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Affaire Cohen-Legrand : on vous raconte les coulisses de la polémique

9 septembre 2025

Temps de lecture : 6 minutes
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Affaire Cohen-Legrand : on vous raconte les coulisses de la polémique

Temps de lecture : 6 minutes

Affaire Cohen-Legrand : on vous raconte les coulisses de la polémique

Après les révéla­tions du mag­a­zine L’Incorrect met­tant en cause les jour­nal­istes Patrick Cohen et Thomas Legrand, l’OJIM vous racon­te les couliss­es de la polémique qui sec­oue le paysage politi­co-médi­a­tique et remet en cause l’impartialité du ser­vice public.

C’est un été qui s’annonce chargé pour le men­su­el con­ser­va­teur L’Incorrect. En par­al­lèle de la pré­pa­ra­tion du hors-série con­sacré à L’art d’être français, la petite équipe tra­vaille déjà au numéro de ren­trée. Celui-ci mar­quera le lance­ment de leur nou­velle for­mule, résol­u­ment tournée vers la bataille cul­turelle. Au milieu de cette effer­ves­cence intel­lectuelle, les jour­nal­istes reçoivent entre leurs mains une véri­ta­ble bombe : un lecteur du mag­a­zine leur adresse une série de vidéos, tournées le 7 juil­let dans un bistrot du VIIᵉ arrondisse­ment de Paris.

Celles-ci ne vous seront cer­taine­ment pas incon­nues : on y voit Thomas Legrand, édi­to­ri­al­iste poli­tique sur les ondes de France Inter, et Patrick Cohen, chroniqueur sur cette même chaine ain­si que dans l’émission C à vous de France TV. Cela n’aurait rien de sur­prenant si ces derniers n’étaient pas attablés avec deux cadres du Par­ti social­iste, l’eurodéputé en charge de la stratégie élec­torale Pierre Jou­vet et Luc Broussy, prési­dent du con­seil nation­al du PS. Sur les images, les qua­tre hommes sem­blent au cœur d’une dis­cus­sion pas­sion­née, ce qui attire l’attention d’un client à une table voi­sine. Recon­nais­sant les jour­nal­istes, il se décide à ten­dre l’oreille puis à immor­talis­er la scène, con­scient de l’enjeu poli­tique autour de ce repas.

À la rédac­tion, les jour­nal­istes de L’Incorrect restent pru­dents face au car­ac­tère sen­si­ble des vidéos qui leur sont par­v­enues. Si le décryptage de ces dernières s’avérait con­clu­ant, c’est la répu­ta­tion du ser­vice pub­lic qui serait entachée. S’ensuit alors un long tra­vail d’analyse et de véri­fi­ca­tion, afin de s’assurer de l’identité des pro­tag­o­nistes, ain­si que de leurs pro­pos. Au fur et à mesure des écoutes, Juli­ette Briens prend con­science de l’importance des images qu’elle visionne, et par­ti­c­ulière­ment de ces mots de Thomas Legrand :

« Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati, Patrick et moi ».

« Le prob­lème, avec un Le Pen-Glucks­mann, c’est que je ne sais pas ce que fait le cen­tre-droit. Ils sont pas nom­breux mais moi je pense qu’ils écoutent France Inter. Et ils écoutent… en masse ! », ajoute-t-il dans un sec­ond extrait. Com­pren­dre : met­tre en œuvre la tri­bune qui leur est offerte par les médias du ser­vice pub­lic pour dis­qual­i­fi­er Rachi­da Dati de la course des munic­i­pales parisi­ennes et pouss­er la can­di­da­ture prési­den­tielle de Raphaël Glucks­mann. « Lorsque j’entends cette phrase de manière extrême­ment claire et limpi­de, j’ai pra­tique­ment poussé un cri dans les bureaux : que quelqu’un me pince ! », racon­te la direc­trice de la com­mu­ni­ca­tion du magazine.

Le sens du timing

Pour la rédac­tion de L’Incorrect, ces extraits sont d’une impor­tance cru­ciale pour dénon­cer la main­mise idéologique des idées de gauche sur le ser­vice pub­lic. Préférant la pru­dence, Arthur de Watri­g­ant, directeur de la rédac­tion, prend le temps de rédi­ger l’article qui explique les ten­ants et les aboutis­sants de cette entre­vue, et choisit d’attendre le mois de sep­tem­bre pour déclencher les hos­til­ités. La ren­trée poli­tique 2025 est en effet très chargée, sur fond d’instabilité par­lemen­taire et de crise liée à la dette. Il faut vis­er juste. L’information ne doit pas pass­er inaperçue, noyée dans l’actualité du vote de con­fi­ance demandé par François Bay­rou pour le lun­di 8 sep­tem­bre, et la manifestation «

Bloquons tout

» prévue le 10. Ce sera donc le ven­dre­di qui précède cette semaine cru­ciale que L’Incorrect choisira de pub­li­er l’article qui met­tra le feu aux poudres.

Dans un pre­mier temps, les réac­tions sont mit­igées : sur X, les inter­nautes doutent de la vérac­ité des pro­pos rap­portés par le men­su­el. C’est là que les jour­nal­istes jouent leur carte maîtresse : une pre­mière vidéo con­tenant la phrase choc de Thomas Legrand sort sur le compte X de Juli­ette Briens. Le reten­tisse­ment est immé­di­at : les images font le tour du réseau social et les cri­tiques à l’encontre du ser­vice pub­lic fusent déjà. En interne, les jour­nal­istes de L’Incorrect reçoivent des dizaines de mes­sages, dont l’un attire leur atten­tion. Il provient directe­ment du cab­i­net de la min­istre de la Cul­ture, citée par Thomas Legrand : ils sont prévenus, Rachi­da Dati pré­pare déjà sa con­tre-attaque. Celle-ci ne se fait pas atten­dre, ses sou­tiens réagis­sant en nom­bre, à l’instar de la con­seil­lère de Paris Aurélie Pir­il­lo, qui qual­i­fie l’échange de « scan­daleux ».

Réactions en chaîne

Les respon­s­ables poli­tiques ne tar­dent pas à s’emparer du sujet. Jean-Luc Mélen­chon juge la séquence « con­ster­nante ». Jor­dan Bardel­la y voit une « preuve sup­plé­men­taire de la par­tial­ité du ser­vice pub­lic ». Quant à Marine Le Pen, elle prof­ite de l’affaire pour réitér­er son appel à la pri­vati­sa­tion de France Télévi­sions et Radio France, esti­mant que « les Français ne doivent pas financer leur pro­pre dés­in­for­ma­tion ». À droite comme à gauche, la polémique sert de levi­er pour cri­ti­quer l’audiovisuel pub­lic, déjà frag­ilisé par les débats récur­rents sur son indépen­dance. La direc­tion de Radio France sus­pend Thomas Legrand à titre con­ser­va­toire, le temps de faire la lumière sur l’affaire.

L’agenda du week­end de L’In­cor­rect est chargé : Arthur de Watri­g­ant est reçu par Eliot Deval sur Cnews, avant de se ren­dre sur Europe 1, puis Radio Cour­toisie lun­di matin. Même itinéraire médi­a­tique pour Juli­ette Briens. Le mag­a­zine rédi­ge égale­ment un com­mu­niqué pour répon­dre aux ten­ta­tives de dis­qual­i­fi­ca­tion poli­tique et médi­a­tique. « Après la sus­pen­sion de Thomas Legrand, quid de celle de Patrick Cohen ? », se ques­tionne Arthur de Watri­g­ant sur les ondes d’Europe 1. Der­rière l’affaire Legrand-Cohen, c’est une fois encore la ques­tion de la con­fi­ance dans l’information qui se pose. Les jour­nal­istes du ser­vice pub­lic, financés par la rede­vance, sont soumis à une exi­gence d’exemplarité accrue. « Le ser­vice pub­lic n’est plus la voix de tous, mais le miroir d’une élite per­suadée d’être uni­verselle, alors qu’elle n’est qu’entre soi », écrit le jour­nal­iste de L’Incorrect Wan­drille de Guer­pel. Cette affaire révèle un para­doxe bien français : l’attente d’une infor­ma­tion neu­tre et objec­tive, quand les jour­nal­istes eux-mêmes sont inévitable­ment por­teurs d’opinions. Et L’Incorrect, par ces quelques vidéos, aura suf­fi à faire trem­bler la citadelle de l’« impar­tial­ité » du ser­vice public.

Gersende Bar­rera

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