Le 26 juin 2025, Stéphanie, mère d’Élias, un adolescent de 14 ans tragiquement assassiné à Paris en janvier 2025, était l’invitée de Laurence Ferrari dans l’émission Punchline diffusée sur CNews. Dans un témoignage poignant, elle a exprimé sa colère et son indignation face aux propos tenus par le journaliste Patrick Cohen. Lors de cette intervention, Stéphanie a vivement critiqué l’éditorialiste, l’accusant de manipuler les faits entourant la mort de son fils.
« Refus de donner son portable »
Elle a déclaré sur le plateau :
« La semaine dernière, Patrick Cohen, dans son édito politique sur France Inter, en parlant de la décision du conseil constitutionnel, a dit :
« Après la mort tragique du jeune Elias, tué à coups de machette pour avoir refusé de donner son portable…»
Ce que fait Patrick Cohen, c’est qu’il prend parti et qu’il manipule l’information et le meurtre d’Elias, en décidant lui-même, alors qu’on ne connaît pas encore la vérité, que Elias a refusé de donner son téléphone. Il réalise un biais cognitif, c’est-à-dire qu’il sous-entend que, si Elias avait donné son téléphone, il ne serait pas mort. Ce que fait Patrick Cohen, c’est quelque chose qu’on connaît bien : une femme violée, si elle n’avait pas porté une mini-jupe, elle n’aurait pas été violée… Donc pour nous, les parents d’Elias, cinq mois après la mort de notre enfant, entendre Patrick Cohen, qui est censé être un journaliste rigoureux, on voit là qu’il ne l’est pas, qu’il est médiocre. Tenir de tels propos, pour nous c’est indécent. »
Ce témoignage met en lumière le sentiment d’injustice ressenti par la famille d’Élias face à ce qu’elle perçoit comme une simplification abusive et un manque de rigueur journalistique. En pointant du doigt un « biais cognitif », Stéphanie dénonce une narration qui, selon elle, attribue implicitement une part de responsabilité à son fils dans son propre meurtre, une approche qu’elle juge non seulement erronée mais profondément blessante.
Un contexte tendu : le clash entre Patrick Cohen et Rachida Dati
Cette controverse intervient dans un climat déjà houleux autour de Patrick Cohen, récemment sous les feux des projecteurs à la suite d’un échange particulièrement virulent avec la ministre de la Culture, Rachida Dati. Le 18 juin 2025, le plateau de C à vous sur France 5 a été le théâtre d’une confrontation d’une rare intensité entre le journaliste, chroniqueur emblématique de l’émission animée par Anne-Élisabeth Lemoine et éditorialiste politique à France Inter, et la ministre. L’interview, initialement centrée sur des accusations relayées par Complément d’enquête et Le Nouvel Obs, portait sur des honoraires non déclarés que Rachida Dati aurait perçus de GDF Suez (aujourd’hui Engie) pour des prestations d’avocate présumées fictives. Cohen, fidèle à son style incisif, a pressé la ministre de s’expliquer sur ces allégations.
Mais l’échange a rapidement dérapé. Refusant de répondre directement aux questions, Rachida Dati est passée à l’offensive, mettant en cause le comportement professionnel de Cohen. Elle a évoqué une enquête de Mediapart publiée en février 2025, qui rapportait les témoignages de 20 anciens collaborateurs accusant le journaliste de harcèlement et de management toxique lors de son passage à la tête de la matinale de France Inter, entre 2010 et 2017. Dati a lancé, avec une pointe d’ironie : « Est-ce que c’est vrai, Monsieur Cohen ? Est-ce que vous harcelez vos collaborateurs ? » Elle a même menacé de saisir la justice via l’article 40 du code de procédure pénale, qui oblige toute autorité à signaler au procureur les délits dont elle a connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
🔴Clash Rachida Dati-Patrick Cohen : plusieurs salariés de France Inter ont bien accusé Patrick Cohen de management agressif, de critiques acerbes, d’humiliations et d’ ”atmosphère de travail anxiogène”. En 2024, des journalistes ont même dénoncé publiquement ses méthodes. pic.twitter.com/Hwo5po2rUp
— Observatoire du journalisme (Ojim) (@ojim_france) June 19, 2025
Une défense fragile et des accusations en miroir
Visiblement pris de court, Patrick Cohen n’a pas formellement démenti les accusations. Il s’est contenté de souligner qu’aucune plainte judiciaire ni procédure interne n’avait été déposée contre lui. Pourtant, comme l’a rappelé l’Observatoire du journalisme (OJIM), plusieurs anciens salariés de France Inter ont effectivement décrit un management agressif de la part de Cohen, marqué par des critiques acerbes, des humiliations et une « atmosphère de travail anxiogène ». En 2024, des journalistes avaient déjà publiquement dénoncé ses méthodes, renforçant la crédibilité des témoignages rapportés par Mediapart. Dans un effort pour reprendre la main, Cohen a qualifié l’attitude de Dati de « déshonorante », l’accusant de recourir à des attaques personnelles pour esquiver les questions sur ses propres agissements. Malgré les tentatives d’Anne-Élisabeth Lemoine pour apaiser les tensions, Dati a persisté, interrogeant l’équipe de C à vous sur un supposé « climat de peur » au sein de l’émission.
Voir aussi : Anne-Élisabeth Lemoine, portrait
Une ironie soulignée par le Huffington Post
L’échange a suscité un vif écho dans les médias et sur les réseaux sociaux, où l’ironie de la situation n’a échappé à personne. Comme l’a noté Loïse Delacotte dans un article publié le 19 juin 2025 sur le Huffington Post : « Dans son clash avec Patrick Cohen, Rachida Dati a oublié ces enquêtes de Mediapart sur elle, pas eux. Dans C à vous, la ministre de la Culture s’est accrochée avec le journaliste politique, en évoquant des faits reprochés à ce dernier. Omettant qu’elle avait elle-même été visée par des articles de Mediapart. » En effet, Mediapart avait publié des enquêtes en décembre 2024 et novembre 2022, pointant du doigt les méthodes d’intimidation de Dati contre la presse et ses liens avec un lobbyiste, des accusations qu’elle a soigneusement omis de mentionner lors de son offensive contre Cohen.
Une toile de fond explosive : la réforme de l’audiovisuel public
Ce clash s’inscrit dans un contexte plus large, marqué par une forte tension autour de la réforme de l’audiovisuel public portée par Rachida Dati. Cette réforme, visant à créer une holding pour regrouper Radio France, France Télévisions et l’INA, a provoqué une levée de boucliers parmi les salariés du secteur. Dès le 26 juin 2025, une grève illimitée a été déclenchée à Radio France, suivie par France Télévisions le 30 juin. Les grévistes exigent la suspension de la ministre, dénonçant une menace sur l’indépendance et la pérennité de l’audiovisuel public. Comme l’a résumé France Culture : « Grève illimitée à Radio France contre la réforme de l’audiovisuel public. La ministre de la Culture Rachida Dati veut créer une holding pour chapeauter Radio France, France Télévisions et l’INA. » Quant à elle, la ministre relève une situation intenable et esquisse une piste de réflexion : « L’audiovisuel public appartient à tous les Français, pour près de 4 milliards d’euros. Pourtant, les jeunes et les catégories populaires s’en détournent. 62% des Français s’informent sur les réseaux sociaux. L’audiovisuel public doit s’adapter à ces nouveaux usages par des investissements massifs dans le numérique. »
Voir aussi : Patrick Cohen
Antoine Legorju