Père la morale du PAF
Le « fact-checking » ayant le vent dans le dos, le PAF et la presse voient croître le nombre de « fact-checkeurs ». Dans cette catégorie, Clément Viktorovicth creuse son trou depuis plusieurs années. Officiant sur France Info, l’universitaire, lunettes rondes sur le nez, « décrypte » les discours et les procédés rhétoriques.
Origines et formations
Clément naît le 29 mai 1984 en région parisienne. Sa famille est, selon ses mots, « ni aisée, ni modeste, entre-les deux », mais bien « parisienne ». Sa mère est une institutrice dans la « tradition républicaine ». Elle est passionnée de littérature, son père de musique. C’est de ce cocktail que va naître la passion du jeune Clément pour la rhétorique qu’il enseigne à l’IEP de Paris. C’est d’ailleurs à ses parents qu’il dédie son livre publié en 2022 intitulé Le Pouvoir rhétorique. De son propre aveu, c’est « un gamin assez chiant ». Néanmoins, s’il tient de sa mère un goût pour la littérature, il tient aussi à préciser que sa « vraie culture, c’est la pop culture. ».
Il entre à la fac, où il mène d’abord une maîtrise d’histoire qu’il consacre au mariage et à la sexualité des clercs à l’ère mérovingienne. Nous sommes alors en 2006, et la France est secouée par les manifestations contre le contrat première embauche (CPE), promulgué par Dominique de Villepin. Le jeune étudiant observe alors les débats parlementaires à l’Assemblée et trouve sa voie. Si, plus jeune, il hésite entre astrophysicien, journaliste ou encore enseignant-chercheur en histoire médiévale, il décide de se consacrer à la science politique. Il réalise d’abord une maîtrise à Panthéon-Sorbonne, puis une thèse sous la direction de Florence Haegel, consacrée aux débats parlementaires au Sénat et à l’Assemblée entre 2008 et 2012. Sa directrice se souvient d’un étudiant autonome et brillant. Il fait sa thèse à Science Po Paris et la soutient en 2013.
Parcours professionnel
Il fait ses premiers pas sur le petit écran en 2014 sur Public Sénat, lors d’une émission consacrée au Front National. Il dissèque le verbe de Louis Aliot entre « métaphores simplificatrices » et « formules euphémisantes ». Il a alors un style très universitaire, mais a, semble-t-il déjà trouvé son créneau.
Deux ans plus tard, il intervient sur i>Télé sous les auspices d’Audrey Pulvar. La campagne présidentielle de 2017 lui permet de gagner en galon. Il est enrôlé dans l’équipe de Pascal Praud et officie dans l’Heure des Pros. Il est alors considéré comme la caution de gauche de l’émission et s’illustre en contredisant certaines personnalités sur des sujets comme l’islam ou l’immigration. Le 20 septembre 2018, il a un débat animé avec Charlotte d’Ornellas à propos de l’immigration, où il s’échine avec force et enthousiasme à essayer de démonter le chiffre de 200 000 arrivées de migrants sur le territoire en une année. Ironiquement, il sera qualifié d’« islamo-gauchiste » par un chroniqueur de Télérama. Néanmoins il quitte l’émission après une saison et rejoint Laurence Ferrari qui anime Punchline. Parallèlement, il intervient aussi dans On refait le monde, diffusée sur RTL et animée par Marc-Olivier Fogiel.
En 2019 il quitte CNews, mais reste dans le groupe Canal. Il obtient une chronique dans Clique, émission diffusée quotidiennement et animée par Mouloud Achour. Sa chronique, intitulée Les points sur les i, analyse les discours et les procédés rhétoriques employés par les personnalités politiques. En plus de cette chronique, il obtient sa propre émission à partir de novembre 2019. Dans son émission Viens voir les docteurs (référence à une chanson du rappeur Doc Gynéco), il reçoit des universitaires pour évoquer des sujets d’actualité tels que la question climatique, l’immigration ou les Gilets jaunes. L’émission est diffusée sur Clique TV. Il cesse sa chronique dans Clique en juin 2021.
Depuis août 2021, il reprend son concept de « débunkage verbal » sur France info dans une chronique intitulée Entre les lignes.
Outre ses activités télévisuelles et radiophoniques, il est aussi enseignant. Sa discipline c’est la négociation, qu’il enseigne à Sciences Po Paris depuis 2009. Il l’a aussi enseignée à l’ENA entre 2015 et 2018, ainsi qu’à l’ESSEC, entre 2014 et 2018. Il a également enseigné la science politique à l’Université Paris XIII. Et à ceux qui le mettaient en garde contre l’aspect difficile de cette université de banlieue, Clément répond qu’il s’agit des « merveilleuses années de sa vie (sic) ».
Entre 2014 et 2018, il est également membre du laboratoire de recherches « communication et politique » à IRISSO – Dauphine.
Parcours militant
Le rhéteur est un militant et ne s’en cache pas. Son credo : donner les clés pour comprendre les « arnaques » que nous vendent nos gouvernants. Dans cette optique il fonde, en 2011, Aequivox, un blog hébergé par Mediapart et qui se veut « politiquement neutre et indépendant » (resic). Dans son idée, il s’agissait alors « de faire du Norman ou Cyprien sur la politique ». Aujourd’hui les vidéos sont supprimées.
Il fonde également une université populaire, Politeia, en collaboration avec Aequivox, et le centre d’études européennes et politiques comparées de Sciences Po Paris et les bibliothèques de la ville de Paris. Là encore, son objectif est de promouvoir l’enseignement de la rhétorique. Il s’agit pour Viktorovitch d’un objectif : créer une démocratie saine et plus participative où le citoyen a les clés pour décrypter les discours.
Outre ses engagements associatifs, il a également été l’assistant parlementaire d’Adrien Giraud, député MoDem, « mais pour qui les étiquettes comptaient peu ». Il écrit ses discours entre 2007 et 2008.
Publications et récompenses
- Le pouvoir rhétorique : apprendre à convaincre et à décrypter les discours. Seuil, 2021, 478 p.
Nominé aux Bobards d’Or deux années de suite (2019 et 2020), il reçoit un “Bobard classique” en 2019 pour avoir affirmé sur CNews “qu’il n’y pas d’immigration massive”.
En 2022, il reçoit le prix étudiant du livre politique LCP, pour Le pouvoir rhétorique.
Il l’a dit
« On peut continuer avec cette fake news qui consiste à dire 200 000 personnes par an, un million en cinq ans, c’est tout simplement faux ! » sur CNews, 20 septembre 2018
« On m’accuse de dissimuler, mais les gars, je n’ai jamais fait de mystère de mes convictions ! J’ai trois convictions : je souhaite plus de distribution de la richesse entre les citoyens, une meilleure redistribution du pouvoir au sein de la société et une prise en compte de l’urgence écologique dans toutes les décisions. » aux Inrocks, 6 décembre 2019
« Je propose que la rhétorique soit enseignée durant l’année de première, au lycée. C’est un projet politique : une société dans laquelle les individus sont plus éclairés et plus exigeants est une société où ils seront plus en mesure d’exercer leur citoyenneté. Une démocratie, c’est un régime où le pouvoir rhétorique est partagé. », Télérama, 11 janvier 2022.
« Je ne me définis pas comme un homme de gauche je ne suis l’homme ni d’un camp, ni d’un parti », TéléStar, 11 septembre 2019.
« Une conversation Tinder, il y a rien de plus rhétorique que ça », Clique TV, 15 décembre 2019.
Sur le savoir universitaire : « c’est pas vrai, mais c’est rigoureux », Ibid.
Sur la peine de mort : « C’est un déshonneur d’avoir attendu tant de temps avant de l’abolir », Ibid.
Sur son passage à i>Télé : « J’y suis complètement libre, personne ne me dit quoi que ce soit. », France info, 25 octobre 2018.
Nébuleuse
Il doit son arrivée sur i>Télé à l’intercession d’un ami commun avec un journaliste de la chaîne. Il fait ses débuts aux côtés d’Audrey Pulvar. Comme le souligne les Inrocks, il tente de « faire entendre une parole progressiste et rigoureuse » (Les Inrocks, 6 décembre 2018). Pas étonnant, donc, de le voir d’abord aux côtés de Mouloud Achour, puis sur France info, antenne publique. Mais rassurons-nous, c’est un universitaire, c’est un progressisme supposé rigoureux.
Ils l’ont dit
« Face à Viktorovitch, les fantasmes identitaires font pschitt. », Les Inrocks, 6 décembre 2018
« Le camp du bien tient sa nouvelle coqueluche. Lunettes rondes, barbe légère et visage prévenant, Clément Viktorovitch est le nouveau père-la-morale du PAF. », Valeurs Actuelles, 22 octobre 2019
« C’était un bon compagnon. Il est très réactif, brillant, avec une capacité de synthèse rare. Il a beaucoup de qualités pour faire de la télévision. » Pascal Praud à France Info, 25 octobre 2018.
« Clément est clair, concis et pédago. Il donne de la teneur à ses propos. », Pascal Praud, Ibid.
« Pour moi il était tout sauf un clasheur, il n’était pas forcément très engagé. », Hélène Risser, Ibid.