Premier des magazines d’actualité hebdomadaire français, Le Point, propriété de François Pinault, traverse une tempête économique avec des pertes persistantes. En 2025, un plan de réorganisation sera lancé, mêlant refonte de la maquette, virage numérique et montée en gamme, avec en toile de fonds la menace de suppressions de postes.
Leader en diffusion, dans le rouge financièrement
Malgré sa position de meneur sur le marché des hebdos d’actualité avec 293 000 exemplaires diffusés en moyenne en 2024, Le Point est en proie à des difficultés financières préoccupantes alors que le journal tire la langue depuis déjà quelques années. L’hebdomadaire, détenu par le milliardaire François Pinault, a enregistré une perte de 5,6 millions d’euros l’an dernier pour un chiffre d’affaires de 65,4 millions d’euros, marquant une troisième année consécutive dans le rouge. Face à une chute de 11,6 % des recettes publicitaires (source La Lettre) et une érosion continue de la diffusion papier, la direction prépare un plan de réorganisation qui sera dévoilé fin mars ou début avril 2025. Objectif : adapter les coûts à un marché en mutation et réinventer un modèle économique viable pour l’avenir.
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Pas au point sur le numérique…
Ce projet, piloté par le PDG Renaud Grand-Clément, le vice-président François Claverie et le directeur Étienne Gernelle, s’inscrit dans un contexte critique. François Pinault lui-même, dans ses vœux de janvier, a souligné « l’urgence à réinventer le modèle économique » pour assurer la pérennité du titre. La stratégie repose sur deux axes majeurs : une montée en gamme et une conquête accrue du numérique. Le défi est majeur puisqu’en résumé il conviendra de faire mieux avec moins.
La maquette papier sera entièrement repensée, avec une pagination et un grammage ajustés pour privilégier les angles exclusifs et renforcer la « valeur ajoutée du journal ». Parallèlement, Le Point mettra fin à sa dépendance aux dépêches de l’AFP, économisant ainsi environ un million d’euros par an, tout en s’appuyant sur l’agence de presse britannique Reuters pour certains contenus.
Sur le front numérique, où les abonnés stagnent à 31 000 (plus 7 000 via des kiosques), l’application et le site feront peau neuve. Un design plus sophistiqué, un espace jeux et une mise en avant des séries sont prévus, accompagnés de l’introduction d’un moteur d’intelligence artificielle pour naviguer dans les contenus.
Sur internet, le positionnement des journaux hebdomadaires est compliqué et leur nombre d’abonnés se compte généralement en quelques dizaines de milliers contre plus de 200 000 et plus de 500 000 pour des quotidiens comme Le Figaro et Le Monde.
Le site internet en retard
L’ambition numérique suscite cependant des doutes. Une étude du Comité social et économique, le CSE, révèle une chute de 31 % des visites mensuelles sur le site en deux ans, passant de 34,6 millions en décembre 2022 à 24 millions en novembre 2024, malgré une hausse de 40 % de la production d’articles internes. La fin des dépêches d’actualité en continu pourrait avoir contribué à ce déclin.
Les salariés, eux, redoutent les conséquences sociales. Le 26 février, les représentants du personnel ont déclenché un droit d’alerte économique, alarmés par des réunions opaques de la « task force RH ». Si la direction assure que « tout le monde participera à l’effort d’optimisation », l’absence de réponses claires sur d’éventuelles suppressions de postes alimente l’inquiétude. Dans un secteur de la presse en crise, Le Point mise sur une différenciation : un papier haut de gamme et un numérique distinctif. Reste à se créer une véritable identité numérique et à rester à la page ce qui demeure très complexe dans un secteur en proie à des changements permanents. Sans oublie que des numéros entiers (voir infra) qui relèvent plus de la propagande de guerre que de l’information donnent une image parfois militante à l’hebdomadaire.
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