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France Culture : la promotion de l’immigration au cœur de l’information

20 février 2020

Temps de lecture : 9 minutes
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France Culture : la promotion de l’immigration au cœur de l’information

Temps de lecture : 9 minutes

Lors du débat qui l’a opposée à Éric Zemmour sur CNews le 10 février, la secrétaire d’État Marlène Schiappa s’est appuyée sur le démographe militant Hervé le Bras pour relativiser et minimiser l’ampleur de l’immigration en France. Cette référence à un universitaire partisan omniprésent dans les médias est révélatrice d’une véritable chape de plomb sur la question de l’immigration. Illustration par l’exemple sur France culture.

Si nos « élites » se for­gent leurs con­vic­tions sur l’immigration en écoutant France cul­ture, il y a peu de chances qu’elles s’écartent de la doxa dom­i­nante dans une grande par­tie du monde uni­ver­si­taire. Sur les ondes de France cul­ture, la con­tra­dic­tion sur ce sujet est en effet qua­si inex­is­tante. Les « spé­cial­istes » à qui la radio publique donne la parole peu­vent y exprimer tout à loisir un dis­cours que l’on peut résumer de la façon suiv­ante : la France accueille peu d’immigrés, elle les accueille mal et devrait en faire bien plus. Un mes­sage reçu 5 sur 5 dans les sphères du pou­voir macronien, à en juger par les chiffres de l’immigration qui aug­mentent con­sid­érable­ment ces dernières années en France. Les dif­férentes émis­sions que nous lis­tons témoignent de ce débat inter­dit sur les ondes publiques.

Des débats où le contradictoire est absent

Le 21 févri­er 2018, France cul­ture organ­ise une journée spé­ciale sur le thème « asile et immi­gra­tion : l’heure de vérité ? ». À 6h45, les invités sont Xavier Mar­tinet, auteur de « Ital­ie, face aux réfugiés, impen­sée ou cynisme européen » et Cather­ine With­ol de Wen­den, direc­trice de recherche au CNRS, une uni­ver­si­taire aux con­vic­tions immi­gra­tionnistes bien ancrées. Le débat est sans con­tra­dic­tion : on est dans le reg­istre de l’indignation face à ces méchants européens qui se bar­ri­ca­dent. À l’écoute des émis­sions et reportages qui ponctuent la journée, hormis l’intervention du Directeur de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, il devient évi­dent qu’il s’agit de don­ner une tri­bune à ceux qui cri­tiquent les très rares dis­po­si­tions restric­tives de la Loi asile et immi­gra­tion qui était présen­tée au con­seil des min­istres ce jour-là.

Le 5 mars 2019, le change­ment de la pop­u­la­tion française au 20ème siè­cle est abor­dé par François Héran.

Pro­fesseur au col­lège de France, soci­o­logue et démo­graphe, F. Héran est un fer­vent par­ti­san du mul­ti­cul­tur­al­isme. Selon lui, la pop­u­la­tion de la France mét­ro­pol­i­taine ressem­blera bien­tôt à celle de la Réu­nion. On aurait pu lui souf­fler le Liban, mais ce serait de mau­vais goût. Pour autant, dur­cir les con­di­tions d’entrée des étrangers aboutit à… « retarder leur inté­gra­tion », affirme-t-il à Libéra­tion le 7 novem­bre. On aura com­pris que la solu­tion est d’ouvrir en grand les frontières.

Le 29 mars, pour répon­dre à la ques­tion « pourquoi migr­er ? », l’unique invité de la chaine publique est François Héran. Il s’agit encore et tou­jours d’inscrire la migra­tion dans le cours nor­mal des phénomènes humains et de banalis­er l’immigration qui arrive en Europe.

Le 19 avril, à l’approche des élec­tions européennes, un débat est organ­isé autour de la ques­tion : « L’Europe a ‑t-elle trou­vé ses fron­tières ? ». Il réu­nit un jour­nal­iste de la Croix, a pri­ori pas favor­able aux méchants pop­ulistes qui veu­lent réduire l’immigration, le directeur de l’IFRI Thomas Gomart, et l’inévitable… François Héran. Le ver­ba­tim de la table ronde ne men­tionne aucune réti­cence sur l’attraction que représente l’Europe pour de nom­breux migrants.

Le 30 avril, pour démen­tir l’affirmation de Marine Le Pen selon laque­lle « les migrants sont trop rich­es », une phrase qu’elle n’a pour­tant pas pronon­cée — un mau­vais départ pour l’émission — l’unique invité est le directeur de France Terre d’asile. L’émission est en fait un argu­men­taire visant à ne mon­tr­er les migrants que comme des vic­times et non des acteurs ayant une stratégie visant à s’installer en France, légale­ment ou non. Un argu­men­taire sim­pliste voire pon­tif­i­ant courant dans les médias de grand chemin, que l’OJIM avait mis en évi­dence en août 2018 à pro­pos des mineurs étrangers.

Le 24 sep­tem­bre, le jour­nal­iste Jacques Munier con­sacre son bil­let du jour à la ques­tion : « Immi­gra­tion, le débat piégé ». Il s’appuie sur les travaux de…François Héran pour affirmer que la France est loin d’être le pre­mier pays européen pour les deman­des d’asile. Une con­tre vérité évi­dente alors que la France a dépassé en 2019 l’Allemagne pour se hiss­er en haut du « classe­ment », comme le soulig­nait le Point.

Le 7 octo­bre, un autre bil­let de Jacques Munier sur le thème « Immi­gra­tion : des chiffres et des faits », reprend une posi­tion du jour­nal Alter­na­tives économiques sur l’instrumentalisation de l’immigration (traduire : pos­er les vrais prob­lèmes que le poli­tique­ment cor­rect refuse d’aborder). L’inévitable François Héran est une nou­velle fois appelé à la rescousse pour min­imiser l’ampleur des flux migra­toires très impor­tants qui arrivent en France.

Le 6 novem­bre, Hervé le Bras, démo­graphe à l’INED, est invité pour débat­tre avec Claire Rodi­er, Direc­trice du GISTI (groupe­ment d’information et de sou­tien aux immi­grés) sur le thème : « immi­gra­tion, vers une refonte de la poli­tique d’accueil ? ». Hervé le Bras est égale­ment bien placé dans le pan­théon des uni­ver­si­taires de référence de France cul­ture ( et acces­soire­ment de Mar­lène Schi­ap­pa ). Peu importe que le géo­graphe Christophe Guil­luy l’ait accusé d’avoir écarté d’un revers de main les cri­tiques de sa con­sœur de l’INED Michèle Trib­al­at sur sa démarche méthodologique. Des biais méthodologiques qui acces­soire­ment abouti­raient à min­imiser l’immigration en France.

Le 29 novem­bre, c’est l’adjointe à la mairie de Paris chargée des réfugiés qui est invitée pour com­menter un reportage sur la « crise de l’accueil  »  des « exilés » à Paris. On aura com­pris qu’il est tabou de par­ler sur France cul­ture de « clan­des­tins » et d’une immi­gra­tion illé­gale qui se car­ac­térise par un afflux inces­sant, au nord de Paris comme ailleurs, en l’attente d’une de ces innom­brables « mis­es à l’abri ». On aura com­pris égale­ment qu’il con­vient de traiter de l’immigration comme d’un prob­lème de capac­ités d’accueil, for­cé­ment insuff­isantes. N’attendons pas de France cul­ture un reportage sous un autre angle plus gênant et de don­ner la parole à un riverain de ces quartiers où la délin­quance ne fait que se dévelop­per. Ne comp­tons pas non plus sur France cul­ture pour men­tion­ner l’information don­née par TV Lib­ertés selon laque­lle 40% des mis en cause dans des affaires de délin­quance en région parisi­enne sont de nation­al­ité étrangère, une pro­por­tion qui monte à 47% à Paris intra-muros.

Le 4 décem­bre 2019, pour débat­tre de « l’amélioration de l’accompagnement des mineurs étrangers », la radio publique a invité une soci­o­logue du lab­o­ra­toire Migrin­ter, peu sus­pecte de réti­cences vis-à-vis de l’immigration, une fonc­tion­naire du départe­ment des Vos­ges, soumise au devoir de réserve, et la direc­trice d’une asso­ci­a­tion, Adali Habi­tat. Le prob­lème posé est non pas l’explosion du nom­bre de jeunes étrangers qui se pressent aux guichets des ser­vices soci­aux des départe­ments, ni le coût con­sid­érable de leur prise en charge, mais un « meilleur accom­pa­g­ne­ment ». Un choix édi­to­r­i­al qui sem­ble s’inscrire dans l’ADN de France culture….

Lors de la « nuit des idées » le 31 jan­vi­er 2020, l’inévitable François Héran et Didi­er Leschi, Directeur de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, évo­quent le « débat impos­si­ble » sur l’immigration. Ras­surez-vous, le débat est tout à fait pos­si­ble entre gens de bonne com­pag­nie, surtout s’ils n’ont pas de diver­gences. Les argu­ments de François Héran lors du « débat » sont cen­trés sur la faible immi­gra­tion en France et la néces­sité de graver dans le mar­bre des droits impre­scriptibles à la migra­tion, ce qui per­me­t­trait d’éviter tout débat à ce sujet. Il fal­lait y penser. Didi­er Leschi porte la parole gou­verne­men­tale, on ne peut donc pas s’attendre à des pro­pos restric­tifs sur l’immigration de sa part, même s’il glisse que l’immigration africaine qui arrive en France est sou­vent très peu qualifiée.

Le 13 févri­er, pour évo­quer « les migrants face aux fron­tières mou­vantes », France cul­ture invite une juriste, Marie-Lau­re Basilien Gainche. La « mul­ti­pli­ca­tion des murs » est une réelle inquié­tude pour la chercheuse. Un con­stat que France cul­ture ne met­tra pas en rela­tion avec les man­i­fes­ta­tions des grecs excédés par l’invasion migra­toire sur les iles de la mer Egée, ni avec les inces­santes « mise à l’abri » de clan­des­tins au nord de Paris comme dans les autres villes français­es. En fait de fron­tières « mou­vantes », c’est plutôt l’absence de maitrise des fron­tières que con­sta­tent les riverains des innom­brables campe­ments de migrants. Un argu­ment totale­ment absent du « débat » organ­isé par la radio publique.

Les spécialistes orthodoxes

Par le choix de ses invités, France cul­ture définit une pen­sée ortho­doxe sur la radio publique. S’il ne s’agit pas de spé­cial­istes « offi­ciels », les invités récur­rents appar­ti­en­nent à un petit cer­cle qui cul­tive entre soi et com­mu­nauté d’idées. En creux, c’est une vision éthérée de l’immigration qui se des­sine, d’où est exclue toute con­sid­éra­tion sociale et cul­turelle. Elle s’inscrit dans une idéolo­gie où, comme le soulig­nait François Schw­er­er dans le dernier numéro de Poli­tique mag­a­zine : «  la libre cir­cu­la­tion des per­son­nes, la libre instal­la­tion en n’importe quel point du globe sont des droits fon­da­men­taux et quiconque voudrait les lim­iter ou sim­ple­ment les organ­is­er doit être com­bat­tu. (…). Cha­cun est libre…jusqu’au moment où sa lib­erté vient heurter celle du voisin ». Des heurts qui devi­en­nent de plus en plus fréquents ces derniers temps…

À côté des spé­cial­istes ortho­dox­es, les spé­cial­istes hétéro­dox­es sont royale­ment ignorés du ser­vice pub­lic de radio. Pour 10 pas­sages de François Héran sur France cul­ture, com­bi­en d’invitations de Michèle Trib­al­at, de Jean ‑Paul Goure­vitch, de Jean-Yves le Gal­lou ? Le cer­cle de l’orthodoxie sur France cul­ture appa­rait sin­gulière­ment restreint.

En novem­bre 2016, l’OJIM fai­sait le con­stat de l’absence de plu­ral­isme sur la radio publique (France inter, France cul­ture) sur le sujet de l’immigration. 4 ans plus tard, non seule­ment la sit­u­a­tion n’a pas changé, mais les élites au pou­voir ont repris, à l’image de Mar­lène Schi­ap­pa sur C News, les argu­men­taires déployés à longueur d’ondes sur la radio publique : il y a peu d’immigration en France, il n’y pas un prob­lème de nom­bre d’arrivées d’étrangers mais un prob­lème d’accueil. La « crise des migrants » est dev­enue la « crise de l’accueil des migrants ». Le gou­verne­ment en a tiré les con­séquences en aug­men­tant con­sid­érable­ment les capac­ités d’accueil et le bud­get dédié. C’est ce que l’on appelle un mag­istère moral médi­a­tique efficace…

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