En résumé :
- MAX sous le feu de l’actu : développée par VK et lancée au printemps dernier, l’application est préinstallée sur tous les smartphones vendus en Russie depuis le lundi 1er septembre.
- Une super-application : MAX combine messagerie, paiements, identité numérique et accès aux services publics.
- « Un potentiel massif de surveillance » selon les médias occidentaux : le Washington Post et TechRadar alertent à juste titre sur le risque de surveillance généralisée…
- La parabole de la paille et de la poutre : pendant ce temps, Apple recrute un nombre conséquent de vétérans de l’Unité 8200 israélienne à des postes-clés ; quant à Google et Meta, leur collaboration avec la NSA (programme PRISM) n’est plus un secret pour grand monde.
- Le bal des hypocrites : toutes les messageries — et plus généralement les applications — sont des points de surveillance potentiels. Ce que l’Occident redoute surtout, c’est de perdre l’accès privilégié et ô combien stratégique aux données russes.
L’application MAX, la nouvelle messagerie nationale russe, suscite une pluie de critiques en Occident ou de nombreux médias dénoncent un « potentiel massif de surveillance », accusant Moscou de vouloir contrôler ses citoyens. Mais au-delà de ces accusations répétées, une question demeure : dans cette bataille mondiale pour la maîtrise des données, l’Occident ne condamne-t-il pas chez autrui ce qu’il pratique lui-même, en bien plus grand ?
Un nouveau messager national en Russie
Lancée au printemps 2025, MAX n’est pas une application comme les autres. Développée par une filiale de VK, le géant russe des réseaux sociaux, elle s’impose désormais comme la messagerie nationale de référence pour remplacer WhatsApp. À compter de ce lundi 1er septembre, elle devra être préinstallée sur tous les smartphones et tablettes vendus dans le pays.
MAX ne se limite pas à la simple conversation : c’est une « super-app », inspirée du modèle chinois WeChat. Elle intègre des fonctions multiples — échanges privés, transferts d’argent, signature électronique, accès aux services publics, mini-applications d’intelligence artificielle — et vise à devenir le pivot numérique de la vie quotidienne des Russes. En l’espace de quelques mois, l’application revendique déjà près de 18 millions d’utilisateurs.
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Des critiques occidentales virulentes
Ce déploiement n’a pas manqué de faire réagir la presse occidentale. The Washington Post dénonce une application « imposée par l’État, synonyme de surveillance généralisée ». TechRadar s’inquiète d’un « potentiel de surveillance énorme ». Et pour Le Monde, comme il fallait s’y attendre, « les autorités verrouillent toujours plus les communications. »
Ces inquiétudes ne sont pas infondées : hébergées sur des serveurs russes et soumises à la législation nationale, les données peuvent être plus facilement accessibles aux autorités.
Mais la rhétorique occidentale “moralisatrice” occulte une évidence : les applications américaines ou israéliennes ne sont pas moins poreuses aux services de renseignement de leur pays d’origine.
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Apple, Google, Meta : des relais du renseignement
Prenons Apple : derrière son image policée d’entreprise obsédée par la vie privée, le géant de Cupertino a embauché ces dernières années des dizaines de vétérans de l’Unité 8200 israélienne, une division militaire spécialisée dans l’espionnage électronique et la guerre cybernétique. Selon MintPress News, ces anciens officiers occupent aujourd’hui des postes stratégiques dans la cybersécurité, l’intelligence artificielle et la conception matérielle des produits Apple.
Google et Meta ne sont pas en reste. Dès 2013, Edward Snowden a révélé leur rôle central dans le programme PRISM, qui donnait un accès direct à la NSA à une grande partie des communications transitant par Gmail, Facebook, Outlook ou YouTube. WhatsApp, propriété de Meta, partage d’ailleurs régulièrement ses métadonnées avec les autorités américaines.
Un double standard manifeste
À y regarder de près, MAX ne fait que reproduire un modèle déjà à l’œuvre ailleurs : la Chine avec WeChat, devenue à la fois messagerie, portefeuille et carnet d’identité numérique ; les États-Unis, où Google, Apple et Meta travaillent de facto avec la NSA ; Israël, où l’Unité 8200 irrigue la quasi-totalité du secteur high-tech et exporte son savoir-faire à travers des entreprises comme NSO Group (logiciel Pegasus).
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Pourquoi alors cette indignation particulière contre MAX ? Parce qu’il soustrait les données des citoyens russes au regard occidental. Ce qui inquiète Washington et Bruxelles, ce n’est pas que la Russie surveille ses citoyens, mais qu’elle ferme une fenêtre à travers laquelle les agences occidentales avaient jusqu’ici une visibilité.
Conclusion : la data au cœur de la guerre de l’information
La vérité est simple : les applications (on pense à TikTok ou encore à Angry Birds) et en particulier les messageries ne sont jamais neutres. Elles sont des nœuds stratégiques de la guerre de l’information. L’Occident dénonce aujourd’hui MAX comme un « cheval de Troie » du Kremlin, mais tolère parfaitement que ses propres plateformes collaborent avec les agences américaines ou intègrent d’anciens (?) espions israéliens.
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Derrière les postures morales, il ne s’agit pas de défendre la vie privée des citoyens, mais de préserver un avantage géopolitique. MAX ne menace pas la liberté numérique plus que ne le font WhatsApp, Signal ou iMessage ; il menace surtout un monopole occidental sur la donnée mondiale. Et c’est peut-être là, finalement, que réside l’explication du vacarme médiatique qu’il suscite.
Yves Lejeune


















