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GB News face à l’offensive de la gauche radicale : une bataille pour la liberté d’expression au Royaume-Uni

27 mai 2025

Temps de lecture : 6 minutes
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GB News face à l’offensive de la gauche radicale : une bataille pour la liberté d’expression au Royaume-Uni

Temps de lecture : 6 minutes

Depuis son lance­ment en 2021, GB News s’est imposée comme une véri­ta­ble anom­alie dans le paysage audio­vi­suel bri­tan­nique. Pre­mière chaîne d’in­for­ma­tion indépen­dante à voir le jour depuis des décen­nies, elle a voulu bous­culer l’ordre établi, rompant avec le con­sen­sus pro­gres­siste des grands médias. Mais ce posi­tion­nement dis­si­dent a un coût : la chaîne reste encore aujourd’hui la cible d’une cam­pagne poli­tique acharnée orchestrée par des groupes mil­i­tants de gauche rad­i­cale, avec l’engagement sans doute un peu trop mil­i­tant du régu­la­teur des médias, l’Ofcom.

Une campagne organisée contre GB News

En mars 2025, Ange­los Fran­gopou­los, directeur général de GB News, a dénon­cé publique­ment une « cam­pagne poli­tique coor­don­née menée par des groupes de pres­sion d’ex­trême gauche » con­tre la chaîne. Ces pro­pos fai­saient suite à l’ou­ver­ture par l’Ofcom d’une nou­velle enquête sur un épisode de l’émis­sion Head­lin­ers, ani­mée par le comé­di­en Josh Howie.

Lors de cette émis­sion, dif­fusée en jan­vi­er, Howie – dans un ton que lui-même qual­i­fie d’humoristique – a com­men­té la notion « d’in­clu­sion totale » de la com­mu­nauté LGBTQ+ en soulig­nant que cela inclu­rait « les pédophiles » si l’on pous­sait la logique à l’extrême. Et de fait, jusque dans les années 1990, l’International Les­bian and Gay Asso­ci­a­tion (ILGA), qui fédère des organ­i­sa­tions LGBT de dif­férents pays, comp­tait par­mi ses mem­bres des organ­i­sa­tions de pédophiles mil­i­tant pour la légal­i­sa­tion de leurs pra­tiques sex­uelles. Il n’empêche : l’Ofcom a alors lancé une nou­velle enquête con­tre GB News après avoir reçu plus de 1200 plaintes et le Good Law Project, un groupe mil­i­tant dirigé par Joly­on Maugh­am, a alors présen­té à l’autorité des médias une péti­tion de plus de 70 000 sig­na­tures, qual­i­fi­ant les pro­pos de la chaîne de « mythe empoi­son­né » et de « dis­cours de haine ».

Le groupe Stop Fund­ing Hate a immé­di­ate­ment emboîté le pas, appelant les parte­naires com­mer­ci­aux de la chaîne — notam­ment Sky, qui gère sa pub­lic­ité — à rompre les liens. Selon Fran­gopou­los, cette mobil­i­sa­tion reflète une volon­té claire de faire taire une voix indépen­dante. « Il est impor­tant de com­pren­dre que cette chaîne a fait l’ob­jet d’une cam­pagne poli­tique coor­don­née par des groupes de pres­sion d’ex­trême gauche. Leurs actions et leur lob­by­ing direct auprès de l’Of­com devraient inquiéter tous ceux d’en­tre nous qui croient en la lib­erté d’ex­pres­sion dans notre pays », a déclaré Fran­gopou­los, en ajoutant : « Ces groupes se par­ent des habits du “bien”, mais leurs actes sont motivés par la haine. »

Voir aus­si : Au Roy­aume-Uni, la chaîne anti-woke GB News con­firme son suc­cès après des débuts difficiles

L’Arcom britannique, arbitre ou instrument politique ?

Ce n’est pas la pre­mière fois que l’Ofcom se retrou­ve accusé de par­tial­ité dans sa ges­tion des plaintes con­tre GB News. Le régu­la­teur des médias a déjà recon­nu la chaîne coupable d’une douzaine d’infractions au code de la radiod­if­fu­sion, notam­ment pour avoir per­mis à des hommes poli­tiques (de droite), tels que Sir Jacob Rees-Mogg, un catholique libéral-con­ser­va­teur ouverte­ment hos­tile à l’avortement et à l’immigration de masse, de présen­ter des émis­sions. Pour­tant, en févri­er 2025, la Haute Cour a infligé un cam­ou­flet sévère à l’autorité régu­la­trice dont deux déci­sions con­tre GB News ont été jugées comme découlant d’une inter­pré­ta­tion abu­sive de la loi.

Dans son juge­ment (GB News Ltd v Ofcom, [2025] EWHC 460 (Admin)), la Haute Cour a souligné que l’Ofcom avait mal inter­prété la lég­is­la­tion et n’avait pas respec­té son devoir d’impartialité dans l’application des règles. Le tri­bunal a notam­ment estimé que le régu­la­teur avait adop­té une approche trop rigide, con­traire à l’équilibre entre la régu­la­tion des médias et la lib­erté d’expression.

Con­séquence immé­di­ate : Ofcom a dû annuler trois déci­sions précédem­ment ren­dues con­tre GB News, et aban­don­ner une enquête con­tre une émis­sion de Nigel Farage, ain­si que cinq autres émis­sions impli­quant des politi­ciens sur dif­férentes chaînes. Mais cela n’a pas empêché l’Ofcom d’infliger une amende record de 100 000 £ à GB News pour une émis­sion avec l’ancien Pre­mier min­istre Rishi Sunak, esti­mant que l’absence de con­tre­point équiv­alait à une vio­la­tion des règles d’impartialité. Il suf­fit pour­tant au téléspec­ta­teur bri­tan­nique de choisir n’importe quelle autre chaîne d’information avec sa télé­com­mande pour avoir le biais opposé, ce qui n’a jamais sem­blé déranger l’Ofcom.

Pressions internationales et embarras diplomatique

Les pra­tiques de l’Ofcom ne sus­ci­tent pas seule­ment des cri­tiques au Roy­aume-Uni. Out­re-Atlan­tique, la ges­tion de la lib­erté d’expression par le régu­la­teur bri­tan­nique com­mence à inquiéter. Le vice-prési­dent améri­cain JD Vance a récem­ment dénon­cé une « régres­sion inquié­tante de la lib­erté d’expression en Europe », citant explicite­ment les sanc­tions répétées con­tre GB News.

La ques­tion s’est même invitée dans les négo­ci­a­tions com­mer­ciales entre le Roy­aume-Uni et les États-Unis. Des respon­s­ables améri­cains ont exprimé leur préoc­cu­pa­tion quant aux nou­velles respon­s­abil­ités de l’Ofcom en tant que régu­la­teur d’Internet, craig­nant que cela n’ouvre la voie à une cen­sure légal­isée. L’Online Safe­ty Act 2023 ne se con­tente en effet pas d’apporter une pro­tec­tion bien­v­enue des mineurs con­tre l’accès aux sites pornographiques, mais il pré­tend réguler aus­si bien d’autres con­tenus. Une régu­la­tion exces­sive pour­rait, selon les Améri­cains, dis­suad­er les investisse­ments tech­nologiques et médi­a­tiques transatlantiques.

Inter­rogée par la com­mis­sion par­lemen­taire de la cul­ture, Dame Melanie Dawes, direc­trice générale de l’Ofcom, a ten­té de se défendre en affir­mant que la lib­erté d’ex­pres­sion restait « cen­trale à tout ce que fait l’organisation ». Mais elle a aus­si recon­nu que le régu­la­teur envis­ageait de dur­cir encore ses règles con­cer­nant l’apparition de politi­ciens à l’antenne, une mesure que Fran­gopou­los a qual­i­fiée de « coup de grâce pour les nou­veaux entrants » dans le secteur.

Une chaîne attaquée parce qu’elle dérange, mais défendue par une justice encore réellement indépendante

Le cas de GB News soulève une ques­tion cru­ciale : peut-on encore, au Roy­aume-Uni, pro­pos­er une lec­ture alter­na­tive de l’actualité sans subir de repré­sailles insti­tu­tion­nelles et mil­i­tantes ? La réponse ne sem­ble pas évi­dente, mais la déci­sion délivrée en févri­er par la Haute Cour illus­tre une indépen­dance de la jus­tice bri­tan­nique qui fait défaut en France. Ce qu’on peut encore une fois con­stater avec la fer­me­ture de la chaîne C8 sur la base d’une déci­sion de l’Arcom avec l’aval, sans sur­prise, d’un Con­seil d’État étroite­ment lié au pou­voir exé­cu­tif et qui, sous la prési­dence d’Emmanuel Macron, n’avait pas caché son inten­tion de faire taire non seule­ment C8 mais aus­si CNews.

En brisant l’uniformité idéologique du paysage audio­vi­suel bri­tan­nique, GB News a rem­pli une fonc­tion démoc­ra­tique essen­tielle. Mais au lieu de débat­tre de ses idées, ses détracteurs out­re-Manche préfèrent eux aus­si orchestr­er sa dis­pari­tion en usant des instru­ments du droit et de la pres­sion publique. Son lance­ment en 2021 avait d’ailleurs, rap­pelons-le, été l’occasion d’une cam­pagne de boy­cott pub­lic­i­taire comme celles que l’on con­naît en France con­tre les médias de droite avec l’action anti-lib­erté d’expression de groupes d’extrême gauche comme les Sleep­ing Giants.

Voir aus­si : L’ARCOM s’acharne sur CNews et Europe 1

Olivi­er Bault

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