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Quand Marion Maréchal enflamme les salles de rédaction

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4 juillet 2019

Temps de lecture : 5 minutes
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Quand Marion Maréchal enflamme les salles de rédaction

Temps de lecture : 5 minutes

En France, le parti des médias politiquement corrects panique vite. Il suffit même parfois d’un dîner en ville ou d’une invitation à une table ronde du MEDEF pour qu’une épidémie d’accidents cardiovasculaires menace les salles de rédaction. C’est ce qui arrivé fin juin 2019.

Que les médias français soient peu indépen­dants, tant économique­ment qu’idéologiquement, la preuve n’est plus à pro­duire. C’est un fait dont par­lent nom­bre de jour­naux étrangers, ain­si le lon­donien The Spec­ta­tor dans son édi­tion du 27 mai 2019, au sujet des élec­tions Européennes :

« La flagorner­ie et la lâcheté de nom­breux médias français et des pro­pres cour­tisans de Macron sont bien con­nues, mais les con­tor­sions aux­quelles ils se sont livrés pour défendre le prési­dent sont vrai­ment excep­tion­nelles (…) Cette volon­té [de BFM] d’ignorer la défaite du prési­dent s’est rapi­de­ment propagée à d’autres médias parisiens proches de l’élite (…) Tout cela est ridicule. Le prési­dent a per­du les élec­tions (…) C’est seule­ment dans les médias français que sa défaite sur tous les fronts est passée inaperçue ».

Nor­mal, d’une cer­taine manière : ces médias sont entre les mains de peu de groupes ayant des intérêts com­muns à défendre, intérêts qui rejoignent l’idéologie au pou­voir dans les bureaux des prin­ci­paux médias : gloire à « la société ouverte » en tous les domaines, mais surtout entre potes. Tout cela peut par­fois attein­dre le ridicule.

Tu ne t’approcheras pas d’autrui !

Ce fut le cas au sujet d’un dîn­er en ville auquel par­tic­i­pait Mar­i­on Maréchal mar­di 25 juin 2019 et à pro­pos d’une invi­ta­tion, adressée à la jeune femme, à par­ticiper à une table ronde con­sacrée au pop­ulisme lors de la prochaine uni­ver­sité d’été du MEDEF, crime de lèse poli­tique­ment cor­rect révélé comme une bombe médi­a­tique le jeu­di 27 jan­vi­er. Il n’y a évidem­ment en tout cela pas de quoi fou­et­ter un chat, cha­cun devrait con­venir, à l’image de l’écrivain et philosophe Raphaël Enthoven, peu sus­pect de sym­pa­thie à l’égard des opin­ions poli­tiques et socié­tales de Mar­i­on Maréchal, qu’il a juste­ment l’intelligence de con­sid­ér­er pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des opin­ions par­faite­ment audi­bles dans le pays dit des droits de l’homme et du citoyen. L’ancien ani­ma­teur quo­ti­di­en des « Chemins de la philoso­phie » sur France Cul­ture con­tribue main­tenant au Point, mag­a­zine dans lequel il ne prend pas la défense des idées de Mar­i­on Maréchal mais en appelle à la plus élé­men­taire des raisons : que l’expression poli­tique soit libre dans une démocratie.

Il écrit, au sujet de l’invitation, finale­ment annulée en rase cam­pagne par le MEDEF dès le 28 juin :

C’est « une opéra­tion qui sera portée au crédit de Mar­i­on Maréchal. Le RN prospère sur le sen­ti­ment que les « nan­tis », les « élites », les « puis­sants » s’entendent et se coalisent aux dépens des dému­nis dont les représen­tants du RN seraient, eux, les ambas­sadeurs. Aucune palin­odie ne donne davan­tage ce sen­ti­ment que ce que vient de faire le patron du Medef. (…) On accrédite et on ancre dans les con­sciences le sen­ti­ment que le RN dérange, que son analyse est per­ti­nente et que ceux qui ne veu­lent pas l’entendre ont peur de ce qu’il a à dire » (…) « les nos­tal­giques du front répub­li­cain sont sur un récif et regar­dent pass­er le courant. Cette stratégie moral­isatrice a fait la preuve de son inef­fi­cac­ité. » (…) « refuser d’entendre la parole de celles qui captent l’audience des mécon­tents, c’est aug­menter leur audi­ence ».

Il a rai­son, Raphaël, cette affaire mon­tre bel et bien la réal­ité de la col­lu­sion des élites auto­proclamées. Bien sûr, Enthoven se pose en opposant des con­cep­tions de Mar­i­on Maréchal, et c’est bien son droit, ce même droit que refusent les rédac­tions parisi­ennes à qui ne pense pas comme elles.

Tu ne dîneras pas en ville !

Le mar­di 25 juin 2019, Mar­i­on Maréchal dînait donc avec une quin­zaine d’élus LR, à l’instigation de Jacques de Guille­bon, rédac­teur en chef de L’Incorrect, et d’Erik Teg­n­er, jeune LR, prési­dent de Racines d’avenir. De quoi s’agit-il ?

  • « Faut-il dîn­er avec le dia­ble ? », France Cul­ture
  • « Pays de la Loire : la prési­dente de région va con­vo­quer Sébastien Pilard après sa ren­con­tre avec Mar­i­on Maréchal », France bleu.
  • « Un dîn­er autour de Mar­i­on Maréchal sème la zizanie chez LR », TV5Monde
  • « Quand Le Figaro racon­te le dîn­er de Mar­i­on Maréchal avec des sec­onds couteaux de la droite », Libéra­tion
  • « Le pre­mier faux pas de Roux de Bézieux » Le Monde
  • « Medef, l’invitée de trop ? », Lau­ra Berny, L’Opinion
  • « Gérard Larcher met en garde les LR ayant dîné avec Mar­i­on Maréchal », Paris Match

Cette dernière inter­ven­tion mérite d’être remar­quée : Gérard Larcher est le prési­dent du Sénat, l’homme qui rem­plac­erait le prési­dent de la république si ce dernier était empêché. Dans sa déc­la­ra­tion, il men­ace les con­vives d’exclusion. Que de tels per­son­nages poli­tiques soient à ce point éloignés des valeurs qu’ils sont cen­sés défendre, du fait de leur fonc­tion, en dit long.

Toute aus­si angois­sée est la réac­tion de LREM et des médias qui lui sont proches une fois con­nue l’invitation de Mar­i­on Maréchal, pour une table ronde con­sacrée au pop­ulisme. Pour les min­istres et députés LREM (Elis­a­beth Borne, François de Rugy, Roland Les­cure), ample­ment relayés par les médias, cette invi­ta­tion n’est pas admis­si­ble et l’annuler serait la « meilleure déci­sion » (François de Rugy sur Fran­ce­in­fo).

Ce sont donc les élus LREM, les min­istres du gou­verne­ment et quelques médias qui déci­dent de qui peut ou non être invité par un syn­di­cat indépen­dant. Con­trôler les dîn­ers en ville et les invi­ta­tions, cela ressem­ble à ce dont les démoc­ra­ties dites « illibérales » sont accusées (à tort) chaque jour par les grands médias. Cherchez l’erreur.

Crédit pho­to : Gage Skid­more via Flickr (cc)

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