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Nouvelle Ère, un roman entre médias et la tragédie syrienne

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18 mai 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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Nouvelle Ère, un roman entre médias et la tragédie syrienne

Temps de lecture : 6 minutes

Il n’est pas courant qu’un roman se situe à la fois dans le monde des médias et la tragédie. L’exemple qui nous vient est le grand Le Camp des Saints de Jean Raspail. Nous avons interrogé les auteurs de Nouvelle Ère, Ester Mann et Lévon Minasian et leur éditeur David Delannay.

Nou­velle Ère, votre roman à qua­tre mains, est à la jonc­tion d’une tragédie, celle d’un réfugié syrien et du des­tin d’un pho­tographe de guerre célèbre. Com­ment ces deux per­son­nages s’imbriquent-ils ?

Dans le roman, le des­tin d’Il­lias, un réfugié syrien échap­pé de l’en­fer de Daesh, se croise avec celui de Marc, un pho­tographe de guerre parisien, renom­mé et au som­met de sa car­rière. Lorsque Illias, arrivé à Paris clan­des­tine­ment, entre en con­tact avec le pho­tographe, cela déclenche une série d’événe­ments qui plonge Marc dans un cli­mat de ten­sion et de para­noïa. À mesure que l’his­toire se développe, les secrets enfouis de Marc com­men­cent à émerg­er, menaçant de détru­ire non seule­ment sa car­rière, mais aus­si son existence.

Pour­tant, cette ren­con­tre aurait pu être sal­va­trice pour les deux. Le roman explore les thèmes de la cul­pa­bil­ité, du par­don et de la rédemp­tion. Il exam­ine les con­séquences des actes com­mis par le per­son­nage de Marc, illus­trant ain­si les dilemmes moraux et les tour­ments psy­chologiques aux­quels il est confronté.

Cette fusion des des­tins d’Il­lias et de Marc donne lieu à une tragédie com­plexe, met­tant en lumière les ques­tion­nements essen­tiels sur la nature humaine et les choix qui définis­sent nos vies.

Quel est votre regard sur l’a­gence qui emploie Marc le photographe ?

Notre regard porté sur l’a­gence qui emploie Marc, le pho­tographe, est sévère­ment cri­tique. Les agences de presse en Occi­dent ont sou­vent adhéré de manière unanime à la pen­sée unique dom­i­nante et au nar­ratif offi­ciel, au détri­ment de la vérité, de la lib­erté d’ex­pres­sion et des per­spec­tives qui dif­fèrent du dis­cours main­stream. À l’ère de l’in­ter­net et du numérique, où l’in­for­ma­tion cir­cule à une vitesse ver­tig­ineuse, la vérité se noie sou­vent, voire s’anéan­tit dans un flot d’in­for­ma­tions défor­mées. L’ur­gence de l’in­stant pousse à être les pre­miers à “informer”, mais trop sou­vent sans avoir le courage de révéler ce qui dérangerait l’opin­ion publique façon­née par la pro­pa­gande officielle.

L’in­tégrité pro­fes­sion­nelle des agences de presse et des médias dom­i­nants a été remise en ques­tion, en par­ti­c­uli­er lors de la pandémie mon­di­ale de COVID-19, où la vérité a été sou­vent nég­ligée dans le traite­ment de l’in­for­ma­tion et des analyses.

L’am­biance est-elle à l’aune de celle des médias lors du con­flit syrien ?

L’am­biance du roman reflète les réal­ités et les enjeux médi­a­tiques présents lors du con­flit syrien.

Le roman abor­de, entre autres, la ques­tion de la manip­u­la­tion de l’opin­ion des mass­es par les médias, ain­si que les des­tins brisés de mil­lions de per­son­nes et le sort trag­ique des Chré­tiens d’Orient.

Nous avons effec­tué de longues recherch­es, des voy­ages et des ren­con­tres, avons fait des recherch­es appro­fondies sur le sujet et les événe­ments, ren­dant ain­si le réc­it authen­tique et doc­u­men­taire sur ces gens en proie à une souf­france immense, très peu reconnue.

Fort heureuse­ment, avec l’avène­ment de l’ère inter­net, la vérité a fini par émerg­er. Les hor­ri­bles atroc­ités per­pétrées par les soi-dis­ant “rebelles démoc­ra­tiques”, soutenus par nos gou­verne­ments à grand ren­fort d’armes et de sommes exor­bi­tantes, ont été mis­es en lumière. Les ressources finan­cières provenant des con­tribuables auraient pu être util­isées pour résoudre de nom­breux prob­lèmes qui affli­gent nos sociétés. Récem­ment, des voix se sont élevées pour cri­ti­quer les poli­tiques gou­verne­men­tales, mais il est désolant de con­stater que nos politi­ciens n’as­su­ment jamais la respon­s­abil­ité de leurs actes igno­bles, qui ont entraîné la destruc­tion de mil­liers de vies humaines.

En l’ab­sence de con­damna­tion de la part de la société, ces indi­vidus con­tin­ueront d’a­gir impuné­ment à l’avenir.

Com­ment vous êtes-vous édités, et com­ment êtes-vous distribués ?

La pre­mière fois que j’ai ren­con­tré le texte de Lévon et Ester, je tra­vail­lais pour un édi­teur situé à gauche (Inves­tig’Ac­tion, créé par Michel Col­lon). Nous ne propo­sions, dans notre cat­a­logue, que des essais. Avant de pro­pos­er le texte à Michel, je l’ai donc lu et soumis aus­si à d’autres mem­bres de l’équipe. Mal­gré la qual­ité du texte et des idées en adéqua­tion avec notre ligne édi­to­ri­ale, nous avons décliné leur propo­si­tion : on ne pub­li­ait pas de roman. Déjà à l’époque, j’é­tais révolté qu’un texte si beau et ses auteurs tal­entueux, parce qu’ils abor­daient des sujets sen­si­bles, soient mis de côté voire ignoré.

Quand les aléas de la vie m’ont poussé vers le chô­mage, j’ai directe­ment pen­sé à ce texte de Lévon et Ester. Un texte fort qui sou­tient une lib­erté de parole trop sou­vent bafouée. C’est d’ailleurs amu­sant que les auteurs aient été vic­times de ce qu’ils dénon­cent dans leur livre : la cen­sure médi­a­tique. J’ai donc créé ma mai­son d’édi­tion, La Lucarne indé­cente, pour don­ner voix aux dis­cours qui sor­tent de la norme, des sen­tiers bat­tus… Que ce soit des auteurs qui débu­tent, des auteurs avec des idées trop pro­gres­sistes ou qui pro­posent des textes qui dérangent. Nous cher­chons que ce type de texte : des livres qui dérangent l’or­dre établi, qui ques­tion­nent le monde qui nous entoure, qui déno­tent par rap­port à la pro­duc­tion actuelle. Il est d’ailleurs amu­sant de not­er que, dans l’His­toire, la Bel­gique a déjà tenu ce rôle, d’éditer les ouvrages inter­dits en France.

Le tra­vail a com­mencé et abouti au roman Nou­velle Ère, à ne pas con­fon­dre avec le scé­nario du même nom. Il n’est pas facile pour une nou­velle mai­son d’édi­tion d’aider ses auteurs à percer, mais nous avons signé fraîche­ment un con­trat de dis­tri­b­u­tion avec Pollen, l’in­ter­mé­di­aire priv­ilégié des édi­teurs indépen­dants. Nos livres sont disponibles sur le site de La Lucarne indé­cente, mais il est égale­ment pos­si­ble de les com­man­der chez tous les bons libraires.

Quel a été votre par­cours à cha­cun et quels sont vos projets ?

Nous sommes un cou­ple écrivant à qua­tre mains. Ester Mann, agrégée de let­tres, lit­téraire, sen­si­ble et poé­tique, et Lévon Minasian, cinéaste, visuel, struc­turel, maîtrisant la forme et la struc­ture d’un réc­it. Nous sommes auteurs de scé­narii primés, édités, portés à l’écran, des pièces de théâtre mon­tées dans divers pays. Notre pre­mier roman a obtenu le Prix Sen­g­hor 2019 et était par­mi les 10 final­istes du Prix Fran­coph­o­ne des 5 Con­ti­nents. Ce qui nous ani­me, c’est la spir­i­tu­al­ité, la pas­sion pour l’art, la cul­ture et surtout la bonne lit­téra­ture. Dans nos textes nous racon­tons des his­toires fortes, avec des per­son­nages mul­ti­di­men­sion­nels, rich­es et com­plex­es, où nous mélan­geons les rires, les larmes, l’ac­tion, l’aven­ture, la poésie et l’hu­mour. Nous priv­ilé­gions les con­flits internes forts, les réflex­ions pro­fondes sur la con­di­tion humaine. Ses élé­ments ren­dent nos réc­its uni­versels, cap­ti­vants, exci­tants dans des textes qui restent pour­tant acces­si­bles à tous.

Nous avons encore mille his­toires à raconter.

Nou­velle Ère, Ester Mann et Lévon Minasian, La lucarne indé­cente, 2022, 19 €