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LCI, franche cacophonie autour de Trump

6 juillet 2025

Temps de lecture : 9 minutes
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LCI, franche cacophonie autour de Trump

Temps de lecture : 9 minutes

Au-delà de ses outrances et de ses propos parfois contradictoires qui sont bien connus, le président américain bouscule sérieusement certains postulats des relations internationales.

L’anti-trumpisme de rigueur chez cer­tains journalistes/animateurs de LCI les empêche de bien percevoir les boule­verse­ments en cours. Dans ce con­texte, les jour­nal­istes posent des ques­tions, non pas pour pilot­er et faire pro­gress­er le débat, mais pour assén­er leurs points de vue. Il reste alors l’im­age d’une cacoph­o­nie générale, fâcheuse pour une chaîne dont l’am­bi­tion serait de décrypter l’ac­tu­al­ité inter­na­tionale. Extraits et décryptage.

Trump artisan de la paix ? Impossible

Dans l’émis­sion Le grand dossier du 24 juin : « Trump, la stratégie du coup de force », les inter­venants ren­voient l’im­age d’un prési­dent améri­cain qui s’est fer­me­ment engagé pour un arrêt des hos­til­ités que per­son­ne ne prévoy­ait si rapi­de, et qui a obtenu le résul­tat recherché.

Mais la jour­nal­iste Marie-Aline Méliyi qui ani­me l’émis­sion a le plus grand mal à accepter les faits. Elle ouvre ain­si l’échange avec la cor­re­spon­dante LCI à Washington :

« On se demande vrai­ment à quoi joue le prési­dent améri­cain qui sem­ble vouloir impos­er la paix seul dans son coin ? »

Ladite cor­re­spon­dante remet les choses à leur place. Elle explique ain­si que « Trump pèse de tout son poids pour le respect du cessez-le-feu », et qu’« il a ordon­né au Pre­mier min­istre israélien de stop­per ses frappes ». Elle ajoute :

« Ça a eu l’air de fonc­tion­ner parce que juste der­rière Israël a annon­cé qu’elle arrêterait d’at­ta­quer. »

La jour­nal­iste ne tient pas compte de cette réponse et enchaîne avec le général Trin­quand, expert en plateau et ancien chef de la mis­sion mil­i­taire de l’ONU :

« Général Trin­quand, la trêve n’a jamais commencé ? »

Mais elle est à nou­veau contredite :

« Alors une trêve, il faut atten­dre 24 heures avant qu’elle soit appliquée, et on voit bien que le prési­dent Trump œuvre de tout son pou­voir pour la faire appli­quer. »

André Kaspi, his­to­rien spé­cial­iste des États-Unis, explique ensuite que la stratégie de Don­ald Trump est d’es­say­er d’im­pos­er la paix, tout en lais­sant les États-Unis le plus pos­si­ble en dehors du con­flit et en évi­tant tout engage­ment qui ressem­blerait au bour­bier irakien.

Puisqu’elle ne peut con­tester les inten­tions, Marie-Aline Méliyi essaye alors de con­tester l’ef­fi­cac­ité de l’ac­tion de Trump :

« Mais est-ce qu’il est encore crédi­ble ? »

Face à cette ques­tion malveil­lante, André Kaspi est con­traint de met­tre les points sur les « i » :

« Oui, bien sûr qu’il est crédi­ble ! Auprès des Israéliens il tient une place essen­tielle, et auprès des Iraniens je crois qu’il tient aus­si une place essen­tielle, c’est-à-dire qu’il est le maître du jeu, mais le maître du jeu non seule­ment sur le ter­rain, mais aus­si, je le rap­pelle, chez lui. »

Marie-Aline Méliyi se tourne ensuite vers Gwen­do­line Debono, grand reporter LCI, sans même s’embarrasser d’une ques­tion, mais en affir­mant son pro­pre point de vue :

« Il a quand même des con­seillers spé­cial­istes du Moyen-Ori­ent et il n’écoute personne. »

Ce point de vue car­i­cat­ur­al est large­ment rel­a­tivisé par Gwen­do­line Debono :

« Si, il écoute quand même un peu, après la com­mu­ni­ca­tion et la déci­sion de cessez-le-feu, c’est vrai que c’est lui… Il a des con­seillers, je pense qu’il écoute quand même, je pense qu’il est quand même briefé, après c’est vrai que c’est lui qui décide quand et com­ment. »

Artisan de la paix et leader tout-puissant de l’OTAN ? Inconcevable

Autre plateau, mais ambiance iden­tique dans l’émis­sion LCI midi du 25 juin : « Israël-Iran, un cessez-le-feu qui ne règle rien », ani­mée par Christophe Moulin.

À l’im­age d’un Trump grand ordon­na­teur du cessez-le-feu, le som­met de l’OTAN ajoute celle d’un leader qui boule­verse les équili­bres et exige des Européens des engage­ments, notam­ment budgé­taires, en hausse. Il appa­raît vite qu’il coûte à Christophe Moulin de recon­naître tant les suc­cès que l’in­flu­ence du prési­dent américain.

Benoist Bihan, his­to­rien mil­i­taire et spé­cial­iste des ques­tions stratégiques, développe ain­si sa vision de la séquence qui s’achève :

« Le but de Don­ald Trump n’é­tait pas de met­tre fin au pro­gramme nucléaire iranien, mais de met­tre fin à la guerre, c’est-à-dire de met­tre fin à cette séquence pour laque­lle il n’avait pas d’in­térêt à s’en­gager plus… Pour Trump, c’est une frappe gag­nante, pas con­tre le pro­gramme nucléaire iranien, mais poli­tique­ment gag­nante parce que d’une part, il est revenu au cœur du jeu au Moyen-Ori­ent, qu’il a tor­du le bras à Israël pour arrêter les hos­til­ités, et qu’il a mis l’I­ran devant sa faib­lesse et son inca­pac­ité à s’op­pos­er aux manœu­vres mil­i­taires améri­caines. Donc Trump aujour­d’hui c’est le gag­nant, Netanyahu beau­coup moins, les Iraniens cer­taine­ment pas. »

Christophe Moulins se garde de rebondir sur ce point de vue qui aurait pour­tant mérité d’être appro­fon­di, esti­mant sans doute que cette vision est trop favor­able à Trump. Il préfère con­tester les dégâts causés aux instal­la­tions irani­ennes et s’adresse à Xavier de Gia­comoni, édi­to­ri­al­iste inter­na­tion­al LCI :

« Hier Don­ald Trump félic­i­tait les pilotes de ces B2… Mais de là à dire que tout a été détru­it… Mais il le dit, il per­siste, il signe, lui a été en pro­fondeur, vis­i­ble­ment. »

Mais l’in­téressé mon­tre peu d’in­térêt pour cette ques­tion qui est sans réponse à court terme, et il ren­voie lui aus­si une image de Trump manœu­vrant pour la paix :

« Pour le moment on n’en sait rien, sur l’aspect exact de dress­er les bilans il est beau­coup trop tôt… Mais une chose paraît évi­dente : il y a eu un deal entre Trump et Netanyahu ; je frappe For­do comme tu me le deman­des mais en revanche le lende­main, ter­miné, la par­tie est finie, vous ren­trez tous à la mai­son dans vos casernes et vous arrêtez cette his­toire qui menaçait chaque jour de dérap­er, il faut quand même s’en ren­dre compte, c’est très inflam­ma­ble et ça pou­vait très bien par­tir beau­coup plus loin même que ne le voulaient les Israéliens. »

Dans la séquence suiv­ante, Christophe Moulin intro­duit le som­met de l’OTAN qui s’est tenu les 24 et 25 juin à La Haye :

« Don­ald Trump est arrivé tri­om­phant, qu’on le veuille ou non, de ce suc­cès, de cette guerre, et surtout de la fin de la guerre, il est arrivé en majesté, le tapis rouge lui a été déroulé… Je vous par­lais de tapis rouge, je vous par­lais d’arrange­ment, même les réu­nions ont été rac­cour­cies dans le temps pour que le prési­dent améri­cain garde toute sa con­cen­tra­tion, et puis on a tout fait, notam­ment au niveau du secré­taire général de l’OTAN, on n’est même pas à l’époque des courbettes, là, franche­ment, on est tombé dans l’escar­celle des États-Unis. »

Là encore, les 2 cor­re­spon­dants présents à La Haye nuan­cent sérieuse­ment cette vision sim­pliste et expliquent que Mark Rutte, l’au­teur des courbettes, rem­plis­sait en fait par­faite­ment sa fonction :

Mar­got Haddad :

« La réal­ité… c’est que l’OTAN sans les États-Unis, ça ne tient pas à l’heure actuelle, donc en fait c’est juste un principe de réal­ité… Donc ce qu’es­saye de faire Mark Rutte, c’est de la diplo­matie, c’est-à-dire faire en sorte que Trump reste au cen­tre du jeu, qu’il ne retire pas ses troupes. »

Gré­go­ry Philipps :

« Vous avez dit tout à l’heure que l’at­ti­tude de Mark Rutte était stupé­fi­ante, mais en réal­ité elle n’est pas très sur­prenante. Le job qu’il essaye de faire aujour­d’hui, c’est de con­va­in­cre Don­ald Trump de rester au sein de l’OTAN et donc de lui don­ner des gages d’en­gage­ment de la part des autres mem­bres de l’al­liance… Alors c’est de la diplo­matie, c’est des courbettes, c’est de la politesse, à vous de juger, mais en tout cas l’ob­jec­tif de Rutte c’est que ça se passe bien. »

Trump versatile

Tou­jours vic­time de son tro­pisme anti-Trump, Christophe Moulin se tourne alors vers un autre inter­venant, le général Dominique Delort, ancien chef du cen­tre opéra­tionnel interarmées :

« Général, la diplo­matie a bon dos, parce que l’on con­naît un Trump ver­sa­tile, donc ce n’est pas cer­tain que cela fonc­tionne, et si cela fonc­tionne, jusqu’à quand ? »

L’in­ter­venant élude cette ques­tion qui ne peut avoir de réponse et préfère soulign­er un autre aspect essen­tiel de la posi­tion américaine :

« Out­re l’aspect financier, il fait un rap­pel ter­ri­ble au prési­dent améri­cain, en dis­ant : “Atten­tion à la bonne lec­ture de l’ar­ti­cle 5 (du traité de l’OTAN) : oui il y a auto­matic­ité au sou­tien des autres pays si un pays est men­acé par une puis­sance étrangère…” mais chaque État reste sou­verain sur les modes et le type de sou­tien à apporter au pays agressé. »

Beach Boys

Décidé­ment peu suivi, Christophe Moulin abat sa dernière carte : « Alors on entend tout, on voit tout, on lit tout sur Trump, mais là vous n’êtes pas for­cé­ment prêts à ce qui va suiv­re », et il lance la dif­fu­sion d’une par­o­die guer­rière d’une chan­son des Beach Boys que Don­ald Trump a relayée sur le réseau Truth Social.

À la fin de la chan­son­nette, il se tourne vers ses intervenants :

« Vous me sem­blez atter­ré, mon cher Benoist Bihan. »

Mais ce dernier ne tombe pas dans le pan­neau de la moquerie facile et il relève le niveau du débat en se con­cen­trant sur l’important :

« Eh bien, c’est-à-dire, la com­mu­ni­ca­tion de Trump est tou­jours un petit peu par­ti­c­ulière… Mais moi ce qui m’at­terre, c’est le fait que les Européens ne com­pren­nent tou­jours pas qu’il est temps de chang­er d’époque et de revenir dans l’his­toire, c’est-à-dire que l’on ne pour­ra pas con­tin­uer à se cacher der­rière les Améri­cains, que ce soit Trump ou un autre prési­dent demain. »

Dans ces séquences, les jour­nal­istes mon­trent une faible capac­ité d’é­coute et une atti­tude peu pro­fes­sion­nelle envers les experts qu’ils ont invités. Selon les cas, cela pour­ra amuser ou indis­pos­er le téléspec­ta­teur… ou l’inciter à fer­mer son poste.

Francesco

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