Jeudi 27 novembre, la chaîne BFMTV avait mis les petits plats dans les grands pour fêter les 20 ans de son lancement. L’occasion de revisiter le roman de la chaîne pour tenter d’affirmer son image.
BFMTV aujourd’hui
Créée en 2005 par Alain Weill, BFMTV est depuis 2024 la propriété de l’homme d’affaires Rodolphe Saadé.
En termes d’audiences, BFMTV se classe aujourd’hui en seconde position des chaînes d’information en continu, nettement distancée par CNews. Si ce résultat n’est pas déshonorant, il ne correspond sans doute pas aux ambitions de son propriétaire, ni aux moyens mis en œuvre.
CNews est en dynamique, avec une ligne éditoriale quelque peu différente qui suscite une adhésion du public. LCI incarne clairement l’international, avec une part importante du temps d’antenne consacrée au conflit ukrainien et à ses conséquences. France Info TV est bien identifiée comme la chaîne du service public, couplée à la radio du même nom et bénéficiant des moyens de France Télévisions.
Or, malgré ses 20 ans d’ancienneté, l’image de BFMTV est moins nette que celle de ses concurrents. La chaîne a largement revu sa grille à la rentrée 2025. Elle ambitionne de reconquérir la place de leader de l’info en continu d’ici à la présidentielle 2027, et de devenir « un pôle de confiance ».
Le décor est planté
Il faut parfois se montrer opportuniste et mettre à profit le calendrier et les dates-événements. C’est ce qu’a fait BFMTV en réunissant ses journalistes emblématiques autour d’Alain Marshall et d’OlivierTruchot pour revenir sur 20 ans d’actualités.
Le résultat est une grande soirée de flash-backs et d’autopromotion, qui se décline autour de plusieurs thèmes : « 20 ans d’événements marquants », « 20 ans d’international », « 20 ans de BFM à vos côtés », « 20 ans d’actualité politique ». Le fil conducteur est de peaufiner l’image de BFMTV en racontant son histoire.
La construction d’un narratif
Le spectateur voyage ainsi agréablement sur des séquences qui sont restées en mémoire : la tempête Xinthia, le fiasco de l’équipe de France de football à Knysna, les manifestations contre le mariage pour tous, l’affaire Strauss-Kahn, la mort de Johnny Hallyday, le mondial 2018, les gilets jaunes, l’incendie de Notre-Dame. L’expérience et le savoir-faire de la chaîne sont mis en avant, les coulisses du travail des journalistes et des techniciens sont quelque peu dévoilées.
Cependant, il est difficile d’éviter l’écueil de l’autosatisfaction dans ce genre d’exercice. BFMTV ne l’évite pas et se présente comme une chaîne de défricheurs, précurseur sur le changement climatique, donnant le ton lors des matinales, qui n’a jamais transigé sur les principes, et qui laisse une grande liberté à ses journalistes.
Pour prendre un exemple, la chaîne s’enorgueillit d’avoir organisé le débat entre Ségolène Royal et François Bayrou entre les 2 tours de la présidentielle de 2007. Or, ce débat entre le second et le troisième du premier tour n’a pas laissé un souvenir impérissable, et l’expérience n’a jamais été renouvelée.
Priorité au direct
Selon les deux animateurs, la marque de fabrique de la chaîne est résumée dans le slogan « priorité au direct ». Il s’agit d’installer auprès du public le réflexe BFMTV, pour s’informer en direct à tous moments, de façon neutre et factuelle, sur tous les grands événements français et mondiaux. Les différents intervenants évoquent le professionnalisme, la réactivité, et les moyens qui peuvent être dépêchés rapidement sur tout théâtre d’événement.
À l’appui, nous voyons François Hollande expliquer qu’il a regardé BFMTV lors des attentats de 2015. Même le président a eu le réflexe BFMTV aux heures les plus difficiles ! L’affaire Strauss-Kahn est aussi citée comme ayant contribué à installer ce réflexe ; malgré le décalage horaire, les téléspectateurs, curieux et abasourdis, ont pu suivre comme en direct les pérégrinations judiciaires de celui qui était alors le favori de la présidentielle.
CNN à la française ?
La chaîne américaine, qui est citée plusieurs fois comme référence, serait le modèle de ce journalisme de l’image et des faits, un modèle très contesté outre-Atlantique où la chaîne est considérée comme partisane et pro-démocrate. Par ailleurs, le modèle CNN s’est développé dans les années 80 et 90, et il se trouve aujourd’hui sévèrement concurrencé, notamment par les plateformes de streaming et les réseaux sociaux. La référence n’est peut-être pas la mieux choisie, BFMTV devrait se souhaiter une autre trajectoire que celle de CNN qui connaît actuellement de sérieuses difficultés.
Voir aussi : CNN en crise, Warner Bros. Discovery se scinde en deux entités
Francesco Bargolino
















