À 85 ans, Alain Duhamel, figure biblique du journalisme politique, annonce sa retraite avant de se raviser. Il rejoint RTL et reste sur BFMTV pour des interventions hebdomadaires, prolongeant une carrière de 60 ans.
Faux départ, vrai retour
Alain Duhamel, surnommé « l’intervieweur des présidents », a surpris en annonçant, en septembre 2024, sa retraite après six décennies dans le journalisme au service des élites.
Pourtant, le 3 juillet 2025, après sa dernière émission quotidienne sur BFMTV, il révèle un revirement : il rejoint RTL pour commenter l’actualité chaque lundi à 9h10 dans la matinale et continuera d’intervenir sur BFMTV le vendredi. Ce faux départ illustre sa passion indéfectible pour le métier, malgré les injonctions de sa femme qui l’aurait poussé à « lever le pied ».
Un dinosaure des médias
« J’ai toujours travaillé douze heures par jour. Ça sera davantage deux heures par jour », confie-t-il au Parisien en dessinant les contours de ce qui s’apparente à une préretraite.
Alain Duhamel a traversé l’histoire médiatique française. Dès les années 1960, sous de Gaulle, il débute au Monde, couvrant l’élection présidentielle de 1965. Il coanime des émissions cultes comme À armes égales (1970, ORTF), Cartes sur table (1977–1981, Antenne 2), L’Heure de vérité (1980–1990, Antenne 2 puis France 2) et 100 minutes pour convaincre (2002–2005, France 2). Observateur des présidents, de Pompidou à Macron, il s’est imposé comme une référence.
Son parcours est aussi jalonné d’une certaine petitesse qu’il a toujours du mal à assumer.
En 2007, il est accusé de partialité pour avoir exprimé, hors antenne, un vote en faveur de François Bayrou, ce qui lui vaut une suspension temporaire de France 2. Dix-huit ans plus tard, au moins peut-il avoir la satisfaction de voir son champion à la tête de Matignon !
Alain Duhamel est aujourd’hui une relique d’un monde passé, ce qui donne un vernis de sagesse à ses analyses. Entré au Panthéon des dinosaures médiatiques comme feu Jean-Pierre Elkabbach, il fait partie des rares octogénaires encore en activité à l’image de Michel Drucker et peut-être demain de Jean-Pierre Foucault…
Une famille médiatique, politique et influente
Même après sa carrière, l’empreinte Duhamel restera, si ce n’est avec lui, cela sera avec sa famille. Son neveu, Benjamin Duhamel, journaliste à BFMTV fraîchement débarqué sur France Inter, a rendu un vibrant hommage à son oncle lors de sa dernière émission, saluant son « énergie » et son « acuité ». Sa nièce, Nathalie Saint-Cricq, est éditorialiste à France Télévisions, tandis que son frère, Patrice Duhamel, a été directeur général de France Télévisions. Cette dynastie médiatique illustre l’influence du clan Duhamel dans la sphère médiatique.
Un peu de ministres
Une famille qui n’est pas non plus absente des sphères politiques et patronales. Ainsi, l’ancienne ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (2022–2024) et brièvement ministre de l’Éducation nationale Amélie Oudéa-Castéra est la nièce d’Alain Duhamel.
Dominique Duhamel, mère d’Amélie Oudéa-Castéra, est par ailleurs une ancienne directrice des ressources humaines du groupe Safran et a été membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE) jusqu’en 2021, nommée par le MEDEF. Elle est mariée à Richard Castéra, ancien haut fonctionnaire et directeur de Publicis.
À 85 ans, Alain Duhamel confie au Figaro son appréhension face à un changement de rythme induit par la retraite : « Peut-être que ça va me faire mourir. » Pourtant, sa consœur Catherine Nay l’affirme : « Il n’arrêtera pas. Tant qu’il fait ça, c’est la vie. » Ce retour sur RTL et ce faux départ de BFMTV prouvent que, pour Alain Duhamel, le journalisme ce sera probablement jusqu’à la mort. Ses détracteurs estimeront pour leur part que même pour son départ, Alain Duhamel n’aura pas pu s’empêcher de travestir la réalité, la force de l’habitude ?
Voir aussi : Alain Duhamel, portrait
Éric Saint-Léger
















