Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Écoles de journalisme : un témoignage de la pression sur les élèves

23 novembre 2022

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Écoles de journalisme : un témoignage de la pression sur les élèves

Écoles de journalisme : un témoignage de la pression sur les élèves

Temps de lecture : 4 minutes

Il y a 14 écoles de journalisme reconnues par l’État, toutes à des degrés divers dans le moule libéral libertaire. Nous publions le témoignage spontané et très vivant d’un ancien élève (en ce moment en poste dans un média parisien mainstream où il se tient à carreau). À travers son expérience, on comprend comment il faut rentrer dans le moule. D’autres témoignages d’anciens élèves ou d’élèves en cours de formation nous intéressent, nous garantissons l’anonymat.

La pression sur l’emploi

La pres­sion sur les élèves se fait de dif­férentes manières, elle n’est pas “ouverte”, c’est-à-dire que jamais per­son­ne ne vient vous voir pour vous dire que vous pensez mal ou que vous ne collez pas au stan­dard d’un jour­nal­iste. La méth­ode est beau­coup plus tacite. D’abord via les bul­letins. Chaque pro­fesseur doit rem­plir son obser­va­tion sur chaque élève. Une obser­va­tion sur son tra­vail ET une obser­va­tion plus générale. Ces bul­letins sont l’oc­ca­sion pour les pro­fesseurs de relever ce qui ne va pas avec un élève. Moi par exem­ple, des pro­fesseurs m’ont mis par écrit que j’avais des « ques­tion­nements bizarres » sur des par­al­lèles entre immi­gra­tion et délin­quance. Cela con­duit à deux choses : d’abord, on com­prend qu’il faut se taire pour ne plus avoir ces remar­ques dans son bul­letin, que ce qu’on dit n’est pas cor­rect ni accep­té. Ensuite, c’est aus­si une manière de faire remon­ter à la direc­tion des choses qui se passent en cours. L’autre point qui est impor­tant à com­pren­dre c’est que nos pro­fesseurs ne sont pas de sim­ples pro­fesseurs, ce sont avant tout des jour­nal­istes, des chefs de rédac­tions, cer­tains ont des postes impor­tants et sont nos futurs employeurs et/ou nos futurs col­lègues. Si on ne con­vient pas à un prof, nul doute qu’il sera très dur d’avoir un poste au sein de la rédac­tion où il travaille.
Ensuite, il y a cer­tains cours, appelés “mas­ter­class” ; un inter­venant vient pour nous présen­ter une thé­ma­tique socié­tale dif­férente : le fémin­isme, la lutte des class­es, la jus­tice etc. C’est aus­si une manière de nous dire com­ment on “doit” penser (il ne s’ag­it pas en effet de débat mais bien de cours où un spé­cial­iste nous présente LA vérité sur un sujet). Lors d’un cours où une “spé­cial­iste” nous avait expliqué en gros que catholique = anti­sémite, deux élèves (dont moi) avions exprimé notre désac­cord pro­fond et notre mécon­tente­ment par rap­port à cette démon­stra­tion, il y eût alors quelque chose d’ex­cep­tion­nel : des élèves ont écrit un mail à la direc­tion et à la spé­cial­iste en ques­tion pour “s’ex­cuser au nom des fachistes de la classe”. Autant vous dire que ça met une très grosse pres­sion et qu’on n’a pas envie de s’ex­primer de sitôt ensuite. Les élèves qui ont porté la dénon­ci­a­tion le font avant tout pour se faire val­oir (les places en rédac­tion étant très chères) mais aus­si car ils sont mil­i­tants et veu­lent que vous vous taisiez.

Sélection pour les concours et les bourses

Il faut bien com­pren­dre aus­si qu’il y a tout un enjeu sur la sélec­tion faite en interne au sein de l’é­cole pour les con­cours et les bours­es (ce sont des con­cours que l’on passe en fin d’an­née de Mas­ter 2 pour gag­n­er, si on passe les épreuves, des con­trats immé­di­ate­ment à la sor­tie de l’é­cole). La sélec­tion interne est très opaque, on ne sait pas vrai­ment pourquoi tel élève est choisi pour par­ticiper à telle bourse. Les com­pé­tences de l’élève comptent, mais on imag­ine bien que l’é­cole ne choisira pas un élève “anti-sys­tème” pour présen­ter le con­cours. À ma deux­ième année de Mas­ter j’ai été assez par­faite­ment dans le cadre pour ne pas faire de vagues et espér­er être choisi pour pass­er un con­cours. Finale­ment, c’est ce qui s’est passé puisque la direc­tion m’a pro­posé de présen­ter une bourse alors que quelques mois plus tôt, en fin de pre­mière année de Mas­ter on voulait me ren­voy­er de l’é­cole (quand j’é­tais un peu trop hors du moule). Ma nou­velle “façade”, ma nou­velle “per­son­nal­ité” en M2 m’a don­né la chance de ne pas être viré et de pass­er les con­cours. Anec­dote, pour assur­er le coup, on m’a aus­si forte­ment sug­géré de retir­er TVL de mon CV (CV envoyé dans le dossier pour présen­ter la bourse)

Bref, vous l’au­rez com­pris, rien de frontal, tout est très tacite. Mais nous sommes avant tout des élèves avec une cer­taine intel­li­gence et on com­prend assez rapi­de­ment quand on sort du cadre par rap­port à ce qui se dit en cours, aux élèves qui bal­an­cent, à ce qui est écrit dans le bul­letin etc…

Nous recher­chons des témoignages d’élèves issus d’é­coles de jour­nal­isme ou encore en école. Nous garan­tis­sons la con­fi­den­tial­ité. Pour nous écrire, cliquez ici.

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés