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Bruno Patino

13 décembre 2025

Temps de lecture : 8 minutes
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Bruno Patino

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Le discret patron d’ARTE et président des États généraux de l’information

Bruno Pati­no est lancé pour un sec­ond quin­quen­nat à la prési­dence de la chaîne fran­co-alle­mande Arte. Pro­longé jusqu’en 2031, il aura la lourde tâche de dévelop­per le ver­sant plate­forme de la chaîne qui compte déjà plus de trois décen­nies d’existence.

Table des matières

« La recon­duc­tion de Bruno Pati­no […] per­me­t­tra de pour­suiv­re les dynamiques insuf­flées à ARTE », a résumé le prési­dent du con­seil, l’essay­iste et petit monar­que dans le roy­aume d’ARTE Bernard-Hen­ri Lévy à l’issue du vote du con­seil de sur­veil­lance. C’est donc sous le patron­age du très médi­a­tique philosophe BHL que Bruno Pati­no a été recon­duit le 8 décem­bre 2025 à la prési­dence du direc­toire d’Arte France pour un sec­ond man­dat de cinq ans, qui débutera en mars 2026.

Dis­cret mais résol­u­ment ancré cul­turelle­ment dans la ligne de cen­tre gauche européiste qui guide la chaîne, il est à la fois un per­son­nage dis­cret, réfléchi et déter­miné, comme en témoigne son ascen­sion professionnelle.

La déci­sion du con­seil de sur­veil­lance a été prise à l’unanimité, sur recom­man­da­tion d’un comité ad hoc chargé d’évaluer le pre­mier man­dat et les ori­en­ta­tions pro­posées pour la suite.

À 60 ans, Pati­no incar­ne une fig­ure qui détonne cepen­dant avec ses pairs puisqu’il s’agit d’un dirigeant passé par presque tous les étages de la fab­rique médi­a­tique, de la presse à la radio, de la télévi­sion au numérique. Arte mise avec lui ain­si sur un pro­fil à la fois intel­lectuel et ges­tion­naire, capa­ble de pour­suiv­re son tra­vail pour une chaîne cul­turelle ancrée à gauche qui doit, en plus de la bataille édi­to­ri­ale, se tailler une part du gâteau dans le domaine technologique.

Le con­seil de sur­veil­lance jus­ti­fie la recon­duc­tion de son prési­dent par la volon­té d’« européanis­er les offres », de ren­forcer Arte.tv et d’élargir l’audience, notam­ment chez les jeunes, une cible idéologique de choix pour le média.

Sa famille

Né le 8 mars 1965 à Courbevoie, Bruno Pati­no est le fils de Hugo Patiño, passé de la direc­tion d’orchestre à La Paz (Bolivie) à la pro­duc­tion pour le ser­vice espag­nol de RFI. Sa mère a tra­vail­lé comme assis­tante sociale dans une fon­da­tion dédiée aux enfants autistes. Son grand-père mater­nel a été admin­is­tra­teur général de France-Soir. Mar­ié, il est père de deux enfants

Parcours universitaire

Diplômé de Sci­ences Po Paris et de l’ESSEC, Bruno Pati­no a com­plété sa for­ma­tion par un mas­ter of Arts à Johns Hop­kins (SAIS), un doc­tor­at en sci­ences poli­tiques à Paris III et un pro­gramme de man­age­ment à l’INSEAD. Cette tra­jec­toire académique, peu com­mune dans l’audiovisuel, lui donne une cer­taine légitim­ité pour envis­ager la muta­tion d’une struc­ture dans un secteur médi­a­tique changeant.

Parcours professionnel

Après des débuts mar­qués par des expéri­ences inter­na­tionales, notam­ment auprès de l’ONU à New York puis au Chili au début des années 1990, il est égale­ment cor­re­spon­dant du Monde au Chili, il a occupé des fonc­tions clés au sein du Groupe Le Monde, présidé Le Monde Inter­ac­t­if et dirigé Téléra­ma. Il prend ensuite la tête de France Cul­ture (2008–2010), rejoint France Télévi­sions pour pilot­er le numérique et France 5, puis les pro­grammes et antennes du groupe. En 2014, il échoue à accéder à la prési­dence de Radio France.

En 2015, il arrive à Arte France comme directeur édi­to­r­i­al avant d’en devenir prési­dent du direc­toire en juil­let 2020. En jan­vi­er 2024, après la démis­sion de Bruno Lasserre de son poste de prési­dent des États généraux de l’in­for­ma­tion, Bruno Pati­no le remplace.

Parcours militant

Il a été élu en 2008 au con­seil munic­i­pal de Sceaux sur une liste de cen­tre et de cen­tre droit, puis a démis­sion­né rapi­de­ment. Cet épisode sem­ble plus sig­naler un ancrage local qu’un engage­ment par­ti­san durable­ment assumé et ses incli­na­tions idéologiques sont celles de la gauche.

Ce qu’il gagne

La rémunéra­tion de Bruno Pati­no depuis 2020 n’est pas publique­ment détail­lée. Cepen­dant, pour la précé­dente tit­u­laire du poste, Véronique Cay­la (jusqu’en 2020), le salaire annuel brut était de 259 113 euros en 2014, dont une part fixe de 227 666 euros et une part variable.

Compte tenu de la sta­bil­ité des rémunéra­tions dans l’au­dio­vi­suel pub­lic français, le salaire actuel de Bruno Pati­no est vraisem­blable­ment proche de 250 000 à 260 000 euros bruts par an, hors avan­tages en nature potentiels.

Prix et récompenses

Bruno Pati­no est cheva­lier de l’ordre nation­al du Mérite (2016) et cheva­lier de la Légion d’honneur (2022).

Conférences & communications

Il inter­vient régulière­ment dans des événe­ments con­sacrés à l’innovation médi­a­tique et au numérique, notam­ment dans l’écosystème pro­fes­sion­nel des médias. À la tête d’un média télévisé, il passe cepen­dant rarement devant la caméra.

Quelques appari­tions sont néan­moins à relever, notam­ment pour les 30 ans de la chaîne sur France Info. Il y défend un média fran­co-alle­mand tourné vers l’Europe, en con­for­mité avec l’acronyme ARTE : « Asso­ci­a­tion rel­a­tive à la télévi­sion européenne ».

Il a égale­ment pu prof­iter d’un pas­sage sur la télévi­sion pour évo­quer la « plate­formi­sa­tion » de la chaîne qu’il veut réac­tiv­er à l’information et édi­to­ri­alis­er.

Publications

Auteur de plusieurs essais, Bruno Pati­no a pub­lié neuf ouvrages entre 2000 et 2024, explo­rant ini­tiale­ment des thèmes poli­tiques avant de se tourn­er vers les rup­tures causées par Inter­net et l’é­conomie de l’at­ten­tion (l’abon­dance d’in­for­ma­tion crée une pau­vreté d’at­ten­tion). Son pre­mier livre, Pinochet s’en va (IHEAL, 2000), analyse la tran­si­tion démoc­ra­tique au Chili après le régime de Pinochet.

En 2005, avec Jean-François Fogel, il signe Une presse sans Guten­berg (Gras­set), qui exam­ine l’im­pact d’In­ter­net sur le jour­nal­isme et la presse tra­di­tion­nelle, mar­quant la fin de l’ère de l’im­primerie. Huit ans plus tard, tou­jours avec Fogel, La con­di­tion numérique (Gras­set, 2013) appro­fon­dit les trans­for­ma­tions anthro­pologiques, sociales et économiques induites par le numérique.

En 2016, Télévi­sions (Gras­set) offre un réc­it per­son­nel sur son expéri­ence à la direc­tion des pro­grammes de France Télévi­sions, mêlant anec­dotes et analy­ses des muta­tions audio­vi­suelles. À par­tir de 2019, Pati­no se con­cen­tre sur l’at­ten­tion comme ressource rare : La civil­i­sa­tion du pois­son rouge (Gras­set) cri­tique com­ment les plate­formes web exploitent les neu­ro­sciences et les don­nées per­son­nelles via des récom­pens­es aléa­toires pour capter l’at­ten­tion humaine.

Ce thème se pour­suit en 2022 avec Tem­pête dans le bocal (Gras­set), qui explore les tur­bu­lences d’une société numérique sat­urée. En 2023, S’in­former, à quoi bon ? (La Mar­tinière) ques­tionne l’u­til­ité de l’in­for­ma­tion dans un monde sur­chargé, tan­dis que Sub­mer­sion (Gras­set) abor­de les excès d’im­mer­sion dig­i­tale. Enfin, Rire avec le dia­ble (Gras­set, 2024), un essai court, revient sur Pinochet, renouant avec son pre­mier livre écrit 23 ans plus tôt.

À tra­vers ces œuvres, majori­taire­ment chez Gras­set, Pati­no trace essen­tielle­ment l’évo­lu­tion des médias, cri­ti­quant les effets addic­tifs du web sur la société et influ­ençant les débats sur la régu­la­tion numérique.

Sa nébuleuse

Ses réseaux pro­fes­sion­nels relient la presse du Groupe Le Monde, l’audiovisuel pub­lic (France Cul­ture, France Télévi­sions) et la gou­ver­nance fran­co-alle­mande d’Arte.

Il l’a dit

« On est une chaîne cul­turelle au sens large, c’est-à-dire, vie des idées, vie de la cul­ture, marche du monde, essay­er de l’expliquer, essay­er d’avoir toutes les formes nar­ra­tives, tous les goûts ». C Médi­a­tique jan­vi­er 2025.

« La ques­tion n’est plus de pub­li­er ou pro­duire des images, c’est qu’est-ce qui fait qu’à un moment don­né, ces images peu­vent avoir un sens […] J’aime beau­coup dans le mot ser­vice pub­lic le mot « ser­vice » […] on est vrai­ment au ser­vice du pub­lic ». C Médi­a­tique jan­vi­er 2025.

Sur la ques­tion d’un pos­si­ble fléchage pub­lic­i­taire : « Il fau­dra, à un moment, aller vers des mécan­ismes plus con­traig­nants, notam­ment vis-à-vis des grandes plate­formes. Instau­r­er une con­tri­bu­tion spé­ci­fique sur la pub­lic­ité dig­i­tale, ori­en­tée vers l’écosystème de l’information, pour­rait être une étape struc­turante. Et au fond, c’est même une ques­tion de jus­tice économique : l’information pro­duit de la valeur, elle doit être rémunérée à la hau­teur de cette valeur. », entre­tien pour geste.fr le 19 juin 2025.

« Une IA c’est assez bête, ça ne con­naît pas les phras­es, ça ne réflé­chit pas, en tout cas pour l’instant, l’IA ça pro­duit des phras­es par sta­tis­tique et ce qui est fou c’est que ces phras­es pro­duites par sta­tis­tique ont un sens. », « Mas­ter­class » lors de la Semaine de la presse et des médias à l’é­cole, avril 2025.

On l’a dit

« Un ange passe : Bruno Pati­no. Descen­dant d’un com­pos­i­teur bolivien, le patron de France Cul­ture fait car­rière plus vite que la musique. », Philippe Lançon (jour­nal­iste à Libéra­tion et Char­lie Heb­do) dans un por­trait élo­gieux en 2009, soulig­nant sa rapid­ité de carrière.

« Que Bruno Pati­no prenne la suc­ces­sion de Véronique Cay­la, à la tête d’Arte, c’est réjouis­sant. Véronique a réal­isé un par­cours [où] Arte a pro­gressé, s’est raje­u­nie. Meilleur ser­vice dig­i­tal, de loin. Bruno y a large­ment con­tribué. Il a le tal­ent pour aller plus loin. », Pierre Les­cure (ancien prési­dent de Canal+ et fig­ure des médias français) sur X le 23 juin 2020.

« Bruno Pati­no, ancien du Monde, est respon­s­able d’Arte. […] Il prône le plu­ral­isme. Sauf pour l’odieux visuel pub­lic colonisé par la gauche intolérante. », Gilles-William Gold­nadel (avo­cat et chroniqueur) sur X le 14 sep­tem­bre 2024.

Pho­to : Bruno Pati­no présen­tant son livre “Tem­pête dans le bocal : la nou­velle civil­i­sa­tion du pois­son rouge”, jan­vi­er 2022. Cap­ture d’écran vidéo (CC BY 3.0 / Wikipé­dia / Librairie Mollat).

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