Porté par Antoine de Caunes, Vieux promet de « réinventer » le regard sur l’âge. Trimestriel de 130 pages vendu 7,90 €, il mêle interviews prestigieuses, « lifestyle et clins d’œil pop ». L’anti-âgisme revendiqué vire souvent à une nostalgie chic, au bénéfice d’un lectorat aisé.
De Caunes, moteur et filtre
À 70 ans, figure des années Canal+, Antoine de Caunes incarne Vieux avec son mélange éprouvé d’ironie et de rock policé. « L’appétit d’un môme de 20 ans », dit-il. Le dispositif s’appuie sur des proches et des familiers du plateau (José Garcia, Florence Foresti, Patrice Leconte). L’effet est précis : un public baby-boomer urbain, rôdé aux références communes, trouve un miroir flatteur. La promesse d’assumer l’âge se heurte toutefois aux codes de l’anti-âge. On plaisante sur les articulations, on loue l’hédonisme maîtrisé, on effleure la chirurgie esthétique. L’irrévérence annoncée ressemble parfois à un guide pour bien vieillir quand on a les moyens. L’invitation au « dialogue entre générations », polémique à la mode, reste aimable, rarement contradictoire…
Cette mécanique a ses vertus. De Caunes sait écouter, relancer, poser des questions simples. Belles pages, photos léchées, rubriques « bonnes choses »… Un magazine fait par des pros mais qui manque d’âme.
Anti-âgisme de surface, classes populaires s’abstenir
Vieux revendique la lutte contre l’âgisme. La revue aborde l’âge comme un malentendu culturel plus que comme un conflit social. En revanche on parle à des vieux riches ici : pas ou peu de dossiers sur le chômage des « seniors », la pénibilité, la dépendance… Les retraités précaires et les travailleurs usés n’ont probablement pas 7,90 euros à injecter dans ce canard tous les mois. L’injonction au « rester jeune » redevient norme dominante. Les grands entretiens avec des acteurs populaires (Auteuil, Garcia) peuvent aguicher le tout-venant tandis que les pages « lifestyle » rappellent les magazines de publicité des avions : vins, crèmes, objets, adresses.
Côté modèle, la logique est celle de la « silver économie ». Les plus de 50 ans restent lecteurs du papier et ciblés par les annonceurs. Édité par CMI France de Daniel Křetínský, le titre se place sur une niche rentable : les seniors qui refusent l’étiquette. Le nom « Vieux » assume pour un titre qui se contente de lustrer les souvenirs communs en évitant les angles qui frottent.
Un magazine « adulescent »
La posture publique d’Antoine de Caunes, « éternel adolescent » devenu crooner tempéré, sert la promesse de continuité avec comme caution jeune-vieux celui qui a raté sa reprise du Grand Journal sur Canal + en 2013. L’irrévérence se limite à l’autodérision ou à des poncifs éculés. Les invités sont traités avec « bienveillance ». Le lecteur ne risque rien, très loin de l’ambition de « réinventer le regard ». Magazine de connivence, élégant et feutré, qui vend une maturité heureuse, il est un journal de socle commun qui peut durer mais ne pourra pas percer.
Rodolphe Chalamel


















