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Fake news : quand l’AFP arrange les affaires des socialistes nantais et de l’Arbre aux Hérons

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25 mars 2018

Temps de lecture : 5 minutes
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Fake news : quand l’AFP arrange les affaires des socialistes nantais et de l’Arbre aux Hérons

Temps de lecture : 5 minutes

La loi contre les fake news va peut-être illustrer par anticipation l’AFP, véritable générateur de bobards. L’agence de presse s’est à nouveau illustrée ces jours-ci avec comme titre « à Nantes, la construction du monumental Arbre aux Hérons est lancée », repris par de nombreux journaux. Une erreur intéressée, alors qu’au même moment un financement participatif et de coûteux financements publics sont lancés pour cette œuvre d’art monumentale tant par ses dimensions que son coût (35 millions d’euros), un projet cher aux socialistes nantais.

L’Arbre aux Hérons : le projet

L’Ar­bre aux Hérons est en réal­ité un immense arbre mécanique, de 35 mètres de haut et de 50 d’en­ver­gure, capa­ble d’ac­cueil­lir 450 per­son­nes sur ses 22 branch­es – une struc­ture métallique de 2000 tonnes d’aci­er avec de nom­breuses passerelles, des jardins sus­pendus et des hérons géants cen­sés embar­quer les vis­i­teurs pour sur­v­ol­er Nantes. Sa con­struc­tion est cen­sée dur­er 5 ans, avec deux ans d’é­tudes. Deux tiers du pro­jet sont cen­sés être apportés par des parte­naires publics (dont la moitié par la métro­pole), le reste par le privé. Et ce sans compter les divers amé­nage­ments annex­es, la mairie de Nantes comp­tant en faire la vit­rine du réamé­nage­ment du quarti­er paupérisé de Bas-Chante­nay, à l’ouest du cen­tre-ville, où 1500 loge­ments et 70.000 m² de bureaux doivent faire leur appari­tion au milieu des frich­es et des anciens chantiers navals.

Un financement bien fragile

En réal­ité, si le finance­ment par­tic­i­patif a été lancé sur Kick­starter – avec un objec­tif anor­male­ment bas (100.000 €) pour faire accroire à un rapi­de suc­cès — alors que c’est un mil­lion d’eu­ros que les organ­isa­teurs visent. Mieux, sur le Kick­starter on lit en gros : « Les Machines de l’île et la Com­pag­nie la machine con­stru­isent l’arbre aux hérons ». Archi-faux, assène le très infor­mé blogueur nan­tais Sven Jelure : « Or c’est com­plète­ment faux. Ni Les Machines de l’île ni la Com­pag­nie La Machine ne con­stru­isent d’Ar­bre aux Hérons. À ce jour, il n’est qu’un pro­jet – un pro­jet de Nantes Métro­pole, qui a com­mandé des études de fais­abil­ité mais n’a pas décidé formelle­ment sa con­struc­tion. Ain­si, des inter­locu­teurs non habil­ités deman­dent aux con­tribu­teurs de Kick­starter de financer un pro­jet hypothé­tique à ce jour, à con­stru­ire sur un ter­rain qui ne leur appar­tient pas, sous un nom qui ne leur appar­tient pas davan­tage (la mar­que L’Arbre aux Hérons a été déposée à l’INPI par Nantes Métro­pole en avril 2017), et dont la fais­abil­ité n’est même pas assurée ! »

Pour­tant, ce finance­ment privé doit rap­porter à terme 12 mil­lions d’eu­ros, mais le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’emballe pas les foules, mal­gré le coup de pouce de l’AFP. Pour l’in­stant, ça dépasse pénible­ment les 200.000 €. Et au vu du nom­bre d’inex­ac­ti­tudes (listées ici), l’Ar­bre aux Hérons et l’AFP sont can­di­dats au prix du Bobard sur Loire, avec sauce au beurre blanc.

Légèretés juridiques

D’au­tant que le pro­jet cumule les bizarreries juridiques. Ain­si, le fonds de dota­tion cen­sé ramen­er les fonds privés est en réal­ité un faux nez de Nantes Métro­pole au rôle très flou, créant donc une insécu­rité juridique et une mine à futurs recours. Sa ges­tion a été con­fiée à l’an­ci­enne (et éphémère) députée de la 3e cir­con­scrip­tion Karine Daniel, adoubée par Jean-Marc Ayrault mais débar­quée avec pertes et fra­cas au prof­it d’En Marche en juin 2017. Enseignante en économie agri­cole, elle sem­ble être bien loin d’avoir les com­pé­tences néces­saires. Si ce n’est qu’il faut sauver les ruines du sys­tème Ayrault dans l’un des derniers bas­tions du PS en France.

Mieux, les études de fais­abil­ité dudit arbre ont été attribuées… à ses créa­teurs, dont Pierre Oré­fice. Et ce alors que les dimen­sions, les coûts et le plan de finance­ment sont déjà con­nus. Soit 2,5 mil­lions d’€ HT d’ar­gent pub­lic pour des infor­ma­tions que l’on con­naît déjà. Sans oubli­er 12 mil­lions d’eu­ros de sou­tien déjà actés si l’ar­bre est con­stru­it, et toutes les dépens­es annexes.

Des travaux lourds sont prévus pour amé­nag­er l’an­ci­enne car­rière Mis­éry et ses abor­ds, où doit pren­dre place l’ar­bre aux Hérons pour 1,4 mil­lions d’€ dont 953.000 € pour une « prom­e­nade des belvédères », et deux points de vue à 153.000 et 77.000 €, sans oubli­er une passerelle à 275.000 €. Et cela ne prend pas en compte l’opéra­tion de com’ prévue dans la car­rière du 12 avril au 30 juin, budgétée par deux enveloppes de 400.000 et de 120.000 € par la métro­pole de Nantes, et une de 155.000 € votée en décem­bre par la ville, soit 677.000 € pour beau­coup de com’ et d’an­i­ma­tion artis­tique. Sans oubli­er le déploiement de navettes autonomes élec­triques de Gare Mar­itime à ladite car­rière, pas rat­tachée au réseau des trans­ports en com­mun, pour un coût encore inconnu.

Bref, l’Ar­bre aux Hérons n’est pas encore en con­struc­tion, n’en déplaise à l’AFP, mais il coûte déjà bon­bon — 4 mil­lions et demi de dépens­es engagées pour planter un arbre dans le grand trou de l’an­ci­enne car­rière. Un vrai gouf­fre. Où se noie la vérac­ité de l’information.