Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Delphine Ernotte reconduite à France Télévisions : un troisième mandat entre transformation numérique et tensions sociales

6 juin 2025

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Delphine Ernotte reconduite à France Télévisions : un troisième mandat entre transformation numérique et tensions sociales

Delphine Ernotte reconduite à France Télévisions : un troisième mandat entre transformation numérique et tensions sociales

Temps de lecture : 4 minutes

Le 14 mai 2025, l’ARCOM a reconduit Delphine Ernotte pour un troisième mandat à la tête de France Télévisions, une décision inédite dans l’histoire de l’audiovisuel public français.

Cette recon­duc­tion, saluée par cer­tains pour sa con­ti­nu­ité stratégique, sus­cite néan­moins des inquié­tudes, notam­ment de la part des syn­di­cats. Dans un con­texte mar­qué par des restric­tions budgé­taires et une néces­saire adap­ta­tion au numérique, Del­phine Ernotte a dévoilé un plan, cen­tré sur la plate­forme France.tv et l’intégration de l’intelligence arti­fi­cielle, tout en affrontant des cri­tiques sur sa ges­tion sociale.

Une priorité stratégique : la transformation numérique

Depuis son arrivée en 2015, Del­phine Ernotte a fait de la trans­for­ma­tion numérique une pri­or­ité pour France Télévi­sions. Lors de son audi­tion devant l’ARCOM, elle a réaf­fir­mé que la plate­forme France.tv doit devenir la « pre­mière chaîne » du groupe, tous écrans con­fon­dus. Ce pro­jet s’inscrit dans une volon­té de capter les jeunes audi­ences, de plus en plus présentes sur les réseaux soci­aux. Ain­si, des for­mats nat­ifs pour YouTube, Tik­Tok et Insta­gram sont en cours d’expérimentation, notam­ment avec des fig­ures comme Élise Lucet. Par ailleurs, France.tv accueillera bien­tôt de nou­veaux parte­naires tels que Pub­lic Sénat, LCP, TV5 Monde et France 24, et pour­rait inté­gr­er des con­tenus audio de Radio France, ren­forçant ain­si son rôle de « hub cen­tral » de l’audiovisuel public.

L’intelligence arti­fi­cielle (IA) est un autre levi­er majeur de son plan. Face à un déficit prévu de 70 mil­lions d’euros en 2025, Del­phine Ernotte mise sur l’IA pour accroître la pro­duc­tiv­ité, notam­ment dans la pro­duc­tion et la dif­fu­sion de con­tenus numériques. Cette approche vise à préserv­er les bud­gets alloués aux pro­grammes, mal­gré les con­traintes finan­cières imposées par l’État. Elle sou­tient égale­ment le pro­jet gou­verne­men­tal de créa­tion d’une hold­ing com­mune pour l’audiovisuel pub­lic, qu’elle con­sid­ère comme une « arme de dis­sua­sion con­tre la privatisation ».

Une gestion sociale sous tension

Cepen­dant, ces ambi­tions se heur­tent à une forte oppo­si­tion syn­di­cale, en par­ti­c­uli­er de la part de la CGT. Dans un com­mu­niqué pub­lié le 15 mai 2025, le syn­di­cat dénonce un pro­jet « vio­lent et hos­tile aux salariés », cri­ti­quant une ges­tion mar­quée par une « absence totale d’empathie » et une volon­té de réduire les effec­tifs. La CGT dénonce la propo­si­tion de Del­phine Ernotte de rené­goci­er l’accord col­lec­tif de 2013, jugé trop rigide, pour favoris­er la « poly­compé­tence » et réduire les coûts. Selon le syn­di­cat, cette démarche risque de dégrad­er le mod­èle social de l’entreprise, en imposant des sup­pres­sions de con­gés, une remise en cause des automa­tismes salari­aux et une automa­ti­sa­tion accrue via l’IA, perçue comme une men­ace pour les rap­ports humains au sein de l’entreprise.

La CGT reproche égale­ment à Del­phine Ernotte un manque de trans­parence, notam­ment sur le pro­jet de hold­ing, et un dur­cisse­ment du man­age­ment au fil de ses man­dats. Si le pre­mier man­dat (2015–2020) a per­mis de pos­er les bases d’un dia­logue social, le sec­ond a été mar­qué par une « rigid­ité » et une « ver­ti­cal­ité » crois­santes, selon le syn­di­cat. Ce dernier craint que le troisième man­dat ne soit celui d’une « grande con­fronta­tion », avec des sup­pres­sions d’emplois et une déshu­man­i­sa­tion des con­di­tions de travail.

Un mandat à haut risque

Del­phine Ernotte, forte de son expéri­ence chez Orange et de son bilan à France Télévi­sions, se présente comme une dirigeante prag­ma­tique, déter­minée à adapter le groupe aux nou­veaux usages. Elle insiste sur l’importance de for­mer les salariés et de mod­erniser les métiers pour éviter des sup­pres­sions de postes à long terme. Cepen­dant, sa vision, axée sur l’efficacité économique et l’innovation tech­nologique, sem­ble dif­fi­cile­ment con­cil­i­able avec les attentes des syndicats.

Ce troisième man­dat pour­rait donc être sociale­ment explosif entre la néces­sité d’accélérer la trans­for­ma­tion numérique, de gér­er un déficit budgé­taire et de répon­dre aux cri­tiques sur son man­age­ment. Il lui restera du temps, soyons-en cer­tains, pour élim­in­er les « mâles blancs de plus de 50 ans » de l’antenne pour un rem­place­ment qu’elle appelle de ses vœux.

Rodolphe Cha­la­mel

Voir aus­si : Del­phine Ernotte, portrait

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés