Les médias rêvaient d’un pape africain. Ou originaire du « Sud global ». En tout cas pas de l’une des grandes puissances. L’élection de Léon XIV à la tête du Vatican dépasse toutes leurs espérances, et l’on se demande si certains ne sont pas sur le point de se convertir face à un tel miracle.
Léon XIV, le pape du monde
Au fil des différents portraits de Léon XIV, est une certitude se dessine : avec lui, l’Eglise sera universelle. Robert Francis Prevost, quoiqu’étasunien, fut évêque au Pérou. Etienne de Montety affirme dans le Figaro Vox qu’il « a aujourd’hui le monde pour diocèse », et on comprend qu’il s’est préparé depuis longtemps à ce changement d’échelle. Le Figaro note parmi ses atouts « sa double nationalité, américaine de naissance, péruvienne pour les nécessités de ses longues missions dans ce pays d’Amérique latine, ses origines complexes, pour partie haïtienne », ainsi que sa maîtrise de l’anglais et de l’espagnol. Un homme « qui résumait dans sa personne toute l’Amérique, du nord au sud, et dans son identité de religieux augustin toute l’Église catholique. »
Bref, Léon XIV est l’unité faite homme. Sur RFI, Jean-Baptiste Placa note que Léon XIV est « un authentique citoyen du monde », « subtil trait d’union entre les peuples et divers mondes », « hymne à la tolérance, à l’ouverture ». Les origines de sa mère sont « élevées au rang de « don du ciel », car Léon XIV « pourrait aussi être un lointain descendant d’esclaves, et le premier pape ayant une ascendance africaine depuis le Vᵉ siècle ». Il s’agirait d’un « pape migrant, aussi, quelque part. » Une description qui tient plus de la louange que de l’article de presse, ce qui étonne pour une chaîne peu connue pour sa religiosité.
Le Vatican répond à l’Occident
Jean-Baptiste Placa estime également sur RFI que l’histoire de Léon XIV « interpelle les champions de l’intolérance et du rejet de toute différence. » Le Dauphiné Libéré, lui, rapporte les mots d’une travailleuse sociale selon qui cette élection « est un pied de nez à Donald Trump qui soutenait un autre cardinal américain plus conservateur ». Le Parisien note que Léon XIV est « un Américain atypique, en désaccord public avec la politique de son pays natal. » En fait de désaccord public, les médias ne s’appuient guère que sur un message, posté sur X en 2022. Alors que J.D. Vance, actuel vice-président des États-Unis, expliquait que la charité chrétienne devait aller vers ses proches et ses concitoyens, et ensuite seulement vers les étrangers, en vertu du précepte « ordo amoris », celui qui était à l’époque le cardinal Robert Prevost avait répondu : « JD Vance a tort : Jésus ne nous demande pas de hiérarchiser notre amour pour les autres. » En-dehors de cette phrase lapidaire, la moisson est maigre. France 24 reconnaît que « Robert Prevost a eu ces dernières années une activité très sporadique sur X, où il se contente de reposter des messages ou de renvoyer vers des sites internet. »
Quand les médias ne tarissent pas d’éloges
« Un élève prometteur » pour le Dauphiné Libéré, qui cite tous ceux qui ont connu Léon XIV et le décrivent comme « extraordinairement gentil et constant dans son attention aux autres », « très intelligent et le premier de la classe », « très ouvert d’esprit », « bon leader ». « Léon XIV est une cinglante interpellation à tout ce que proclament les plus intolérants des dirigeants du monde d’aujourd’hui », affirme Jean-Baptiste Placa selon qui « même les non-croyants pourraient croire que le Saint-Esprit s’est effectivement mêlé de l’élection de ce pape. » En un mot comme en mille, pour satisfaire un Occident friand de multiculturalisme, le Vatican ne pouvait pas trouver mieux que Léon XIV. Il est d’ailleurs amusant que des médias rompus à l’antiracisme retiennent d’un pape ses origines avant ses prises de position.
Les faux pas de Léon XIV au Vatican
Léon XIV est multiculturel, c’est un don du ciel. Il s’intéresse aux pauvres, c’est magnifique. Mais tout de même, certains points ont tendance à gêner, notamment son goût pour les traditions. Si la presse généraliste est pour le moment unanimement conquise par le nouveau pontife, la presse d’extrême-gauche donne un autre son de cloche, qui pourrait bien se propager dans les prochains mois. Blast, média en ligne d’extrême-gauche, note ainsi le retour des vêtements d’apparat, mais surtout « un signal fort adressé aux traditionalistes », avec une partie de son homélie lue en latin. De plus, Léon XIV vivra au palais du Vatican plutôt que dans « la résidence Sainte-Marthe, ce bâtiment simple où François s’était établi depuis 2013 et où il prenait ses repas à la cantine avec le personnel ».
Vivre au Vatican, nouveau péché mortel
Ce dernier choix sera peut-être pour certains médias le péché originel de Léon XIV. Blast décrit le palais du Vatican comme une « résidence de 55 000 mètres carrés où se trouve la Chapelle sixtine », et précise qu’il « est le plus grand palais habité du monde, avec ses 1400 pièces, ses fresques de Raphaël, sa salle de réception de 34 mètres de long pour 33 mètres de haut et son immense porte d’entrée en bronze. » Blast oublie de dire qu’une bonne partie de ce fastueux palais est ouverte aux touristes ou utilisée pour la gouvernance de l’Eglise. Il n’est pas uniquement constitué d’une cinquantaine de salles de bains à l’usage exclusif du pape. « L’époque semble bien lointaine où Robert Prevost allait dormir dans des villages des hauts plateaux andins ou d’Amazonie quand il vivait au Pérou et se déplaçait à cheval », regrette Blast.
Voir aussi : Le pape Léon XIV… Qu’en dire ?
Adélaïde Hecquet