur à la tête du jour­nal, David Doucet n’au­rait pas été licen­cié », Ibid

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