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Luc Le Vaillant

16 mai 2019

Temps de lecture : 18 minutes
Accueil | Portraits | Luc Le Vaillant
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Luc Le Vaillant

Temps de lecture : 18 minutes

Le dernier libertaire

Athée militant, ne cachant pas son goût pour les femmes, de préférence actrices, jeunes et jolies, Luc Le Vaillant défend la prostitution, la GPA, DSK, la légalisation des drogues et la liberté d’expression totale. À lui tout seul, il incarne le Libé des origines, gauchiste et libertaire…

Formation

Ce fils d’un médecin général­iste et d’un pro­fesseur de français ital­ien nait à Lan­di­visi­au, dans le Fin­istère, en 1958. Ainé d’une famille de 6 enfants, il passe toute son enfance à Plougas­nou, où son père achète une petite mai­son au bord de la mer. Pas­sion­né de voile, Luc Le Vail­lant gagne la semaine olympique française de voile d’Hyères en 1981. Il par­ticipera égale­ment aux sélec­tions nationales pour les Jeux Olympiques de 1984.

Ses par­ents l’inscrivent en pré­pa, mais, écrit-il, « sep­tem­bre était radieux, j’ai fait l’école buis­son­nière et les ven­dan­ges. Ensuite, je me suis inscrit à la fac, en phi­lo et let­tres. J’ai passé une excel­lente année. J’ai décou­vert Niet­zsche et les sur­réal­istes. On a fait grève six mois durant ». Le Bre­ton monte à Paris et finit ses études de philoso­phie à la Sor­bonne. En 1982, il entre au cen­tre de for­ma­tion des jour­nal­istes. Tou­jours attiré par la mer et la voile, il pige, encore étu­di­ant, pour Voiles et voiliers.

Parcours professionnel

En 1989, il entre au ser­vice « sport » de Libéra­tion, à une époque où « le fric et le dopage n’avaient pas encore pris le pou­voir, (où) les coureurs nous rece­vaient dans leur cham­bre d’hôtel pen­dant le Tour de France ».

En 1995, il passe au ser­vice « por­traits » du quo­ti­di­en, en charge de la dernière page du quo­ti­di­en. « Ce sont Marie Gui­choux et Serge July qui en ont eu l’idée. Ils voulaient une approche indi­vidu­elle, une galerie de per­son­nal­ités sig­nifi­antes pour faire pen­dant à la une, où Libé racon­te sou­vent l’actualité de façon mon­di­ale, col­lec­tive, com­mune, pour ne pas dire sanglante ». Cette page por­trait est le dernier sou­venir de Libéra­tion 3, un jour­nal de 80 pages, lancé en sep­tem­bre 94, qui se sol­de par un échec et s’arrête à l’été 1995.

Pour Luc Le Vail­lant, par­ticiper à « la der », la dernière page du quo­ti­di­en, « est sans doute l’un des trucs les plus agréables qu’on puisse faire dans une vie (…) Dans la presse écrite, il est dif­fi­cile d’avoir une fonc­tion plus grat­i­fi­ante, plus exci­tante ». « La der se con­cen­tre sur ce que les gens sont, pas sur ce qu’ils font. C’est la lim­ite de l’exercice, c’est aus­si sa par­tic­u­lar­ité. Et c’est sans doute ce qui fait sa faveur à l’heure où l’exhibition de soi tri­om­phe et où la psy­chol­o­gi­sa­tion gagne ».

En 1998, il reçoit le Prix Albert Lon­dres, qui récom­pense le meilleur grand reporter, pour « Chronique d’une tem­pête annon­cée », un reportage con­sacré aux Palestiniens.

En 2000, il prend la direc­tion du ser­vice por­trait. Poste qu’il occupe encore aujourd’hui. Il tient aus­si une chronique appelée « Ré/jouissances » et pige tou­jours de temps en temps pour les pages sportives.

Pour Nico­las Demor­and, directeur du quo­ti­di­en de mars 2011 à févri­er 2014, Luc Le Vail­lant est « le dernier spéci­men pur de lib­er­taire inté­gral ». On ne peut pas don­ner tort à l’ancien patron de Libéra­tion. Luc Le Vail­lant a tout du lib­er­taire : anti­cléri­cal, anti­mil­i­tariste et jouis­seur sans entrave. Il l’écrit lui-même : « Le paci­fiste que je suis sait la nociv­ité de l’alliance cachée entre les sécu­ri­taires et les religieux, qui se font la courte échelle pour dur­cir une société que je préfère libérée ».

Luc Le Vail­lant revendique « l’ouverture des bor­dels d’État pour hommes et femmes ». « Seul l’État a les moyens de police suff­isants pour garan­tir le volon­tari­at des inter­venants » de ces bor­dels, explique-t-il sérieuse­ment. Pour lui, « il n’existe peut-être pas de pros­ti­tu­tion heureuse, mais il existe une pros­ti­tu­tion volon­taire. Des êtres, autonomes et majeurs, déci­dent par­fois de mon­nay­er leurs faveurs (…) Pour per­me­t­tre à cha­cun de faire ce qu’il lui plaît, l’État se doit d’intervenir pour valid­er le libre choix des tra­vailleurs sex­uels ». Il se dit égale­ment « pour la nudité général­isée des adultes con­sen­tants d’âges, de con­for­mités physiques et de plas­tic­ités var­iés, dans la vie réelle comme sur tous sup­ports de dif­fu­sion ».

La pros­ti­tu­tion est vis­i­ble­ment une vraie cause à défendre pour Le Vail­lant. En plein débat sur la pénal­i­sa­tion des clients de la pros­ti­tu­tion, il con­sacre un nou­veau bil­let à ce sujet. Il imag­ine alors Najat Valaud Belka­cem, à l’époque min­istre des droits des femmes et en pointe dans ce débat, con­trainte de démis­sion­ner après avoir avoué publique­ment « une rela­tion rémunérée » avec un « acteur de troisième zone ». « Elle le sub­ven­tionne sans compter, pour s’assurer de la pureté de ses sen­ti­ments et se réserv­er ses per­for­mances hor­i­zon­tales », imag­ine Luc Le Vail­lant. La fable a une morale que Le Vail­lant met en aver­tisse­ment de son arti­cle : « je suis cer­tain que le gou­verne­ment PS cessera de faire assaut de puri­tanisme et que les pro­jets de loi punis­seurs des client(e)s de la pros­ti­tu­tion regag­neront le fond des tiroirs qu’ils n’auraient jamais dû quit­ter ».

Le sexe et les jeunes femmes sont d’ailleurs au cœur de son écri­t­ure. Comme le dit la jour­nal­iste Del­phine Le Goff, dans un por­trait qu’elle lui a con­sacré dans Stratégie : « l’appétit de Le Vail­lant pour les femmes, la sen­su­al­ité, tran­spire entre les lignes. Surtout celles, sou­vent moites, qu’il con­sacre aux jeunes actri­ces. Pourquoi autant de por­traits de comé­di­ennes en devenir ? “J’essaie d’arrêter ! D’autant qu’avec l’âge, ma notion de la jeune actrice a un peu changé” (…) La séduc­tion, la sex­u­al­ité font en tout cas sys­té­ma­tique­ment par­tie de la grille à laque­lle Luc Le Vail­lant soumet ses sujets d’é­tude, au même titre que la reli­gion, la famille et la poli­tique. “La séduc­tion sans sex­u­al­ité m’a longtemps ennuyé. Évo­lu­tion en cours ?”, s’in­ter­roge lui-même le jour­nal­iste, qui a ten­té de dévelop­per des pages “sexe” dans Libéra­tion ».

En 2014, il pub­lie La vie rêvée des filles, qui reprend ses « papiers hor­monaux », comme il le dit lui-même, reprenant à son compte une expres­sion de ses confrères.

Le sexe, encore et tou­jours, quand Luc Le Vail­lant prend, dans les colonnes de Libéra­tion, la défense de Dominique Strauss-Kahn. En mars 2012, il dénonce « le jour­nal­isme de fond de culotte » sur cette affaire. « Cha­cun a droit au respect de sa vie privée » clame-t-il, en regret­tant la fin de l’exception française, tou­jours prompte à cacher ou à par­don­ner les affaires de fess­es des hommes poli­tiques. « La logique protes­tante anglo-sax­onne et le fémin­isme puri­tain requièrent désor­mais que le jour­nal­isme scrute à la loupe les draps de lit ». « Un jour­nal­iste n’est ni un flic ni un juge, con­tin­ue-t-il. Et c’est tant mieux ! Il n’a pas les moyens de police néces­saires à l’établissement de la vérité. En par­ti­c­uli­er, en ces matières sex­uelles, où c’est sou­vent parole con­tre parole ».

Luc Le Vail­lant est égale­ment favor­able à la « ges­ta­tion pour autrui et pro­créa­tion médi­cale­ment assistée, qu’il faut encour­ager ».

S’il est hos­tile au « jour­nal­isme de fond de culotte » et favor­able au respect de la vie privée, en mars 2014, au lende­main des élec­tions munic­i­pales, il révèle pour­tant l’homosexualité de Steeve Briois, nou­veau maire du Front Nation­al d’Hénin-Baumont, dans le Pas-de-Calais. Et de dis­sert­er, « Steeve Briois vient d’être élu maire d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Il porte les couleurs du Front nation­al. Et il est aus­si homo­sex­uel. Voici trois élé­ments d’information − maire, FN, homo − qu’il est intéres­sant de recom­bin­er deux par deux ». Le papi­er fait scan­dale. Dans Les Inrocks, David Doucet dénonce notam­ment un « texte réduc­teur et bour­ré de préjugés ».

« Ten­ant du free speach à l’américaine et opposant à la loi Gayssot », il n’hésite pas à accorder un « sou­tien con­di­tion­nel » à Philippe Verdier, présen­ta­teur météo ren­voyé de France 2, pour avoir tenu des pro­pos poli­tique­ment incor­rect. Mieux, il prend la défense de Dieudon­né. Pour Le Vail­lant, « la lib­erté d’expression ne se divise pas ! Il est trop facile de défil­er le dimanche pour le droit de dire tout et son con­traire et, dès le lun­di, de crim­i­nalis­er le pro­pos déviant (« Je me sens Char­lie Coulibaly ») glis­sé en peau de banane per­verse par ce chercheur d’embrouilles qu’est Dieudon­né. Il est trop sim­ple de célébr­er la satire accept­able et de met­tre à l’index les désas­treuses idées qui heur­tent, choquent et vio­len­tent ».

Côté reli­gion, Luc Le Vail­lant se voit « plutôt comme un anti­cléri­cal main­tenu ». « Dieu qui n’existe pas, s’il te plaît, débrouille-toi pour me débar­rass­er de toutes ces reli­gions qui exis­tent trop », écrit-il, en bon bouf­feur de curé, dans sa « prière pour la dis­so­lu­tion des reli­gions ». Pour lui, le catholi­cisme reste avant tout une « reli­gion exhi­bi­tion­niste et fémi­nine ».

Au croise­ment de son com­bat anti­cléri­cal et de ses obses­sions féminines, Luc Le Vail­lant n’hésite évidem­ment pas à se faire l’avocat des Femen. « Au cœur de Notre-Dame, elles ont son­né les cloches au papisme démis­sion­naire et à la chré­tien­té mobil­isée con­tre l’homosexualité. Dépoitrail­lées, elles ont réclamé la fémin­i­sa­tion de l’Église, ont dénon­cé le patri­ar­cat ensoutané et com­bat­tu en ama­zones athées une reli­gion qui, avec ses con­sœurs musul­mane et juive, veut con­tin­uer à blo­quer l’évolution des mœurs de la société française ».

Au lende­main des atten­tats de Paris, du 13 novem­bre 2015, il pub­lie une chronique remar­quée qui résume assez bien le per­son­nage. Sous le titre « C’est gen­til, mais ne vous sen­tez pas obligé de prier pour Paris », il écrit à ses « amis du monde libre et de l’Occident chré­tien » : « Évitez de nous engager dans votre guerre de reli­gion en faisant de la tour Eif­fel un ex-voto et du dra­peau bleu-blanc-rouge, une ban­nière en pro­ces­sion ». Pour lui, « Paris s’est fait atta­quer pour son incroy­ance fes­tive, pour son côté Sodome et Gom­or­rhe assumé, pour sa tolérance sans doute assez bêtasse mais très hon­or­able pour toutes les croy­ances tant qu’elles restent age­nouil­lées dans le cagibi de leur intimité ».

Mais si l’Église catholique est une cible régulière des bil­lets de Luc Le Vail­lant, à au moins deux repris­es, le jour­nal­iste sera accusé d’islamophobie à cause de lui. La pre­mière fois, c’est le 26 jan­vi­er 2015, juste après les atten­tats de Char­lie Heb­do. Dans une Let­tre ouverte à un musul­man pra­ti­quant, il écrit « tu es musul­man et aujourd’hui, je t’en veux. (…) Aujourd’hui, je refuse de voir plus loin que le bout de la kalach­nikov qui a fait feu sur l’irrévérence et le blas­phème ».

Plus récem­ment, il est accusé d’islamophobie, pour avoir décrit son malaise et ses fan­tasmes après avoir croisé dans le métro une femme musul­mane cou­verte de la tête aux pieds par son abaya « couleur cor­beau ». « La tenue traîne jusqu’au sol et bal­aie la pous­sière des anx­iétés alen­tour. Les mains sont gan­tées et on ne saura jamais si les paumes sont moites. Cette autre soutane monothéiste lui fait la cuisse éva­sive, la fesse envasée, les seins restreints. Les cheveux sont dis­traits à la con­cu­pis­cence des abom­inables per­vers de l’Occident déca­dent ». Et de con­tin­uer « si l’œil du voisin de strapon­tin se fait inquisi­teur, ce n’est pas pour pin­cer le bour­relet charmeur mais pour palper la pos­si­bil­ité d’une cein­ture de chasteté explo­sive ». « Tant qu’elle ne rafale pas les ter­rass­es à la kalach, elle peut penser ce qu’elle veut, croire aux bobards qui la réjouis­sent et s’habiller à sa guise mais j’aimerais juste qu’elle évite de me pren­dre pour une buse ».

Pour avoir pub­lié cette tri­bune, Libéra­tion sera taxé de racisme, au point que sur les réseaux soci­aux, le mot-dièse #LibéRacisme ressort par­mi les plus util­isés du moment. La société des jour­nal­istes pub­liera le jour même un com­mu­niqué pour se désol­i­daris­er de leur con­frère. Le lende­main, Luc Le Vail­lant sera tout de même soutenu par Lau­rent Jof­frin, le directeur du jour­nal : « l’accusation de racisme ou de sex­isme qui court ici et là est évidem­ment ridicule quand on con­naît un tant soit peu notre chroniqueur et notre jour­nal ».

Pour autant, et para­doxale­ment, cette posi­tion ultra-laïque ne l’empêche pas de se mon­tr­er favor­able à une mod­i­fi­ca­tion de la loi de 1905 pour « con­stru­ire des mosquées et for­mer, sinon rémunér­er, les imams, comme l’impôt finance les écoles privées et ces mon­u­ments his­toriques que sont dev­enues les églises ».

En avril 2019, il s’indigne d’une réu­nion non-mixte entre femmes à Libéra­tion : « Les iné­gal­ités pro­fes­sion­nelles exis­tent et les femmes en pâtis­sent depuis longtemps. Mais leurs légitimes reven­di­ca­tions s’accompagnent par­fois de moyens d’action con­testa­bles, tel le recours à ces réu­nions non mixtes, qui plaisent tant aux décolo­ni­aux et aux indigénistes. L’un de ces meet­ings en vase clos s’est déroulé récem­ment à Libéra­tion, lieu où la par­ité a bien avancé. […] Je vais m’éviter le ridicule d’estimer que ce type d’initiative est dis­crim­i­na­toire et sex­iste. Même si le biologique y reprend le pas sur le sym­bol­ique. Je me con­tenterai d’affirmer que cela par­ticipe d’une ten­ta­tion sépara­trice qui tor­pille la néces­saire entente entre les sex­es ».

Parcours militant

Très jeune, Luc Le Vail­lant se fait con­naître pour son engage­ment à gauche. Il l’écrit lui-même : « j’ai réal­isé que mon camp était bien celui des anar­cho-désir­ants et des utopistes-soci­aux. J’ai com­pris que, décidé­ment, les trot­skistes enkys­tés dans un rap­port fli­card au pou­voir me débec­taient absol­u­ment », Libéra­tion, 16 décem­bre 2013.

À la fin des années 80, avant d’entrer à Libéra­tion, il tra­vaille au cab­i­net min­istériel du fin­istérien, comme lui, Louis Le Pensec, min­istre des DOM-TOM et porte-parole du gou­verne­ment Rocard. En 2007, il avoue avoir voté Ségolène Roy­al, mais « à recu­lons ». À son grand regret, il estime que « le PS est inca­pable d’imaginer la société de l’après-travail et hausse les yeux au ciel quand on lui par­le semaine de qua­tre jours, revenu d’existence ou poli­tique indus­trielle ».

Il l’avoue lui-même : « je suis plus fait pour le jour­nal­isme que pour la poli­tique. J’aime regarder et racon­ter le pays tel qu’il est, ce qui à Libé, vous fait faire un peu de poli­tique. Mal­gré tous ses avatars, Libéra­tion a un impact poli­tique, plutôt à gauche, plutôt lib­er­taire en matière de thèmes de société ou de mœurs ».

Ce qu’il gagne

« Le salarié en fin de car­rière que je suis, gagne tou­jours 4 000 euros net aux­quels il faut ajouter entre 500 et 800 euros de piges ou de droits d’auteur selon les mois. Je finis de rem­bours­er un apparte­ment qui doit val­oir entre 600 et 700 000 euros. Ma Vol­vo break a désor­mais seize ans d’âge et mon dériveur con­tin­ue à moisir en bord de lac », Libéra­tion, 18 octo­bre 2015

Publications

Ancien du ser­vice des sports, Luc Le Vail­lant a pub­lié trois livres sur des « grands sportifs » : Yan­nick Noah, Michel Pla­ti­ni et Eric Cantona.

En 2010, il par­ticipe à Libéra­tion, por­traits 1994–2009 (La Table ronde), qui reprend une sélec­tion de por­traits parus dans Libéra­tion. Il récidive en 2014 avec Por­traits 2010–2014. « Recy­clant » égale­ment ses arti­cles, il pub­lie la même année, sous son nom cette fois-ci, La vie rêvée des filles (Fayard).

Sa nébuleuse

Marie Gui­choux, Philippe Lançon avec qui il lance le ser­vice por­trait. Pas­cale Niv­elle, Judith Per­rignon, Sab­ri­na Cham­p­enois, qui ont tra­vail­lé suc­ces­sive­ment dans le ser­vice. Quentin Girard qui y tra­vaille encore.

Il a dit

« Je voulais être Sartre, Moitessier ou Cohn-Ben­dit. Sartre, pour la fig­ure du philosophe engagé. Moitessier, pour les grands voy­ages autour du monde à la voile. Cohn-Ben­dit, pour la poli­tique, plutôt à gauche, sinon à l’extrême gauche, et, pour la révo­lu­tion des mœurs et de la société », cité par Gwé­naëlle Loaëc, Bre­tons, 1er juin 2009.

« Le numérique a foutu en l’air l’ensemble du sys­tème cul­turel et infor­ma­tion­nel. Et je suis con­tre le gra­tu­it pub. Il faut donc avoir une stratégie de développe­ment sur le papi­er et sur Inter­net, qui est l’avenir de la presse. Mais ce doit être un mod­èle payant, si on ne veut pas une presse aux ordres du marché pub­lic­i­taire. On sait que tout ça est frag­ile et peut dis­paraître. C’est une source de moti­va­tion et d’énergie », ibid.

« Je suis le gilet jaune. Je pre­nais la pous­sière sous le siège avant des voitures, en com­pag­nie du tri­an­gle de sig­nal­i­sa­tion et de l’éthylotest. Et me voilà devenu, moi le petit jaune, l’égal du bon­net rouge de 2013. Me voilà emblème d’une révolte pop­u­laire, incer­taine et revêche, d’une jacquerie de la province diesel con­tre les métrop­o­les qui reverdis­sent en trot­tinette […] Je suis en poly­ester, preuve que j’appartiens à cet ancien monde d’avant la COP 21, un monde qui pue, qui flat­ule et qui part faire des bulles dans les mers des Sar­gasses plas­ti­fiées. […]Je pèse 120 grammes et pour­tant je cause une men­ace poids lourds à un gou­verne­ment qui voy­age en Eurostar, petit télé­graphiste des exi­gences libérales et cos­mopo­lites de Brux­elles », Libéra­tion, Je suis le gilet jaune, 12/11/2018.

« Je suis le gilet jaune. Je suis le cousin ren­frogné et mal iden­ti­fié du gilet rouge que revê­tent les syn­di­cal­istes brûleurs de pneus aux portes des usines délo­cal­isées. Petit jaune, rouge sang, vert pétant ? Le mélange poli­tique et le mariage idéologique ne sont pas garan­tis. Et c’est tant mieux car ça pour­rait tir­er sur le brun », ibid.

« Le con­cept actuel le plus rétro­grade est sûre­ment celui de « zone grise ». En résumé, les femmes coucheraient par­fois sans envie réelle et le regret­teraient ensuite. Je vous ras­sure, les hommes aus­si… Elles seraient d’accord le soir, hési­tantes à minu­it et révul­sées au matin quand ce n’est pas dix ans après. Leur volon­té serait sujette à cau­tion pour cause d’emprise mas­cu­line immé­mo­ri­ale. Ce con­cept de zone grise est une cat­a­stro­phe. Il tru­cide la sal­va­trice notion de con­sen­te­ment. Il fait de toute rela­tion lue et approu­vée la veille, un viol poten­tiel le lende­main », Libéra­tion, 15/4/2019

« L’ennui, c’est que #MeToo a fait de l’intimité une hache de guerre, et de la divul­ga­tion des rela­tions refusées, un réc­it vic­ti­maire qui sat­ure l’espace com­mun. Com­ment sor­tir de cette impasse où cha­cun est réduit à sa car­i­ca­ture ? », ibid.

Ils ont dit de lui

« Il ne se lim­ite pas à van­ter la pros­ti­tu­tion, for­cé­ment une affaire d’adultes “con­sen­tants et autonomes”, à dénon­cer le “puri­tanisme” ou à déplor­er que l’homme soit devenu le “sexe affaib­li ” sous les coups des harpies fémin­istes », lesnouvellesnews.fr, 22 octo­bre 2013.

« Un homme au regard espiè­gle, gamin », Nico­las Demorand

« Un chef qui ne jouait jamais le chef, jamais dans le rap­port de force », Judith Perrignon

« Un jour­nal­iste drogué à l’actu, ni nar­cis­sique, ni théâ­tral », Sab­ri­na Cham­p­enois, jour­nal­iste au ser­vice por­trait, cité par Del­phine Le Goff, Stratégie Mag­a­zine 1695.

« Son style a un côté débor­dant, humide, un peu sexe, qui exas­père les puri­tains. Lui, rien ne l’agace plus que les pisse-froid, les peine-à-jouir », Philippe Lançon, cité par Del­phine Le Goff, Straté­gies Mag­a­zine 1695.

« La petite musique de l’an­tiracisme poli­tique iden­ti­tariste et anti-uni­ver­sal­iste ne cesse de grig­not­er des parts de marché dans la presse française. Et provoque, dans les rédac­tions, de sérieuses fauss­es notes entre les anciens du méti­er et les sup­posés « mod­ernes ». C’est le cas dans une de ses cathé­drales, Libéra­tion, où, en quelques années, l’équipe de jour­nal­istes s’est renou­velée du tout au tout, avec le départ de la qua­si-total­ité des « his­toriques » arrivés avant ou peu après 1981 », Mar­i­anne, 14/04/2019.

« En 2015, une fig­ure du jour­nal, Luc Le Vail­lant, ancien respon­s­able des por­traits de dernière page devenu chroniqueur, va l’ap­pren­dre à ses dépens. Il se livre à un exer­ci­ce déli­cat mais sincère, racon­tant l’in­quié­tude que lui a inspirée dans le métro la vision d’une jeune femme cou­verte d’une abaya noire. La bron­ca est énorme. Luc le Vail­lant est aus­sitôt exé­cuté par un arti­cle des Inrocks et nom­bre de ses col­lègues en interne », ibid.

« La non-mix­ité, c’est à dire le choix de ne pas admet­tre les hommes dans les ate­liers d’échanges, déjà, qui a encour­agé le jour­nal­iste Luc Le Vail­lant à se fendre d’un édi­to dans Libéra­tion le 15 avril. Un édi­to out­ragé, mais isolé. « La non-mix­ité, c’est en train de devenir banal » explique Marie, pigiste pour la presse audio­vi­suelle », Radio Par­leur, 16/04/2019, au sujet des États généraux des femmes jour­nal­istes… en non-mix­ité, et où les par­tic­i­pantes ont trin­qué « à la soror­ité des femmes jour­nal­istes ».

Crédit pho­to : cap­ture d’écran vidéo Édi­tions de la Table Ronde via Youtube (DR)