Dans son numéro daté du 24 avril 2025, centré sur un dossier consacré à l’hôpital sous tension du fait de l’immigration illégale, l’hebdomadaire Marianne publie aussi une double page assassine au sujet de l’émission C à Vous, présentée depuis 2017 par la journaliste moralisatrice Anne-Élisabeth Lemoine et diffusée chaque jour de la semaine sur France 5. L’ambiance est à la conversation entre invités et chroniqueurs autour de l’actualité, en attendant de dîner ensemble. Patrick Cohen fait partie des chroniqueurs habituels. Un signe qui ne trompe pas.
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« Babeth » est aux commandes du loft
Selon Marianne, suite à sa plongée dans « l’univers pas si cool de C à Vous », l’émission traverserait une crise « hors écran ». La recette du chef ? Ou plutôt, de la chef ? « Souffrances au travail, atmosphère délétère et jalousie ». Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais, un tropisme libéral-libertaire à l’œuvre dans le loft d’Anne-Élisabeth Lemoine ? Pourtant, tout est bien propre. En apparence. La musique est gaie, on rigole, les visages sont illuminés, les yeux pétillent, on est entre soi, rien ne dérange le prêt à penser commun et « Babeth », c’est son surnom, est sympa. Tout devrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour une émission qui engrangerait un million de téléspectateurs chaque soir, du lundi ou vendredi, sur son créneau horaire (la fin de journée), depuis l’élimination de Touche Pas à Mon Poste et Hanouna par la sulfateuse ARCOM (service public, elle-aussi).
Virés avec leurs sacs poubelles
Pourtant… des témoignages concordants de salariés permettent à Marianne de dénoncer des situations de souffrances au travail, d’humiliations et, plus généralement, un climat délétère de peur à tous les étages de la rédaction. Aucun témoin n’a évidemment accepté de donner son nom. Pas fous les oiseaux, ce serait un coup à se retrouver sur CNews. Les salariés racontent des scènes dignes des Etats-Unis de Donald Trump (diraient les chroniqueurs de C à Vous, mais en fait c’était déjà pareil avant) : par exemple, quand une chef d’édition est convoquée par la direction de la société de production (Troisième Œil, c’est son nom, ce n’est pas de l’humour) et virée manu militari. Elle sort en larmes, fourre ses affaires dans des sacs poubelles, comme de l’autre côté de l’Atlantique, sauf qu’il s’agit ici du service public, et fuit sans s’être arrêtée de pleurer. Les témoins se plaignent à la direction. Selon Marianne, c’est à partir de cet évènement que la « terreur » s’installe.
Rapports de domination, pas morts
Nombre de témoins le disent : autour de C à Vous, « tout est rapport de domination ». Pourtant, l’émission est un fer de lance libéral-libertaire de lutte contre toutes les discriminations, dominations, patriarcat etc. Cela hurle dans l’open space, de vieux salariés tombent psychologiquement malades et préfèrent « fuir » à leur tour. « Avant que cela ne dégénère encore plus ». Le mal-être se généralise. Les arrêts de travail aussi. Et les burn-out. L’ambiance est aux pleurs, aux reproches, au harcèlement (jusqu’aux toilettes), au mépris… Témoignage anonyme : « Babeth peut être très brutale et humiliante en public ». Sans compter son langage fleuri au sujet de travaux « à gerber » de collaborateurs.
Aux sources de la mélasse
La cause ? Ce serait la pression liée à une émission quotidienne et concurrencée, ainsi qu’à un système mis en place par le fondateur de Troisième oeil, maintenant dirigeant de la maison mère Mediawan, Pierre-Antoine Capton. Ce dernier pratiquerait la « production low-cost » à toutes les échelles, sauf, peut-on supposer, celle de son salaire. Ce n’est qu’une hypothèse. Concernant les employés ? On essore. On jette. Autre sujet de crispation selon plusieurs témoins ? La proximité de l’émission avec Emmanuel Macron et « ses quasi publireportages auprès du président ». Au point que c’en est devenu une blague récurrente en interne… Notons que « Babeth » n’a pas répondu aux sollicitations de Marianne.
Ce qu’en disent d’autres médias ?
Pas grand-chose. A la suite de la parution de la double page de Marianne, quelques médias ont réagi. Le Point a répercuté l’information. C’est tout pour la grande presse. Les autres réactions viennent de médias spécialisés. Pour TVMagazine, il y a du « rififi » à C à Vous. C’est aussi le cas de TéléStar. Sinon ? Silence radio chez les amis libéraux-libertaires.
Voir aussi : Anne-Élisabeth Lemoine, portrait
Paul Vermeulen