Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Les médias, le pape François et l’effet de cliquet

9 mai 2025

Temps de lecture : 5 minutes
Accueil | Veille médias | Les médias, le pape François et l’effet de cliquet

Les médias, le pape François et l’effet de cliquet

Temps de lecture : 5 minutes

Le pape est mort, vive le pape ! Mais pas n’importe lequel.

Les médias de grand chemin espèrent un pape du même ordre que François, et s’ingénient à mon­tr­er que c’est là ce qu’attend le monde, et surtout le monde catholique.

Les médias veulent un progressiste. Les catholiques, c’est moins sûr

« De New York à Accra, les catholiques aspirent à la con­ti­nu­ité au Vat­i­can » : l’article du Monde est on ne peut plus clair, et il l’est à bien des endroits. « Les fidèles à tra­vers le monde expri­ment leur souhait de voir le suc­cesseur de François incar­n­er une Église plus inclu­sive », affirme le quo­ti­di­en, bien obligé toute­fois de recon­naître que cette poli­tique inclu­sive con­tiendrait tout de même « une ligne con­ser­va­trice sur la morale sex­uelle, notam­ment, ou le mariage des prêtres ». Une demande de pro­gres­sisme qui « sonne comme un cri du cœur, presque une prière ». Sachant que lorsqu’on pour­suit l’article, il sem­ble que les fidèles cherchent avant tout un pape ori­en­té vers les pau­vres et la char­ité. Le Monde pub­lie égale­ment une inter­view de Robert Age­neau, ancien prêtre qui affirme que « il est urgent de réformer, voire d’abolir, la papauté ». Quant à Olivi­er Roy, poli­to­logue, il estime devant Les Échos que « le con­clave ne peut pas nom­mer le ‘con­traire de François’, car cela voudrait dire que le Saint-Esprit ne sait pas ce qu’il veut. » Selon lui, le Vat­i­can n’a guère d’autre choix que de nom­mer un pape plus pro­gres­siste ou, à la rigueur, « un can­di­dat cen­triste un peu plus con­ser­va­teur que son prédécesseur. »

La plaisanterie qu’on ne pardonne pas à Donald Trump

Face à ces espoirs se trou­vent les poli­tiques. D’un côté, on trou­ve Don­ald Trump. Fidèle à sa répu­ta­tion, le prési­dent améri­cain a pub­lié une pho­to de lui en pape.

Une blague, selon son vice-prési­dent, mais elle peine à pass­er. L’AFP note ain­si que « depuis son retour à la Mai­son-Blanche le 20 jan­vi­er, Don­ald Trump sat­ure l’e­space médi­a­tique améri­cain et mon­di­al avec des annonces et com­men­taires sur tous les sujets ». On pour­rait com­pren­dre ce type de com­porte­ment de la part des États-Unis, mais les médias le trou­vent inac­cept­able de celle de Don­ald Trump. La Char­ente libre évoque des fidèles out­rés, choqués, voire trau­ma­tisés, par­mi lesquels le gou­verneur démoc­rate de l’État de New York, Kathy Hochul. N’obéissant à aucun agen­da poli­tique, elle affirme que la pho­to de Don­ald Trump en pape est « une offense pro­fonde, pour moi et mes conci­toyens catholiques dans le monde, alors que nous pleu­rons notre pape François bien-aimé ». Selon Gareth Gore, ancien jour­nal­iste pour Reuters, cette pho­to mon­tre même que « Don­ald Trump et son entourage mili­tent pour un pape de style Maga (Make Amer­i­ca great again, le slo­gan de Don­ald Trump, NdlR). »

L’interventionnisme macronien qu’on élude

Que Don­ald Trump génère une pho­to de lui vêtu en pape, c’est donc inac­cept­able. En revanche, les ten­ta­tives d’Emmanuel Macron pour influ­encer le con­clave, elles, sem­blent nor­males. Un con­clave se déroule à huis clos, dans des con­di­tions par­ti­c­ulière­ment strictes, pré­cisé­ment pour éviter les influ­ences divers­es et var­iées. Emmanuel Macron a cepen­dant invité qua­tre car­dinaux français sur cinq à déje­uner, puis le fon­da­teur de San­t’Egidio, réseau catholique influ­ent au Vat­i­can et à Rome. Son fon­da­teur, Andrea Ric­car­di, craint selon Le Monde un « retour en arrière » de l’Église une fois le nou­veau pape élu. 20 Min­utes amoin­drit toute­fois l’importance de ces réu­nions en expli­quant que « des jour­naux proches du gou­verne­ment Mel­oni accusent Emmanuel Macron de vouloir peser sur l’élection du pape ». Les con­clu­sions de ces jour­naux seront pris­es avec des pincettes tout au long de l’article. « La polémique enfle à Rome, ali­men­tée par des soupçons d’ingérence relayés par plusieurs titres con­ser­va­teurs », explique le quo­ti­di­en, comme s’il n’arrivait jamais aux jour­naux français de relay­er les soupçons d’ingérence sur une élec­tion. C’est d’abord Le Monde qui a évo­qué cette rumeur, dans un arti­cle peu­plé des mêmes expres­sions peu con­va­in­cues. « A en croire la presse ital­i­enne de droite », « de labyrinthiques intrigues français­es seraient en train de par­a­siter le proces­sus », « des titres proches du gou­verne­ment de Gior­gia Mel­oni spécu­lent ain­si sur les des­seins d’Emmanuel Macron »… Les soupçons de la presse de droite sont comme ses intel­lectuels : rarement pris au sérieux et sou­vent tournés en ridicule.

Élection du pape : comment Trump souffle sur les braises

Selon Les Échos, « l’om­bre de Trump plane sur l’élec­tion du nou­veau pape ». Cette ombre est évo­quée par plusieurs spé­cial­istes retenus pour l’article. Alber­to Mel­loni par exem­ple, con­seiller sci­en­tifique en chef de la Com­mis­sion européenne et tit­u­laire de la chaire Unesco sur le plu­ral­isme religieux et la paix à l’u­ni­ver­sité La Sapien­za de Rome. Pour lui, l’ombre de Trump est ali­men­tée par l’ensemble des droites occi­den­tales qui « cherchent un trem­plin dans le catholi­cisme ». La gauche, qui encense Lauda­to Si’ et les pris­es de parole en faveur des migrants, ne cherche en revanche aucun tremplin.

Le cardinal Sarah, « candidat de Bolloré et digne héritier de l’Inquisition »

Les mots sont de L’Humanité, et ne sur­pren­nent dès lors guère. On notera d’ailleurs que le car­di­nal Sarah devient « can­di­dat » et « pré­ten­dant » au trône de Pierre, alors que ces ter­mes sont rarement attribués aux dif­férents car­dinaux. Mon­seigneur Sarah, lui, est une « fig­ure emblé­ma­tique du courant ultra­con­ser­va­teur » et « incar­ne une vision rig­oriste de la foi lui valant le sou­tien de la fachos­phère ». Ce sou­tien est d’ailleurs taxé de racisme puisque « il est la coqueluche des réac­tion­naires de tout poil, qui s’ébaubissent à l’idée qu’un pre­mier pape africain puisse porter leur idéolo­gie nauséabonde – comme si l’origine pri­mait sur les idées ». Et les spé­cial­istes en théolo­gie de L’Humanité de con­clure « en voilà un qui ne sem­ble pas bien avoir saisi les valeurs de l’Évangile, soyons char­i­ta­bles et aimons notre prochain comme nous-mêmes. » Lénine et Staline avaient – per­son­ne n’en doute – suivi cette bien char­i­ta­ble recom­man­da­tion du jour­nal communiste.

Adélaïde Hec­quet

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés