Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Bâtonnier de la Drôme : démission après des propos sur les réseaux sociaux

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

1 mai 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Bâtonnier de la Drôme : démission après des propos sur les réseaux sociaux

Bâtonnier de la Drôme : démission après des propos sur les réseaux sociaux

Temps de lecture : 4 minutes

Le 4 avril 2020, un « réfugié » soudanais du nom d’Abdallah Ahmed-Osman tuait deux personnes au couteau et en blessait cinq autres à Romans-sur-Isère, dans la Drôme (au motif que ces dernières n’étaient pas musulmanes) le tout en pleine période de confinement.

Message privé musclé

Le soir même, un avo­cat du bar­reau de Valence s’émouvait de cette sit­u­a­tion sur le groupe Face­book « Avo­cats Valence », groupe de dis­cus­sion privé et comp­tant 137 mem­bres, en postant un mes­sage dis­ant « À tous les con­nards qui veu­lent défendre les sous-merde du type de celui qui a tué deux per­son­nes à Romans ce matin, con­tin­uez à vouloir met­tre en avant les droits de l’homme et à déshon­or­er la pro­fes­sion. Je pèse et j’as­sume mes pro­pos ». Le bâton­nier de la Drôme, Maître Thier­ry Chau­vin, avait ajouté en com­men­taire à ce mes­sage « Il peut crev­er où il veut, rien à … et, moi aus­si je pèse mes mots ».

Ces pro­pos à l’origine tenus dans un cadre privé n’ont pas tardé a être repris dans la presse. Le jour­nal Le Parisien a été le pre­mier à s’en faire l’écho dès le 10 avril, en titrant de manière ambigüe : « ter­ror­iste pré­sumé de Romans : les mes­sages injurieux qui sèment l’émoi au bar­reau de Valence ».

« Abdallah ‑Ahmed-Osman est l’un des nôtres »

Peu après ces révéla­tions, neuf avo­cats du bar­reau de Valence (dont deux anciens bâton­niers) ont rédigé une tri­bune sur le site juridique Dal­loz actu­al­ité en « réac­tion aux pro­pos tenus par le bâton­nier de Valence ».

Dans ce texte à charge, les sig­nataires s’indignent des pro­pos incrim­inés, bal­ayent d’un revers de main le car­ac­tère privé des échanges et évo­quent l’aspect selon eux choquant des opin­ions exprimées, pré­cisant que « (…) de tels pro­pos n’ont pas besoin d’être publics pour être indé­cents et heurter les quelques-uns qui les enten­dent ou les lisent ».

S’ils insis­tent sur le droit de cha­cun à dis­pos­er d’une défense (un droit fon­da­men­tal, garan­ti par la CEDH), les avo­cats à l’origine de la tri­bune ont néan­moins pris une posi­tion sur­prenante allant au-delà de sim­ples con­sid­éra­tions juridiques, en ten­ant des pro­pos qui posent de réelles ques­tions quant à l’idéologie qu’ils sous-ten­dent, déclarant notam­ment : « Cet homme-là, Abdal­lah Ahmed-Osman, est l’un des nôtres. Il nous ressem­ble. Nous sommes faits de la même chair, des mêmes os et le même sang que le vôtre coule dans ses veines. C’est notre frère ».

À la suite de cette tri­bune, Maître Thier­ry Chau­vin a annon­cé sa démis­sion et s’en est expliqué auprès de France 3 le 25 avril : « Cette déci­sion est naturelle­ment le fruit d’une longue réflex­ion (…) Mes raisons les plus intimes, je les ai réservées à mes col­lègues. Ce qui a motivé ma déci­sion, c’est la tri­bune écrite par mes con­frères dans un tor­chon le 13 avril dernier ». Il a égale­ment ajouté : « Ce qui me choque, c’est que ces gens qui s’éri­gent en grands moral­isa­teurs sur les réseaux soci­aux, ne se ren­dent pas compte des con­ner­ies qu’ils dis­ent. Essay­er de rem­plac­er le nom du ter­ror­iste par Staline ou Hitler, appelez-les « mon frère », et dites-moi ce que vous en pensez ? Jolie famille, c’est la leur, pas la mienne. Je con­sid­ère qu’en écrivant de tels pro­pos, on crache sur les familles et les vic­times. Notre pro­fes­sion se dis­crédite, je ne pou­vais plus en être l’un de ses représentants ».

Des médias discrets

Les caus­es de cette démis­sion, qui pren­dra effet le 31 mai 2020, n’ont pas sus­cité un émoi par­ti­c­uli­er dans les médias de grand chemin. La plu­part se sont con­tentés de repren­dre l’information sans appro­fondir d’avantage un sujet qui aurait pour­tant mérité une réflex­ion plus large, tant sur le sujet de la lib­erté d’expression dans un cadre privé que sur l’étrange vision du monde qui ani­me cer­tains pro­fes­sion­nels de jus­tice. Seuls Causeur par Céline Pina et Atlanti­co par Benoît Rays­ki ont pour le moment réa­gi en dénonçant le car­ac­tère inquié­tant d’une prise de posi­tion qui con­siste à exal­ter le sen­ti­ment de fra­ter­nité avec un ter­ror­iste. On voit là une véri­ta­ble volon­té de min­imiser tout ce qui touche au ter­ror­isme en cette péri­ode de con­fine­ment, et ce, alors même que les attaques n’ont pas cessé, l’attentat qui a frap­pé des policiers à Colombes en étant l’exemple le plus récent.