Convoquées par la commission de la culture du Sénat, Sybille Veil (Radio France) et Delphine Ernotte (France Télévisions) ont dû s’expliquer sur l’impartialité, la gestion financière et la légitimité du service public audiovisuel. Ces auditions, déclenchées par un rapport accablant de la Cour des comptes, ont révélé un système coûteux, contesté et idéologiquement verrouillé.
Ces auditions croisées, menées les 7 et 8 octobre 2025 par la commission de la culture du Sénat, présidée par le centriste Laurent Lafon, faisaient suite à un rapport de la Cour des comptes du 23 septembre 2024 alertant sur la « situation financière critique » de France Télévisions et sur la dérive budgétaire globale de l’audiovisuel public.
Les sénateurs ont voulu comprendre comment les deux principales dirigeantes de l’audiovisuel public ont pu laisser s’envenimer à la fois la situation financière et la défiance du public. Car avec près de 4 milliards d’euros de budget annuel, dont l’essentiel provient des impôts, la question de la rentabilité, de la transparence et du pluralisme se pose avec acuité.
Radio France sur la défensive : impartialité et « baromètre de la pluralité »
Sybille Veil, PDG de Radio France, a longuement tenté de désamorcer la polémique Legrand-Cohen, dans laquelle deux figures de France Inter ont été accusées de collusion politique avec des responsables socialistes.
Face aux sénateurs, elle a dénoncé une « campagne de dénigrement » et annoncé la création d’un baromètre à l’aide d’outils d’intelligence artificielle. Objectif affiché : démontrer la diversité des invités et des thèmes traités sur les antennes.
Mais derrière l’affichage technocratique, la question de fond demeure : peut-on encore parler de pluralisme sur des antennes où la pensée dominante s’impose sans contrepoids ? Le rapporteur LR Cédric Vial a résumé la tension : « Le service public doit garantir l’indépendance à l’égard des partis politiques, pas se faire leur prolongement éditorial. »
Voir aussi : Quand le président de l’ARCOM reconnaît le manque d’impartialité du service public
France Télévisions : entre justification morale et naufrage financier
Le lendemain, Delphine Ernotte a défendu la « légitimité » du service public face aux attaques venues de la droite sénatoriale. La dirigeante a revendiqué « l’impartialité et la créativité » de ses chaînes, tout en s’en prenant à CNews qu’elle qualifie de « chaîne d’opinion ».
Mais c’est surtout la situation budgétaire qui a fait grincer des dents : la Cour des comptes évoque une entreprise « dos au mur », avec un déficit cumulé de plus de 80 millions d’euros, des frais de mission démesurés (3,8 millions d’euros en taxis en 2024, soit plus de 10 000 € par jour !) et un train de vie jugé incompatible avec les exigences de rigueur imposées au reste de la sphère publique.
Un service public sous tutelle politique
Ces auditions révèlent un audiovisuel public fragilisé par ses contradictions : proclamant son indépendance tout en dépendant entièrement de la puissance publique, défendant son impartialité tout en partant en croisade contre Vincent Bolloré et assumant des biais éditoriaux manifestes.
Dans un contexte de fusion reportée entre France Télévisions et Radio France et de critiques croissantes sur le « monopole moral » de la gauche culturelle, le Sénat a rappelé un principe élémentaire : la liberté d’information n’est pas synonyme d’immunité politique.
Voir aussi : Réactions en chaîne, le service public audiovisuel sous pression
Rodolphe Chalamel


















