CNews était accusée par Reporters sans frontières de « tricher » avec les règles du pluralisme en repoussant la gauche aux heures nocturnes. Saisie, l’ARCOM affirme au contraire n’avoir constaté aucun contournement des règles en mars 2025. Une décision qui fragilise la démarche de RSF, alors même qu’une étude récente pointe le biais de gauche des matinales de Radio France.
RSF alias Rapporteurs Sans Frontières
CNews remporte une bataille dans la grande guerre médiatique en cours. Reporters sans frontières (RSF) reprochait à la chaîne d’information continue de contrevenir au pluralisme. Mais l’ARCOM a désavoué l’ONG devenue porte-parole de la censure à la mode progressiste.
Au-delà d’un simple échange de communiqués, l’épisode éclaire un rapport de forces bien réel : d’un côté, une chaîne privée accusée de dérive idéologique ; de l’autre, une ONG très médiatisée et très politisée dont la méthodologie se trouve publiquement mise en doute par le régulateur, pendant que le service public échappe largement à ce type de contrôle.
Voir aussi : Comment France TV a bidouillé son enquête sur CNews
Un rapport à charge, une autorité dubitative
RSF affirme avoir passé au crible les temps d’antenne des chaînes d’info du 1er au 31 mars 2025 grâce à un outil automatisé analysant environ 700 000 bandeaux. D’après l’ONG, sur CNews, « l’extrême droite » cumulerait 40,6 % d’exposition contre 15,4 % pour la gauche en prime time, tandis que cette dernière grimperait à plus de 60 % la nuit. Ces résultats ont été largement relayés et étaient programmés pour être mis en scène dans « Complément d’enquête » (France 2), dans une séquence montrant notamment un discours quasi inaudible de François Hollande diffusé vers 5 heures du matin.
Mais à l’ARCOM, on dit ne pas retrouver ces déséquilibres. L’autorité a indiqué à l’AFP qu’elle n’avait relevé « aucun contournement des règles du pluralisme politique sur le mois de mars 2025 » sur CNews et que, le cas échéant, elle serait intervenue. Elle souligne que ses propres mesures ne coïncident pas avec celles de RSF.
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Quand l’ARCOM dément, France Télévisions coupe
Conséquence immédiate : France Télévisions a retiré au dernier moment la séquence consacrée aux chiffres de RSF dans son émission « Complément d’enquête », expliquant ne pas pouvoir, si près de la diffusion, intégrer de façon loyale la position contradictoire du régulateur. Les censeurs de RSF, de leur côté, déplorent des « dénégations » de l’ARCOM et maintiennent l’intégralité de leurs résultats, tout en reprochant au régulateur de ne pas publier ses propres chiffres détaillés.
Sur le fond, l’épisode pose deux questions. D’abord celle de la transparence des méthodes : RSF s’appuie sur un seul mois d’antenne et sur une catégorisation politique plus que contestable (classement de certaines personnalités en « extrême droite », prise en compte des bandeaux plutôt que des contenus). Ensuite, celle du rôle de la pseudo-ONG : observateur indépendant ou acteur militant progressiste visant prioritairement les médias privés perçus comme conservateurs, quand d’autres antennes sont beaucoup moins scrutées. RSF ne se mobilisait ainsi pas pour défendre le pluralisme lorsque Laurent Ruquier refusait à Marine Le Pen de venir sur son plateau de « On n’est pas couché » sur France 2…
Le pluralisme oublié des matinales de Radio France
La comparaison devient plus piquante à la lumière d’une étude de l’Institut Thomas More, publiée par Le Figaro Magazine, qui a analysé, à l’aide d’un outil d’intelligence artificielle, l’ensemble des matinales d’octobre 2025 sur France Inter, France Culture et France Info (1 280 chroniques). Selon ses auteurs, la majorité des chroniques présente une tonalité identifiable à gauche, tandis que la droite et le centre gouvernemental concentrent l’essentiel des critiques, avec très peu de traitements positifs. France Inter apparaît comme la plus polarisée, la quasi-totalité des formats réguliers étant classés à gauche ; seuls « L’Invité de 7 h 50 » et « L’Édito éco » sont rangés à droite. France Culture est décrite comme durablement orientée à gauche, tandis que seule France Info présente un relatif équilibre, avec une majorité de contenus jugés neutres. Sur les thèmes sensibles : justice, discriminations, violences policières, relations internationales, la gauche dispose d’un quasi-monopole de cadrage.
Voir aussi : Notre enquête sur France Inter
Ainsi, au moment même où une chaîne privée est publiquement mise en accusation puis blanchie par le régulateur, une étude chiffrée met en lumière le biais d’un service public financé par tous. Une asymétrie de traitement médiatique dont CNews et le groupe Bolloré ne manqueront pas de se prévaloir pour dénoncer, à leur tour, un pluralisme à géométrie variable.
Quant aux détracteurs de cette étude, ils argueront que l’Institut Thomas More est de droite. Il pourra leur être répondu qu’il n’est pas plus de droite que RSF n’est de gauche !
Voir aussi : Complément d’enquête sur CNews : la meilleure défense, c’est l’attaque !
Rodolphe Chalamel


















