La « mamie rock » de France Inter
Après huit ans à la tête d’une institution sacrée « première radio de France » par Médiamétrie, Laurence Bloch quitte en 2022 la direction de France Inter après une saison marquée par l’élection présidentielle. Si plusieurs candidats étaient en lice pour remplacer la « mère supérieure », promotrice d’un « progressisme » « plutôt sociétal », qui avait souhaité accentuer la présence féminine à l’antenne de France Inter, c’est bien une femme qui lui succède, Adèle Van Reeth, comme annoncé le 23 février 2022 par Sibyle Veil. Pour sa part, Laurence Bloch prend la tête des antennes et de la stratégie de Radio France à la rentrée 2022. Conseillère de Rachida Dati, en octobre 2025, elle affirme sans vergogne et sans rire que « le service public est pluraliste ».
Origines et formations
Née le 30 août 1952 à Boulogne-Billancourt, Laurence Emilie Joëlle Bloch est la fille de Claude Bloch, chef d’entreprise, centralien, juif, et Huguette Louvadoux, catholique auvergnate. Elle fait ses études au sein des universités de Lille-III Charles de Gaulle et Paris-II Panthéon Assas. Titulaire d’une licence de droit public et d’une licence d’anglais, elle est aussi diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Elle a néanmoins échoué au concours de l’ENA.
Parcours professionnel
En 1974, c’est à l’occasion d’un stage à France Inter, qu’elle se découvre une passion pour la radio, dont elle deviendra quelques décennies plus tard la Directrice. Elle avait choisi ce stage long à la poursuite de ses études « dans une prestigieuse école de relations internationales aux Etats-Unis. »
De 1980 à 1985, Laurence Bloch est journaliste aux « Matinales » de France Culture.
De 1985 à 1986, elle est correspondante pour RFI et pour La Croix en Afrique australe.
Parallèlement, de 1986 à juin 1989, elle est productrice-coordinatrice de l’émission Le Pays d’ici à France Culture.
De juin 1989 à juillet 1994, elle est conseiller de programmes à la direction.
De juillet 1994 à septembre 1999, elle est adjointe pour les programmes au Directeur de France Culture, Jean-Marie Borzeix.
De septembre 1999 (ou 1997 selon les sources) à juillet 2001, elle est productrice de l’émission Vif du sujet.
De juillet 2001 au 4 mai 2010, elle est directrice adjointe de France Culture et chargée des programmes. Pendant sa carrière à France Culture, elle sera souvent appelée pour seconder les directeurs ; parmi les quatre directeurs épaulés, elle a secondé Laure Adler et David Kessler.
Du 4 mai 2010 au 22 mai 2014, elle est directrice adjointe de France Inter, responsable de l’antenne. D’anciens journalistes indiquent que c’est pour « aider Philippe Val, un peu perché et désorganisé [et parce qu’elle] avait montré de grandes capacités d’adaptation à France Culture » qu’elle y sera appelée. Dans ce contexte, elle ne s’élèvera pas contre la mise à pied de Stéphane Guillon et Didier Porte en 2010.
Le 22 mai 2014, elle prend la direction de France Inter. Son arrivée à la radio est marquée par la naissance d’émissions désormais emblématiques pour celle-ci (L’instant M de Sonia Devillers, La terre au carré de Mathieu Vidard, Par Jupiter ! de Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek).
Accusée d’avoir déclaré la guerre, à la manière de Delphine Ernotte, aux « hommes blancs de plus de 50 ans », elle féminise la radio en préférant y intégrer des personnalités comme Charline Vanhoenacker à Daniel Mermet ou Léa Salamé à Ivan Levaï. Elle s’occupe de tous les échelons à France Inter et délègue peu de compétences. Elle invitera ses journalistes à être « punk », à « se méfier » d’eux-mêmes et à « arrêter de vouloir faire chic, c’est une tare de France Inter ». Elle se teint les cheveux en rouge à chaque bonne nouvelle de Médiamétrie. Elle quitte la direction de France Inter pour prendre celle de Radio France à la rentrée 2022, remplaçant Dana Hastier. En parallèle elle se rapproche de Rachida Dati, devenue un peu plus tard ministre de la Culture.
Laurence Bloch a travaillé avec la ministre de la Culture, Rachida Dati, de mars à juin 2025 sur son projet de réforme de l’audiovisuel public qui vise à créer une holding regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA. L’ancienne directrice de France Inter estime, dans un rapport remis en juin 2025, que cette fusion permettrait de réaliser 10 millions d’euros d’économies annuellement.
Elle est aussi administratrice du Théâtre de la Ville.
Vie privée
Dans sa jeunesse, elle fréquente le Palace, avec son amie, l’actrice Clémentine Célarié.
Après avoir rencontré en 1981, à l’occasion d’un reportage, son futur mari dénommé Paul, elle fait une parenthèse de deux ans dans sa carrière à Radio France en se rendant au Zimbabwe pour le suivre. Son mari meurt brutalement en 2016.
Publications
- Radioactive, paru aux éditions Stock le 8 octobre 2025, ce livre relate son parcours d’un demi-siècle à Radio France, de ses débuts comme stagiaire à France Culture jusqu’à son rôle de directrice des antennes.
Salaire
Le salaire de Laurence Bloch n’est pas renseigné. Néanmoins, le salaire de son prédécesseur, qui prit la direction de France Inter le 12 mai 2009, était, pour l’année 2009, de 13.412 euros bruts mensuels – sans que l’on sache s’il s’agissait de son emploi à France Inter ou son précédent emploi. Par déduction, il n’est pas déraisonnable de penser que le salaire de Laurence Bloch s’apparentât à cette somme.
Distinctions
Elle aurait gagné le Prix du Comité français pour l’audiovisuel dans la catégorie Meilleure émission de radio pour le Pays d’ici, sur France Culture, en 1997.
En 2007, elle fait partie de la liste des « nommés ou promus au grade d’officier dans l’ordre des Arts et des Lettres ».
Elle est décorée Chevalier de l’Ordre National du Mérite en 2012 en qualité de directrice adjointe des programmes d’une chaîne de radio, pour ses 33 ans de services.
En 2016, elle fait partie de la liste des « nommés ou promus au grade de commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres ».
En 2019, elle reçoit le prix de Femme des médias de l’année.
Elle l’a dit
« Gérer la grille des programmes, c’est comme être un metteur en scène avec une troupe.», Stratégies, 10/03/2011.
« C’est bizarre la France. On adore Omar Sy et on vote Front national. Il faut que l’on comprenne ça ! », La Libre.be, 15/09/2014.
« On dit que je suis une femme autoritaire, eh bien c’est vrai ! », Le Parisien, le 05/05/2019.
« Personne n’est venu me chercher et personne ne m’a mise à la porte. », Le Figaro, 18/04/2019.
« J’ai travaillé en duo avec des patrons très différents, mais avec qui j’étais toujours en admiration totale », Le Parisien, le 05/05/2019.
« Nous ne sommes pas là pour effrayer la population […] Votre émission [ndlr. « Comme un bruit qui court »] ressemble à un tract de la CGT [Confédération générale du travail]. Quand je l’entends, j’éteins. », rapporté dans Le Monde diplomatique, août 2020.
« Ne jamais être là où on vous attend, savoir écouter puis savoir trancher, offrir aux artistes et aux intellectuels un espace de liberté, considérer que les auditeurs sont les seuls juges de paix pour dire la réussite d’une antenne sont les choses que [Jean-Marie Borzeix] m’a appris en 9 ans d’une collaboration intense et toujours bienveillante. », culture.gouv.fr, 07/03/2021.
« Quand j’ai été nommée à la tête de France Inter en 2014, j’avais en tête une conviction très forte : la chaîne généraliste de service public de la radio devait être ancrée très fortement dans son époque, être le relais des préoccupations et des évolutions de la société française, se faire l’écho de la création contemporaine […]… bref qu’elle soit une chaîne résolument et joyeusement moderne, intergénérationnelle et inclusive », culture.gouv.fr, 07/03/2021.
« Il faut rattraper les CSP‑, ces gens qui n’ont pas un patrimoine culturel suffisant pour être en tranquillité avec ce monde. », France Inter, 21/10/2025. Cette phrase a provoqué beaucoup d’émoi sur les réseaux sociaux et de réactions outrées accusant Laurence Bloch de faire preuve de mépris social.
« La chronique de Patrick, ça dit tout de l’audiovisuel public, c’est-à-dire que nulle part ailleurs vous n’avez cette profondeur de champ ! … Que des mecs : à l’antenne, au management, décisionnaires : les femmes c’était des sténos, elles étaient assises sur leurs chaises et elles tapaient les papiers de ces messieurs qui n’étaient jamais prêts à l’heure et qui les engueulaient… Mais si tout d’un coup les voix de France Télé et de Radio France disparaissaient, où est-ce qu’on retrouverait toutes ces émissions qui nous donnent le sentiment d’être un peu plus à l’aise dans ce monde qui est compliqué, où est-ce qu’on retrouverait des émissions d’économie, où est-ce qu’on retrouverait des émissions de géopolitique, où est-ce qu’on retrouverait des émissions de science ? Nulle part ailleurs… Qu’on vienne pas nous expliquer quand même qu’il n’y a pas de pluralisme sur le service public… Je pense que le jour où il n’y aura plus d’audiovisuel public, ce pays sera un pays moins tranquille et plus difficile à vivre. », France Inter, 21/10/2025.
Ils l’ont dit
« Elle est parfois sans états d’âme et a un sens aigu du rapport de forces. Il y a une vraie trouille chez les producteurs de France Inter» (Jean-Paul Quennesson, délégué syndical SUD à Radio France », Stratégies, 10/03/2011.
« Elle incarne, par sa générosité, son intelligence humaine, son énergie et sa créativité et le respect qu’elle inspire dans son équipe comme dans l’ensemble du monde audiovisuel français et européen, l’exemplarité pour les femmes dans les Médias », mention de son prix Pour les femmes dans les médias, 2019.
« Merci Laurence Bloch, ce succès nous vous le devons. Laissez-moi vous dire que vous n’êtes pas facile tous les jours. Mais nous non plus! », Nicolas Demorand, le 18/04/2019, cité dans Le Parisien, 05/05/2019.
« Laurence est hyper respectée par les équipes car c’est une vraie femme de radio. Avant de devenir directrice, elle a fait à peu près tous les métiers, journaliste, présentatrice… Elle a une écoute incroyable. », Augustin Trapenard, cité dans Le Parisien, 05/05/2019.
« Ma relation avec Laurence Bloch dépasse largement le cadre professionnel. Nous sommes très très proches. Et quand on se voit, on parle assez peu de radio. », Nicolas Demorand cité dans Le Parisien, 05/05/2019.
« Elle est adorable avec ses proches. Mais elle a ses têtes. Notamment avec les femmes. Et pour elles, ce n’est pas facile », anonyme, cité dans Le Parisien, le 05/05/2019.
« C’est une grande pro, une bosseuse, mais elle peut être très dure car elle fonctionne à l’affect », Frédéric Schlesinger, cité dans Le Parisien, le 05/05/2019.
« Soyons clairs, tout le succès d’Inter lui revient. Elle a bâti cette grille et a su la faire monter en puissance », Léa Salamé, Le Figaro, 18/04/2019.












