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Confiance dans les médias : la France derrière la Roumanie et la Bulgarie

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23 juin 2022

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | Confiance dans les médias : la France derrière la Roumanie et la Bulgarie

Confiance dans les médias : la France derrière la Roumanie et la Bulgarie

Temps de lecture : 7 minutes

Le Reuters Institute for the Study of Journalism (RISJ) publie chaque année un rapport analysant l’activité des consommateurs sur le secteur des médias au niveau mondial. L’édition 2022 de cette étude, la onzième, vient de paraître et a été rédigée en interrogeant 93 000 « consommateurs » de médias répartis sur tous les continents et 46 marchés distincts. Tour d’horizon de ce rapport qui fait autorité et est habituellement largement repris par les grands médias. Sans oublier un coup d’œil sur ses commanditaires.

Les Français n’y croient plus

Selon cette étude, 29% des Français ont con­fi­ance dans les médias, un chiffre qui atteint 33% en Roumanie, 38% en Bul­gar­ie ou encore 42% en Pologne. La France fait au côté de la Hon­grie, de la Slo­vaquie et de la Croat­ie par­tie des pays de l’Union européenne dans lesquels moins d’une per­son­ne inter­rogée sur trois déclare avoir con­fi­ance dans les médias.

C’est dans les pays ger­maniques et ceux du Nord de l’Europe que les citoyens ont le plus con­fi­ance dans les médias : 69% en Fin­lande, 58% au Dane­mark, 56% en Norvège et aux Pays-Bas, 50% en Suède, 50% en Alle­magne et 41% en Autriche. Nos amis belges et suiss­es ne s’en sor­tent pas trop mal avec respec­tive­ment 51% et 46%, alors que le Por­tu­gal fait excep­tion au sein des pays latins et atteint 61%.

Le Brexit, Trump, les Gilets jaunes et le Covid sont passés par là

Le Reuters Insti­tute ose l’écrire noir sur blanc :

« […] le manque de con­fi­ance dans les infor­ma­tions est moins lié à des cli­vages poli­tiques idéologiques qu’à un cli­vage entre les ‘nan­tis’ et les ‘dému­nis’. En France, par exem­ple, nous con­sta­tons que les divi­sions por­tent davan­tage sur le revenu et l’é­d­u­ca­tion que sur l’al­légeance à un par­ti. Pen­dant les man­i­fes­ta­tions des Gilets Jaunes, par exem­ple, les médias ont sou­vent été perçus comme s’alig­nant sur les élites. »

Un élitisme que l’étude note aus­si dans le cas du Roy­aume-Uni avec le Brex­it et aux États-Unis avec la prési­dence Trump. Dans ces trois pays, la nar­ra­tion san­i­taire liée au Covid fait suite à des épisodes ayant déchiré les sociétés, d’où des chutes con­séquentes dans le classe­ment de con­fi­ance dans les médias.

Les États-Unis — au côté de la Slo­vaquie — sont bons derniers de ce classe­ment : seule­ment 26% des Améri­cains ont con­fi­ance dans les médias (une chute de trois points en à peine un an). Au Roy­aume-Uni, cette dégra­da­tion est surtout pal­pa­ble lorsqu’on s’intéresse à la con­fi­ance dans une véri­ta­ble insti­tu­tion médi­a­tique, la BBC. De 2018 à 2022, la con­fi­ance dans la BBC est passée de 75% à 55%, tan­dis que 26% des per­son­nes inter­rogées cette année déclar­ent pure­ment et sim­ple­ment ne pas avoir con­fi­ance dans cette chaîne (11% en 2018).

Encore plus préoc­cu­pant : au Roy­aume-Uni, 46% des per­son­nes inter­rogées cette année déclar­ent éviter par­fois ou sou­vent les médias. Un mul­ti­pli­ca­tion par deux par rap­port à 2016 !

La guerre russo-ukrainienne a tendance à accentuer les tendances

Impact sur l’humeur, propen­sion à éviter les infor­ma­tions, développe­ment du numérique et des réseaux soci­aux mais solid­ité des médias clas­siques pour ce qui est de la con­fi­ance, etc. La guerre entre l’Ukraine et la Russie a encore plus mis en évi­dence cer­taines habi­tudes de consommation.

Elle peut se révéler être un accéléra­teur et un révéla­teur, surtout en Alle­magne, en Pologne et aux États-Unis, où elle a eu un impact négatif sur la pro­por­tion de per­son­nes se détour­nant des médias : +7 points en Alle­magne, +6 en Pologne et + 4 aux États-Unis. Un chapitre entier de l’étude est con­sacré aux « per­cep­tions de la cou­ver­ture médi­a­tique de la guerre en Ukraine. »

Voir aus­si : Enquête con­fi­ance dans les médias Kantar/La Croix : tou­jours moins !

Les Français restent vieux jeu

La France appar­tient aux pays pour lesquels la télévi­sion joue encore un rôle déter­mi­nant, alors que la presse régionale est ce en quoi les français ont le plus con­fi­ance. 58% des Français ont con­fi­ance dans la PQR et 53% dans France Télévi­sions. Si cette con­fi­ance n’est que de 40% pour CNews et de 37% pour BFMTV, elle reste supérieure à la con­fi­ance moyenne qu’ont les Français dans les médias.

Les Français sont par­mi les con­som­ma­teurs de médias les moins con­nec­tés au monde :

« Si les États-Unis sem­blent avoir le groupe le plus impor­tant d’u­til­isa­teurs d’in­for­ma­tions décon­nec­tés, nous obser­vons des chiffres tout aus­si élevés au Japon (15 %), au Roy­aume-Uni (9 %), en France (8 %) et en Aus­tralie (8 %). »

Très peu, sont par ailleurs en France à pay­er pour des con­tenus médi­a­tiques en ligne (11%). Cette pro­por­tion est bien plus élevée en Suède ou en Norvège, pays où la con­fi­ance dans les médias dépasse large­ment celle con­statée en France.

Remarques sur la méthodologie

La force de ce rap­port est à la fois sa grande faib­lesse. Le rap­port annuel du Reuters Insti­tute est ce qui existe de plus com­plet et de plus large en matière de con­fi­ance dans les médias et d’habitudes de con­som­ma­tion au niveau mon­di­al. Bien qu’il soit fait à par­tir d’échantillons faibles (à peine 2059 inter­rogés pour la France), ce rap­port per­met de dégager de réelles ten­dances que les obser­va­teurs et ana­lystes n’auront pas de mal à confirmer.

Mais un œil non-avisé risque très vite de s’y per­dre. Les mêmes instru­ments de mesure sont en effet util­isés pour des pays aux cul­tures his­toriques et poli­tiques dif­férentes : les pays latins et ver­ti­caux, où la poli­tique est le lieu de con­cen­tra­tion des ten­sions sociales, les pays protes­tants, scan­di­naves et/ou ger­maniques, où l’horizontalité, la con­trac­tu­al­ité et le com­pro­mis sont des élé­ments con­sti­tu­tifs du fait poli­tique, les pays post-com­mu­nistes, où la presse est ouverte­ment par­ti­sane voire clanique. Ces élé­ments per­me­t­tent d’apporter de la com­plex­ité aux résul­tats de l’étude et de les rel­a­tivis­er, et de pren­dre le tra­vail du Reuters Insti­tute avec des pincettes et du recul.

En revanche, sans cette con­tex­tu­al­i­sa­tion, les résul­tats de cette étude jetés en pâture dans la grande presse peu­vent rem­plir un objec­tif poli­tique. Ils peu­vent très vite devenir un vivi­er à gros titres. Exem­ple par­fait : la Hon­grie. La presse hos­tile à Vik­tor Orbán n’aura pas tardé à repren­dre les mau­vais résul­tats de la Hon­grie dans cette étude. 27% de con­fi­ance dans les médias, alors que les médias les plus fiables sont sans sur­prise ceux opposés à la poli­tique du gou­verne­ment hon­grois (Telex et 444 entre autres). Pas éton­nant lorsqu’on s’intéresse à ce qu’est le Reuters Institute.

Attention aux commanditaires de l’étude de Reuters !

Par­mi les spon­sors de cette étude, on retrou­ve quelques-uns des tra­di­tion­nels usu­al sus­pects : Open Soci­ety Foun­da­tions (George Soros), Google News Ini­tia­tive, la BBC, des grandes uni­ver­sités bien-pen­santes (l’université d’Oxford est d’ailleurs co-rédac­trice du rap­port), ou encore une fon­da­tion fin­landaise de recherche sur les médias (la Fin­lande sort grande cham­pi­onne de cette étude).

Le Reuters Insti­tute fonc­tionne quant à lui grâce au sou­tien financier de la fon­da­tion Thom­son Reuters, der­rière laque­lle on trou­ve le groupe éponyme, leader mon­di­al de l’information finan­cière avec Bloomberg. Cette fon­da­tion a des liens avec la Com­mis­sion européenne et l’European Press Prize, graal des médias de grand chemin.

À la tête de cette fon­da­tion, bien évidem­ment « indépen­dante », on trou­ve depuis 2019 l’Italien Anto­nio Zap­pul­la, un ancien de Bloomberg TV et défenseur de pre­mier plan des droits LBGT. Zap­pul­la est à l’origine de la créa­tion de la pre­mière plate-forme d’informations LGBT, dis­tribuée par Reuters : Open­ly. Tou­jours le même con­stat : la pré­ten­due exper­tise au ser­vice d’un mil­i­tan­tisme à peine voilé !

Voir aus­si : Insti­tute for Strate­gic Dia­logue : tous unis con­tre la haine ! Autre exem­ple de fon­da­tion soi-dis­ant indépendante…