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Sabotage des gazoducs Nord Stream : l’introuvable piste américaine dans les médias de grand chemin

8 octobre 2022

Temps de lecture : 4 minutes
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Sabotage des gazoducs Nord Stream : l’introuvable piste américaine dans les médias de grand chemin

Temps de lecture : 4 minutes

Lundi 26 septembre les deux gazoducs Nord Stream 1 et 2 ont été gravement endommagés. Très rapidement, de nombreux médias de grand chemin ont pointé du doigt la Russie comme responsable probable de ce qu’ils ont qualifié de sabotage. Pourtant, avant ces événements, certaines déclarations de responsables nord-américains étaient pour le moins troublantes à ce sujet, en particulier à la lumière des récents événements. Mensonge par omission, parti-pris manifeste ou simple amateurisme ?

La piste russe, forcément

Rapi­de­ment après l’annonce par les agences de presse des lour­des dégra­da­tions qu’ont subi le 26 sep­tem­bre les gazo­ducs Nord Stream 1 et 2, les regards des médias de grand chemin se sont tournés vers la Russie comme Etat poten­tielle­ment responsable.

Le 27 sep­tem­bre, le jour­nal Les Échos a ce que l’on appelle des doutes « ori­en­tés » : « Ces événe­ments raris­simes, subits et simul­tanés, ont immé­di­ate­ment fait naître des soupçons de sab­o­tage de la part de Moscou ».

Avec l’aide de l’AFP, Le Point désigne le 28 novem­bre la Russie comme l’« objet de tous les soupçons ».

Sud-Ouest y va de son hypothèse dans son édi­tion du 28 septembre :

« La Russie, qui a stop­pé ses livraisons par Nord Stream 1 (pour « opéra­tions de main­te­nance ») et utilise autant qu’elle le peut l’arme du gaz pour tarir l’approvisionnement de l’Union européenne et faire mon­ter les prix mon­di­aux, peut avoir décidé de pass­er à la vitesse supérieure. »

France info évoque le 4 octo­bre dans un arti­cle con­sacré à l’enquête sur le sab­o­tage de ces gazo­ducs « des soupçons qui pèsent quant à la respon­s­abil­ité des Russ­es dans le sab­o­tage des gazo­ducs ».

Face à ce bel una­n­imisme, seuls des médias alter­nat­ifs ou engagés ont don­né d’autres élé­ments de contexte.

Des éléments de contexte passés sous silence

À côté de com­men­taires et d’analyses empreintes d’idéologie atlantiste qua­si­ment uni­formes, cer­tains médias ont élar­gi le sil­lon des recherches.

De façon pré­moni­toire, Le Monde Diplo­ma­tique a con­sacré il y a un an un arti­cle à « com­ment sabot­er un gazo­duc ». Pierre Rim­bert y décrit les efforts du gou­verne­ment améri­cain pour éviter la mise en ser­vice de Nord Stream 2.

Cer­tains pas­sages de cet arti­cle ont une curieuse réso­nance aujourd’hui :

« Pour Wash­ing­ton, cibler Nord Stream 2 présente des avan­tages mer­can­tiles autant que géopoli­tiques : grâce au sou­tien de la Com­mis­sion européenne, favor­able au marché flex­i­ble du gaz naturel liqué­fié (GNL) améri­cain plutôt qu’aux gazo­ducs russ­es, et à l’appui des pays les plus atlantistes de l’Union (Pologne, Dane­mark…), Wash­ing­ton n’entend pas seule­ment con­tre­car­rer les plans de Moscou, mais aus­si et surtout impos­er ses excé­dents de gaz de schiste liqué­fiés sur le marché européen ».

Les efforts de l’administration améri­caine pour empêch­er la mise en fonc­tion­nement de Nord Stream 2 sont décrits de manière assez édi­fi­ante dans l’article.

Sur le site du média Front Pop­u­laire, Régis de Castel­nau s’interroge le 29 sep­tem­bre sur la piste des « néo-con­ser­va­teurs à la manœu­vre ». Le juriste insiste sur l’enjeu des récents événe­ments : cette opéra­tion de sab­o­tage «  va prob­a­ble­ment ren­dre inopérantes deux instal­la­tions déci­sives pour l’avenir énergé­tique et indus­triel de l’Allemagne ». Et l’on pour­rait ajouter plus large­ment pour l’Europe de l’ouest.

Le Cour­ri­er des stratèges apporte dans un arti­cle mis en ligne le 28 sep­tem­bre des élé­ments à l’appui du « scé­nario plau­si­ble du sab­o­tage des gazo­ducs Nord stream 1 et 2 par les États-Unis ».

L’article détaille « plusieurs jalons chronologiques (qui) pointent vers une action améri­caine ». Plusieurs déc­la­ra­tions de respon­s­ables gou­verne­men­taux améri­cains men­tion­nées sont à ce sujet éloquentes.

Sur les réseaux soci­aux, cer­tains ressor­tent égale­ment du passé des déc­la­ra­tions pour le moins troublantes.

Phil Con­te souligne qu’« en 2014 Con­doleez­za Rice avouait cynique­ment que le prin­ci­pal but géopoli­tique des USA était de “réori­en­ter les appro­vi­sion­nements de gaz de l’Eu­rope vers l’Amérique du Nord en coupant les gazo­ducs russ­es” ».

Le jour­nal­iste améri­cain Gar­land Nixon pub­lie un extrait d’un arti­cle de presse du 1er octo­bre : « Le secré­taire d’État améri­cain Antony Blinken déclare que le sab­o­tage du gazo­duc est “une for­mi­da­ble oppor­tu­nité pour chas­s­er l’énergie russe du con­ti­nent” ». Vous m’en direz tant…

Pour­tant, en dépit de ces dif­férents élé­ments, en dépit du fait que les USA n’aient jamais caché leur hos­til­ité à la mise en ser­vice de Nord Stream 2, en dépit du fait que la Russie soit grande­ment pénal­isée par ce sab­o­tage d’une infra­struc­ture qu’elle avait large­ment financée, c’est donc bien la Russie qui a été désignée comme respon­s­able prob­a­ble. Une nou­velle fois, les médias français ont mon­tré leur con­formisme extrême, leur ori­en­ta­tion mimé­tique sem­blable à celle d’un banc de poissons.

Voir aus­si : Les 10 principes de la pro­pa­gande de guerre

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