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Double standard : la messagerie russe MAX sous le feu des critiques

3 septembre 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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Double standard : la messagerie russe MAX sous le feu des critiques

Temps de lecture : 5 minutes

Double standard : la messagerie russe MAX sous le feu des critiques

En résumé :

  • MAX sous le feu de l’ac­tu : dévelop­pée par VK et lancée au print­emps dernier, l’application est préin­stal­lée sur tous les smart­phones ven­dus en Russie depuis le lun­di 1er septembre.
  • Une super-appli­ca­tion : MAX com­bine mes­sagerie, paiements, iden­tité numérique et accès aux ser­vices publics.
  • « Un poten­tiel mas­sif de sur­veil­lance » selon les médias occi­den­taux : le Wash­ing­ton Post et TechRadar aler­tent à juste titre sur le risque de sur­veil­lance généralisée…
  • La parabole de la paille et de la poutre : pen­dant ce temps, Apple recrute un nom­bre con­séquent de vétérans de l’Unité 8200 israéli­enne à des postes-clés ; quant à Google et Meta, leur col­lab­o­ra­tion avec la NSA (pro­gramme PRISM) n’est plus un secret pour grand monde.
  • Le bal des hyp­ocrites : toutes les mes­sageries — et plus générale­ment les appli­ca­tions — sont des points de sur­veil­lance poten­tiels. Ce que l’Occident red­oute surtout, c’est de per­dre l’accès priv­ilégié et ô com­bi­en stratégique aux don­nées russes.

L’application MAX, la nou­velle mes­sagerie nationale russe, sus­cite une pluie de cri­tiques en Occi­dent ou de nom­breux médias dénon­cent un « poten­tiel mas­sif de sur­veil­lance », accu­sant Moscou de vouloir con­trôler ses citoyens. Mais au-delà de ces accu­sa­tions répétées, une ques­tion demeure : dans cette bataille mon­di­ale pour la maîtrise des don­nées, l’Occident ne con­damne-t-il pas chez autrui ce qu’il pra­tique lui-même, en bien plus grand ?

Un nouveau messager national en Russie

Lancée au print­emps 2025, MAX n’est pas une appli­ca­tion comme les autres. Dévelop­pée par une fil­iale de VK, le géant russe des réseaux soci­aux, elle s’impose désor­mais comme la mes­sagerie nationale de référence pour rem­plac­er What­sApp. À compter de ce lun­di 1er sep­tem­bre, elle devra être préin­stal­lée sur tous les smart­phones et tablettes ven­dus dans le pays.

MAX ne se lim­ite pas à la sim­ple con­ver­sa­tion : c’est une « super-app », inspirée du mod­èle chi­nois WeChat. Elle intè­gre des fonc­tions mul­ti­ples — échanges privés, trans­ferts d’argent, sig­na­ture élec­tron­ique, accès aux ser­vices publics, mini-appli­ca­tions d’intelligence arti­fi­cielle — et vise à devenir le piv­ot numérique de la vie quo­ti­di­enne des Russ­es. En l’espace de quelques mois, l’application revendique déjà près de 18 mil­lions d’utilisateurs.

Voir aus­si : Les jour­nal­istes deman­dent plus de cen­sure à l’Union européenne

Des critiques occidentales virulentes

Ce déploiement n’a pas man­qué de faire réa­gir la presse occi­den­tale. The Wash­ing­ton Post dénonce une appli­ca­tion « imposée par l’État, syn­onyme de sur­veil­lance général­isée ». TechRadar s’inquiète d’un « poten­tiel de sur­veil­lance énorme ». Et pour Le Monde, comme il fal­lait s’y atten­dre, « les autorités ver­rouil­lent tou­jours plus les communications. »

Ces inquié­tudes ne sont pas infondées : hébergées sur des serveurs russ­es et soumis­es à la lég­is­la­tion nationale, les don­nées peu­vent être plus facile­ment acces­si­bles aux autorités.

Mais la rhé­torique occi­den­tale “moral­isatrice” occulte une évi­dence : les appli­ca­tions améri­caines ou israéli­ennes ne sont pas moins poreuses aux ser­vices de ren­seigne­ment de leur pays d’origine.

Voir aus­si : Pomme pour­rie : Apple recy­cle à tour de bras d’anciens espi­ons israéliens

Apple, Google, Meta : des relais du renseignement

Prenons Apple : der­rière son image policée d’entreprise obsédée par la vie privée, le géant de Cuper­ti­no a embauché ces dernières années des dizaines de vétérans de l’Unité 8200 israéli­enne, une divi­sion mil­i­taire spé­cial­isée dans l’espionnage élec­tron­ique et la guerre cyberné­tique. Selon Mint­Press News, ces anciens officiers occu­pent aujourd’hui des postes stratégiques dans la cyber­sécu­rité, l’intelligence arti­fi­cielle et la con­cep­tion matérielle des pro­duits Apple.

Voir aus­si : Cap­i­tal­isme de sur­veil­lance : Cam­bridge Ana­lyt­i­ca renaît-elle ? Une agence d’espionnage privée arme à nou­veau Facebook

Google et Meta ne sont pas en reste. Dès 2013, Edward Snow­den a révélé leur rôle cen­tral dans le pro­gramme PRISM, qui don­nait un accès direct à la NSA à une grande par­tie des com­mu­ni­ca­tions tran­si­tant par Gmail, Face­book, Out­look ou YouTube. What­sApp, pro­priété de Meta, partage d’ailleurs régulière­ment ses méta­don­nées avec les autorités américaines.

Un double standard manifeste

À y regarder de près, MAX ne fait que repro­duire un mod­èle déjà à l’œuvre ailleurs : la Chine avec WeChat, dev­enue à la fois mes­sagerie, porte­feuille et car­net d’identité numérique ; les États-Unis, où Google, Apple et Meta tra­vail­lent de fac­to avec la NSA ; Israël, où l’Unité 8200 irrigue la qua­si-total­ité du secteur high-tech et exporte son savoir-faire à tra­vers des entre­pris­es comme NSO Group (logi­ciel Pegasus).

Voir aus­si : L’affaire Cam­bridge Analytica

Pourquoi alors cette indig­na­tion par­ti­c­ulière con­tre MAX ? Parce qu’il sous­trait les don­nées des citoyens russ­es au regard occi­den­tal. Ce qui inquiète Wash­ing­ton et Brux­elles, ce n’est pas que la Russie sur­veille ses citoyens, mais qu’elle ferme une fenêtre à tra­vers laque­lle les agences occi­den­tales avaient jusqu’ici une visibilité.

Conclusion : la data au cœur de la guerre de l’information

La vérité est sim­ple : les appli­ca­tions (on pense à Tik­Tok ou encore à Angry Birds) et en par­ti­c­uli­er les mes­sageries ne sont jamais neu­tres. Elles sont des nœuds stratégiques de la guerre de l’information. L’Occident dénonce aujourd’hui MAX comme un « cheval de Troie » du Krem­lin, mais tolère par­faite­ment que ses pro­pres plate­formes col­la­borent avec les agences améri­caines ou intè­grent d’anciens (?) espi­ons israéliens.

Voir aus­si : David Petraeus – ex-chef de la CIA, nou­veau mag­nat des médias en Europe de l’Est. L’enquête complète

Der­rière les pos­tures morales, il ne s’agit pas de défendre la vie privée des citoyens, mais de préserv­er un avan­tage géopoli­tique. MAX ne men­ace pas la lib­erté numérique plus que ne le font What­sApp, Sig­nal ou iMes­sage ; il men­ace surtout un mono­pole occi­den­tal sur la don­née mon­di­ale. Et c’est peut-être là, finale­ment, que réside l’explication du vacarme médi­a­tique qu’il suscite.

Yves Leje­une

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