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Élections législatives en Italie : l’AFP et la victoire du « post-fascisme »

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28 septembre 2022

Temps de lecture : 5 minutes
Accueil | Veille médias | Élections législatives en Italie : l’AFP et la victoire du « post-fascisme »

Élections législatives en Italie : l’AFP et la victoire du « post-fascisme »

Temps de lecture : 5 minutes

Dimanche 25 septembre 2022 avaient lieu des élections législatives en Italie. Les partis de droite sont arrivés largement en tête. Cela devrait aboutir à la formation d’un nouveau gouvernement dont la présidente du parti Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni, pourrait être le premier ministre. Le résultat des urnes déplaît fortement à une large partie de la caste médiatique française, AFP en tête, et elle ne manque pas de le faire savoir. Revue de presse.

Avant le scrutin, Ursula Von der Leyen menaçante

Les élec­tion lég­isla­tives organ­isées le 25 sep­tem­bre n’ont pas été un scrutin comme les autres. Le fait que l’un des par­tis poli­tiques de la coali­tion de droite, Fratel­li d’Italia, ne soit pas aligné sur les dogmes « pro­gres­sistes » de l’Union européenne – immi­gra­tionnisme, pro­mo­tion out­ran­cière des minorités sex­uelles et eth­niques, de l’avortement, etc. – est mal accep­té par l’oligarchie brux­el­loise. Un agace­ment d’autant plus pal­pa­ble que Fratel­li d’Italia était avant l’élection porté très haut dans les sondages.

Quelques jours avant le scrutin, Radio Gene­va nous infor­mait que la prési­dente de la com­mis­sion européenne lançait un aver­tisse­ment aux électeurs ital­iens dépourvu de toute ambiguïté :

« Nous ver­rons le résul­tat du vote. Si les choses vont dans une direc­tion dif­fi­cile, nous avons des out­ils, comme dans le cas de la Pologne et de la Hon­grie ».

Cela ame­nait l’un des lead­ers de la coali­tion de la droite ital­i­enne, Mat­teo Salvi­ni, à deman­der des excus­es ou la démis­sion d’Ursula Von der Leyen, rap­por­tait La Libre Bel­gique.

Si cer­tains ont cri­tiqué de façon à peine voilée par antic­i­pa­tion le choix démoc­ra­tique des Ital­iens, d’autres se sont chargés d’effrayer le brave citoyen. Les médias français de grand chemin ont joué un rôle act­if dans ce domaine.

Ain­si, Nice-Matin choi­sis­sait avant l’élection avec beau­coup de soin une pho­to de Gior­gia Mel­oni le bras levé pour illus­tr­er une « pos­si­ble vic­toire his­torique » de « l’extrême droite ital­i­enne ».

Mais tant la présen­ta­tion inquié­tante du leader de Fratel­li d’Italia que les paroles menaçantes de la prési­dente de la com­mis­sion européenne n’ont vis­i­ble­ment eu aucun impact sur le choix des électeurs ital­iens. France Info nous infor­mait le soir du 25 sep­tem­bre que « le par­ti d’ex­trême droite de Gior­gia Mel­oni (est) en tête, sa coali­tion avec la droite créditée de plus de 40% des voix ».

50 nuances de fascisme

Le jour du scrutin, à un peu plus de 23h, l’AFP dis­tribuait déjà les élé­ments de lan­gage aux médias de grand chemin. Et le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne se sin­gu­larisent pas par leur nuance :

«  Élec­tions en Ital­ie: le par­ti post-fas­ciste de Gior­gia Mel­oni (est) en tête (sor­ties des urnes) ».

Bigre, le Duce au pou­voir entre 1925 et 1943, Ben­i­to Mus­soli­ni, se serait-il réin­car­né en femme ?

Aucun doute sur la per­ti­nence de cette référence his­torique ne sem­ble effleur­er de nom­breux médias français, qui repren­nent à l’unisson ce qual­i­fi­catif : 20 min­utes, TFI, Euronews, etc. tous y vont du « post fas­cisme » !

Pas de post-stalinisme mais…

Il est vrai que l’encyclopédie en ligne du poli­tique­ment cor­rect, Wikipé­dia, est à l’avant-garde pour fournir au clergé médi­a­tique des motifs de dis­qual­i­fi­ca­tion. Le site réper­to­rie ain­si la théorie du « post-fas­cisme » :

« Le terme post-fas­cisme ren­voie à une phase poli­tique au cours de laque­lle les par­tis de type fas­ciste ou néo­fas­ciste mènent un proces­sus de révi­sion idéologique et stratégique qui les con­duit à aban­don­ner la per­spec­tive total­i­taire pour ouvrir un dia­logue avec les forces de la droite tra­di­tion­nelle mod­érée ou con­ser­va­trice. (…) Aujour­d’hui, le prin­ci­pal représen­tant de ce courant est le par­ti Frères d’I­tal­ie, fondé par d’an­ciens mil­i­tants de l’Al­liance nationale et dirigé par Gior­gia Mel­oni ».

On cherche par con­tre vaine­ment sur Wikipé­dia une déf­i­ni­tion du post-maoïsme, du post-stal­in­isme, etc…Comprenne qui pour­ra, les stig­mates du passé n’ont pas tous la même per­sis­tance, visiblement.

Jean-Yves Le Gal­lou fait sur Twit­ter une mise au point opportune :

Julien Dray mon­tre que, même à gauche, on peut avoir une cer­taine clairvoyance :

À l’incompétence, ne pour­rait-on pas ajouter la mau­vaise foi et la manip­u­la­tion des médias de grand chemin ? Cha­cun se fera son jugement.

L’entreprise de dis­qual­i­fi­ca­tion con­tin­ue sur BFMTV. Flo­ra Ghe­bali est dans un « coup de gueule » égale­ment très créa­tive : elle évoque le « néo-fas­cisme » de Gior­gia Mel­oni. Son juge­ment est défini­tif : « Il y a un vent fas­ciste qui souf­fle sur l’Italie ». La preuve ? « elle fait pass­er des idées qui sont com­pléte­ment fas­cistes, hein ? ». Mais, bien mal­gré elle, son argu­men­ta­tion sur les réserves de Gior­gia Mel­oni vis-à-vis du lob­by LGBT, de l’avortement, son refus de l’immigration de masse et de l’islamisation de son pays dessert plus qu’il ne sert l’exposé de l’invitée de BFMTV.

Clé­ment Weill-Ray­nal réag­it sur Twitter :

L’éditorialiste de LCI Renaud Pila n’est égale­ment pas avare en références his­toriques. Celle qu’il emploie pour évo­quer la vic­toire de la droite con­ser­va­trice en Ital­ie est-elle le fruit du hasard ?

La 2ème guerre mon­di­ale n’est jamais très loin, on com­mence à comprendre…

Post-fas­cisme, néo-fas­cisme, vent fas­ciste qui souf­fle sur l’Italie : le clergé médi­a­tique français aime se faire peur en pra­ti­quant le reduc­tio ad hitlerum de façon com­pul­sive. Il en tire un dou­ble béné­fice : un sen­ti­ment du supéri­or­ité morale et le fait de ne pas avoir à s’interroger sur les caus­es réelles du choix de nom­breux électeurs, en Ital­ie comme ailleurs.

Nous lais­serons la con­clu­sion à Max­im­i­lien Montel :

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