Depuis son lancement en 2021, GB News s’est imposée comme une véritable anomalie dans le paysage audiovisuel britannique. Première chaîne d’information indépendante à voir le jour depuis des décennies, elle a voulu bousculer l’ordre établi, rompant avec le consensus progressiste des grands médias. Mais ce positionnement dissident a un coût : la chaîne reste encore aujourd’hui la cible d’une campagne politique acharnée orchestrée par des groupes militants de gauche radicale, avec l’engagement sans doute un peu trop militant du régulateur des médias, l’Ofcom.
Une campagne organisée contre GB News
En mars 2025, Angelos Frangopoulos, directeur général de GB News, a dénoncé publiquement une « campagne politique coordonnée menée par des groupes de pression d’extrême gauche » contre la chaîne. Ces propos faisaient suite à l’ouverture par l’Ofcom d’une nouvelle enquête sur un épisode de l’émission Headliners, animée par le comédien Josh Howie.
Lors de cette émission, diffusée en janvier, Howie – dans un ton que lui-même qualifie d’humoristique – a commenté la notion « d’inclusion totale » de la communauté LGBTQ+ en soulignant que cela inclurait « les pédophiles » si l’on poussait la logique à l’extrême. Et de fait, jusque dans les années 1990, l’International Lesbian and Gay Association (ILGA), qui fédère des organisations LGBT de différents pays, comptait parmi ses membres des organisations de pédophiles militant pour la légalisation de leurs pratiques sexuelles. Il n’empêche : l’Ofcom a alors lancé une nouvelle enquête contre GB News après avoir reçu plus de 1200 plaintes et le Good Law Project, un groupe militant dirigé par Jolyon Maugham, a alors présenté à l’autorité des médias une pétition de plus de 70 000 signatures, qualifiant les propos de la chaîne de « mythe empoisonné » et de « discours de haine ».
Le groupe Stop Funding Hate a immédiatement emboîté le pas, appelant les partenaires commerciaux de la chaîne — notamment Sky, qui gère sa publicité — à rompre les liens. Selon Frangopoulos, cette mobilisation reflète une volonté claire de faire taire une voix indépendante. « Il est important de comprendre que cette chaîne a fait l’objet d’une campagne politique coordonnée par des groupes de pression d’extrême gauche. Leurs actions et leur lobbying direct auprès de l’Ofcom devraient inquiéter tous ceux d’entre nous qui croient en la liberté d’expression dans notre pays », a déclaré Frangopoulos, en ajoutant : « Ces groupes se parent des habits du “bien”, mais leurs actes sont motivés par la haine. »
Voir aussi : Au Royaume-Uni, la chaîne anti-woke GB News confirme son succès après des débuts difficiles
L’Arcom britannique, arbitre ou instrument politique ?
Ce n’est pas la première fois que l’Ofcom se retrouve accusé de partialité dans sa gestion des plaintes contre GB News. Le régulateur des médias a déjà reconnu la chaîne coupable d’une douzaine d’infractions au code de la radiodiffusion, notamment pour avoir permis à des hommes politiques (de droite), tels que Sir Jacob Rees-Mogg, un catholique libéral-conservateur ouvertement hostile à l’avortement et à l’immigration de masse, de présenter des émissions. Pourtant, en février 2025, la Haute Cour a infligé un camouflet sévère à l’autorité régulatrice dont deux décisions contre GB News ont été jugées comme découlant d’une interprétation abusive de la loi.
Dans son jugement (GB News Ltd v Ofcom, [2025] EWHC 460 (Admin)), la Haute Cour a souligné que l’Ofcom avait mal interprété la législation et n’avait pas respecté son devoir d’impartialité dans l’application des règles. Le tribunal a notamment estimé que le régulateur avait adopté une approche trop rigide, contraire à l’équilibre entre la régulation des médias et la liberté d’expression.
Conséquence immédiate : Ofcom a dû annuler trois décisions précédemment rendues contre GB News, et abandonner une enquête contre une émission de Nigel Farage, ainsi que cinq autres émissions impliquant des politiciens sur différentes chaînes. Mais cela n’a pas empêché l’Ofcom d’infliger une amende record de 100 000 £ à GB News pour une émission avec l’ancien Premier ministre Rishi Sunak, estimant que l’absence de contrepoint équivalait à une violation des règles d’impartialité. Il suffit pourtant au téléspectateur britannique de choisir n’importe quelle autre chaîne d’information avec sa télécommande pour avoir le biais opposé, ce qui n’a jamais semblé déranger l’Ofcom.
Pressions internationales et embarras diplomatique
Les pratiques de l’Ofcom ne suscitent pas seulement des critiques au Royaume-Uni. Outre-Atlantique, la gestion de la liberté d’expression par le régulateur britannique commence à inquiéter. Le vice-président américain JD Vance a récemment dénoncé une « régression inquiétante de la liberté d’expression en Europe », citant explicitement les sanctions répétées contre GB News.
La question s’est même invitée dans les négociations commerciales entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Des responsables américains ont exprimé leur préoccupation quant aux nouvelles responsabilités de l’Ofcom en tant que régulateur d’Internet, craignant que cela n’ouvre la voie à une censure légalisée. L’Online Safety Act 2023 ne se contente en effet pas d’apporter une protection bienvenue des mineurs contre l’accès aux sites pornographiques, mais il prétend réguler aussi bien d’autres contenus. Une régulation excessive pourrait, selon les Américains, dissuader les investissements technologiques et médiatiques transatlantiques.
Interrogée par la commission parlementaire de la culture, Dame Melanie Dawes, directrice générale de l’Ofcom, a tenté de se défendre en affirmant que la liberté d’expression restait « centrale à tout ce que fait l’organisation ». Mais elle a aussi reconnu que le régulateur envisageait de durcir encore ses règles concernant l’apparition de politiciens à l’antenne, une mesure que Frangopoulos a qualifiée de « coup de grâce pour les nouveaux entrants » dans le secteur.
Une chaîne attaquée parce qu’elle dérange, mais défendue par une justice encore réellement indépendante
Le cas de GB News soulève une question cruciale : peut-on encore, au Royaume-Uni, proposer une lecture alternative de l’actualité sans subir de représailles institutionnelles et militantes ? La réponse ne semble pas évidente, mais la décision délivrée en février par la Haute Cour illustre une indépendance de la justice britannique qui fait défaut en France. Ce qu’on peut encore une fois constater avec la fermeture de la chaîne C8 sur la base d’une décision de l’Arcom avec l’aval, sans surprise, d’un Conseil d’État étroitement lié au pouvoir exécutif et qui, sous la présidence d’Emmanuel Macron, n’avait pas caché son intention de faire taire non seulement C8 mais aussi CNews.
En brisant l’uniformité idéologique du paysage audiovisuel britannique, GB News a rempli une fonction démocratique essentielle. Mais au lieu de débattre de ses idées, ses détracteurs outre-Manche préfèrent eux aussi orchestrer sa disparition en usant des instruments du droit et de la pression publique. Son lancement en 2021 avait d’ailleurs, rappelons-le, été l’occasion d’une campagne de boycott publicitaire comme celles que l’on connaît en France contre les médias de droite avec l’action anti-liberté d’expression de groupes d’extrême gauche comme les Sleeping Giants.
Voir aussi : L’ARCOM s’acharne sur CNews et Europe 1
Olivier Bault