Le pape est mort, vive le pape ! Mais pas n’importe lequel.
Les médias de grand chemin espèrent un pape du même ordre que François, et s’ingénient à montrer que c’est là ce qu’attend le monde, et surtout le monde catholique.
Les médias veulent un progressiste. Les catholiques, c’est moins sûr
« De New York à Accra, les catholiques aspirent à la continuité au Vatican » : l’article du Monde est on ne peut plus clair, et il l’est à bien des endroits. « Les fidèles à travers le monde expriment leur souhait de voir le successeur de François incarner une Église plus inclusive », affirme le quotidien, bien obligé toutefois de reconnaître que cette politique inclusive contiendrait tout de même « une ligne conservatrice sur la morale sexuelle, notamment, ou le mariage des prêtres ». Une demande de progressisme qui « sonne comme un cri du cœur, presque une prière ». Sachant que lorsqu’on poursuit l’article, il semble que les fidèles cherchent avant tout un pape orienté vers les pauvres et la charité. Le Monde publie également une interview de Robert Ageneau, ancien prêtre qui affirme que « il est urgent de réformer, voire d’abolir, la papauté ». Quant à Olivier Roy, politologue, il estime devant Les Échos que « le conclave ne peut pas nommer le ‘contraire de François’, car cela voudrait dire que le Saint-Esprit ne sait pas ce qu’il veut. » Selon lui, le Vatican n’a guère d’autre choix que de nommer un pape plus progressiste ou, à la rigueur, « un candidat centriste un peu plus conservateur que son prédécesseur. »
La plaisanterie qu’on ne pardonne pas à Donald Trump
Face à ces espoirs se trouvent les politiques. D’un côté, on trouve Donald Trump. Fidèle à sa réputation, le président américain a publié une photo de lui en pape.
Une blague, selon son vice-président, mais elle peine à passer. L’AFP note ainsi que « depuis son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier, Donald Trump sature l’espace médiatique américain et mondial avec des annonces et commentaires sur tous les sujets ». On pourrait comprendre ce type de comportement de la part des États-Unis, mais les médias le trouvent inacceptable de celle de Donald Trump. La Charente libre évoque des fidèles outrés, choqués, voire traumatisés, parmi lesquels le gouverneur démocrate de l’État de New York, Kathy Hochul. N’obéissant à aucun agenda politique, elle affirme que la photo de Donald Trump en pape est « une offense profonde, pour moi et mes concitoyens catholiques dans le monde, alors que nous pleurons notre pape François bien-aimé ». Selon Gareth Gore, ancien journaliste pour Reuters, cette photo montre même que « Donald Trump et son entourage militent pour un pape de style Maga (Make America great again, le slogan de Donald Trump, NdlR). »
L’interventionnisme macronien qu’on élude
Que Donald Trump génère une photo de lui vêtu en pape, c’est donc inacceptable. En revanche, les tentatives d’Emmanuel Macron pour influencer le conclave, elles, semblent normales. Un conclave se déroule à huis clos, dans des conditions particulièrement strictes, précisément pour éviter les influences diverses et variées. Emmanuel Macron a cependant invité quatre cardinaux français sur cinq à déjeuner, puis le fondateur de Sant’Egidio, réseau catholique influent au Vatican et à Rome. Son fondateur, Andrea Riccardi, craint selon Le Monde un « retour en arrière » de l’Église une fois le nouveau pape élu. 20 Minutes amoindrit toutefois l’importance de ces réunions en expliquant que « des journaux proches du gouvernement Meloni accusent Emmanuel Macron de vouloir peser sur l’élection du pape ». Les conclusions de ces journaux seront prises avec des pincettes tout au long de l’article. « La polémique enfle à Rome, alimentée par des soupçons d’ingérence relayés par plusieurs titres conservateurs », explique le quotidien, comme s’il n’arrivait jamais aux journaux français de relayer les soupçons d’ingérence sur une élection. C’est d’abord Le Monde qui a évoqué cette rumeur, dans un article peuplé des mêmes expressions peu convaincues. « A en croire la presse italienne de droite », « de labyrinthiques intrigues françaises seraient en train de parasiter le processus », « des titres proches du gouvernement de Giorgia Meloni spéculent ainsi sur les desseins d’Emmanuel Macron »… Les soupçons de la presse de droite sont comme ses intellectuels : rarement pris au sérieux et souvent tournés en ridicule.
Élection du pape : comment Trump souffle sur les braises
Selon Les Échos, « l’ombre de Trump plane sur l’élection du nouveau pape ». Cette ombre est évoquée par plusieurs spécialistes retenus pour l’article. Alberto Melloni par exemple, conseiller scientifique en chef de la Commission européenne et titulaire de la chaire Unesco sur le pluralisme religieux et la paix à l’université La Sapienza de Rome. Pour lui, l’ombre de Trump est alimentée par l’ensemble des droites occidentales qui « cherchent un tremplin dans le catholicisme ». La gauche, qui encense Laudato Si’ et les prises de parole en faveur des migrants, ne cherche en revanche aucun tremplin.
Le cardinal Sarah, « candidat de Bolloré et digne héritier de l’Inquisition »
Les mots sont de L’Humanité, et ne surprennent dès lors guère. On notera d’ailleurs que le cardinal Sarah devient « candidat » et « prétendant » au trône de Pierre, alors que ces termes sont rarement attribués aux différents cardinaux. Monseigneur Sarah, lui, est une « figure emblématique du courant ultraconservateur » et « incarne une vision rigoriste de la foi lui valant le soutien de la fachosphère ». Ce soutien est d’ailleurs taxé de racisme puisque « il est la coqueluche des réactionnaires de tout poil, qui s’ébaubissent à l’idée qu’un premier pape africain puisse porter leur idéologie nauséabonde – comme si l’origine primait sur les idées ». Et les spécialistes en théologie de L’Humanité de conclure « en voilà un qui ne semble pas bien avoir saisi les valeurs de l’Évangile, soyons charitables et aimons notre prochain comme nous-mêmes. » Lénine et Staline avaient – personne n’en doute – suivi cette bien charitable recommandation du journal communiste.
Adélaïde Hecquet