Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Minorités sexuelles : le Rassemblement national inquiète les médias

18 août 2024

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | Minorités sexuelles : le Rassemblement national inquiète les médias

Minorités sexuelles : le Rassemblement national inquiète les médias

Temps de lecture : 6 minutes

Que peuvent craindre les personnes LGBTQI+ de l’accession au pouvoir du Rassemblement national ? Les médias de gauche multiplient les témoignages et reportages pour faire monter la peur d’un retour aux chambres à gaz a minima, voire pire.

Pre­mière dif­fu­sion le 1er juil­let 2024
L’OJIM prend ses quartiers d’été : du dimanche 28 juil­let au dimanche 25 août nous repub­lions les arti­cles les plus sig­ni­fi­cat­ifs du pre­mier semestre.

Les médias font leur miel des peurs des personnes LGBT+

Le Rassem­ble­ment nation­al n’est pas seule­ment un dan­ger pour les per­son­nes issues de l’immigration : à en croire la sphère médi­a­tique, il le serait aus­si pour les per­son­nes LGBTQI+ (nous deman­dons instam­ment à nos lecteurs de ne pas oubli­er le plus sous peine d’être accusé de dis­crim­i­na­tion et embastil­lé). Libéra­tion rap­pelle ain­si que ces minorités sont « dans le viseur de l’extrême droite depuis tou­jours », et le Huff­in­g­ton Post par­le d’un gou­verne­ment RN comme d’une « pos­si­bil­ité “ter­ri­fi­ante”. » Dans tous les arti­cles, les témoignages de per­son­nes homo­sex­uelles ou trans­sex­uelles se mul­ti­plient pour mon­tr­er leur ter­reur, la crainte qu’elles ont de ne plus avoir accès à cer­tains droits, comme les traite­ments hor­monaux ou la chirurgie, ou encore de ne plus pou­voir pos­er cer­tains gestes avec leur con­joint en pub­lic. Le lien avec le IIIe Reich est fait sans beau­coup de scrupules par Le Huff­in­g­ton Post, qui cite une femme ayant « des ancêtres qui sont morts dans les camps de con­cen­tra­tion parce qu’ils étaient juifs », et estime en con­séquence que « sous un gou­verne­ment d’extrême droite, le pire est pos­si­ble. » « J’ai peur que les vio­lences envers les per­son­nes minorisées — LGBTQIA, racisées ou étrangères, per­son­nes en sit­u­a­tion de hand­i­cap physique et/ou men­tal — soient très graves », conclut-elle.

Voir aus­si : LGBTI++, eth­nie et reli­gion : l’UE sort son dic­tio­n­naire de novlangue

Ces soutiens homophobes qui dérangent le Nouveau Front populaire

Mal­heureuse­ment pour les médias, les dan­gers pour les minorités LGBT se trou­vent aus­si à gauche, notam­ment du côté de la par­tie islamique de l’électorat, qui ne se con­tente pas for­cé­ment d’attaques ver­bales. 20 Min­utes par­le ain­si d’Ismael Boud­jeka­da, can­di­dat dans la 9e cir­con­scrip­tion des Français de l’étranger qui affir­mait sur Sud Radio que l’homosexualité n’est « pas dans l’ordre naturel des choses ». Au reste, le titre est sobre, ne par­lant que d’un « can­di­dat », sans pré­cis­er de quel bord. On con­naît son nom dès le cha­peau, et on sait qu’il s’agit d’un « can­di­dat revendi­quant “soutenir le Nou­veau Front pop­u­laire” » au deux­ième para­graphe. On ne peut que louer d’ailleurs la pru­dence des jour­nal­istes qui lais­sent son sou­tien à l’état de cita­tion, pour per­me­t­tre au Nou­veau Front pop­u­laire de s’en détach­er. On peut regret­ter cette absence de pru­dence vis-à-vis d’autres par­tis. Ismael Boud­jeka­da ayant été fausse­ment présen­té par Sud Radio comme un can­di­dat Nou­veau Front pop­u­laire, 20 Min­utes s’empresse de rétablir la vérité dès le deux­ième inter­titre et pré­cise que « plusieurs per­son­nal­ités poli­tiques ont immé­di­ate­ment réa­gi […] pour “stop­per la désinformation”. »

Le combat pour les minorités sexuelles moins facile que celui pour l’immigration ?

Un exa­m­en des dif­férents arti­cles de presse con­cer­nant les dan­gers du Rassem­ble­ment nation­al pour les per­son­nes LGBT+ mène toute­fois à une con­clu­sion éton­nante : les médias sont bien moins pro­lix­es que lorsqu’il s’agit de point­er les dan­gers du RN pour les per­son­nes issues de l’immigration. On peut y trou­ver plusieurs raisons. D’abord, les per­son­nes con­cernées sont bien moins nom­breuses. Alors qu’un enfant sur qua­tre né cette année a au moins un par­ent étranger, les per­son­nes trans­sex­uelles représen­tent moins de 1% de la pop­u­la­tion, aux­quelles il faut notam­ment ajouter les per­son­nes homo­sex­uelles. Autrement dit, les arti­cles seraient moins lus, donc moins renta­bles. Là n’est toute­fois pas le seul prob­lème : alors que tout le monde ou presque con­naît des per­son­nes issues de l’immigration très aimables qu’il ne veut pas voir chas­sées, les per­son­nes LGBT+ sont moins con­nues en-dehors des grandes villes. D’autre part, cer­taines de leurs actions touchent des enfants, comme des ani­ma­tions pro­posées par les écoles ou les munic­i­pal­ités, ce qui peut réduire leur cap­i­tal sym­pa­thie. Enfin, et c’est peut-être là le prin­ci­pal prob­lème, le gou­verne­ment ne s’est pas mon­tré par­ti­c­ulière­ment LGBT-friend­ly pen­dant la cam­pagne. « C’est déjà pas sim­ple avec le gou­verne­ment actuel, mais un gou­verne­ment RN sera claire­ment pire », se plaint un trans­sex­uel dans Le Huff­in­g­ton Post. Emmanuel Macron s’est en effet opposé au pro­jet du Nou­veau Front pop­u­laire d’autoriser le change­ment d’état civ­il en mairie, par­lant même d’une propo­si­tion « ubuesque ».

Les « Pride » pas si promptes aux appels à voter

Le mois de juin est surnom­mé le « mois des fiertés ». C’est donc celui où se tien­nent les « Pride » dans plusieurs villes de France, ces man­i­fes­ta­tions des per­son­nes LGBT+ et de leurs sou­tiens. Or, si les man­i­fes­tants affichent à titre per­son­nel leur oppo­si­tion au RN, il n’en va pas for­cé­ment de même pour les organ­isa­teurs. Ain­si, France Bleu note qu’à La Rochelle, même si le RN est « rejeté par la majorité des man­i­fes­tants présents », « les organ­isa­teurs ont refusé de con­damn­er publique­ment. » Il faut dire que cer­tains de leurs mil­i­tants ou sym­pa­thisants, comme au reste dans l’ensemble de la pop­u­la­tion française, votent pour le Rassem­ble­ment nation­al. France Bleu recon­naît que le RN « cul­tive une image gay-friend­ly », en pré­cisant ain­si qu’il ne s’agit que de poudre aux yeux. Les très nom­breux cadres homo­sex­uels qui entourent Marine Le Pen peu­vent dif­fi­cile­ment pass­er pour hos­tiles aux gays.

Voir aus­si : Alle­magne : endoc­trine­ment des enfants, la résis­tance s’amorce

Les médias friands de peinture brune pour un tableau apocalyptique

Si les médias sont peu nom­breux à alert­er sur la men­ace que le Rassem­ble­ment nation­al fait peser sur les per­son­nes LGBT+, ceux qui le font n’y vont donc pas avec le dos de la cuil­lère, et mon­trent des con­cernés dés­espérés, des vio­lences en recrude­s­cence, et la pos­si­bil­ité d’une dic­tature. Le Huff­in­g­ton Post rap­porte notam­ment les pro­pos d’une femme qui explique : « ce qui me ter­ri­fie, c’est aus­si que si l’extrême droite obtient le pou­voir, je ne vois pas pourquoi elle le rendrait. » Plus sim­ple­ment exprimé, il serait plus sim­ple de ne pas tenir compte du résul­tat des urnes. Comme dis­ait Berlolt Brecht « le peu­ple est con­tre nous, changeons de peuple ». 

Voir aus­si : Huff­in­g­ton Post, infographie

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés