À plus de 50 ans, Thomas Lemahieu, qui se présente comme Grand reporter et journaliste au Pôle enquêtes à L’Humanité, s’est taillé une petite notoriété en s’acharnant sur l’homme d’affaires conservateur Pierre-Édouard Stérin. Entre croisades contre les droites radicales et militantisme assumé, il trempe ses plumes dans l’encre rouge.
Formation à l’ESJ de Lille
Thomas Lemahieu, c’est l’histoire d’un homme qui a pris son temps pour se faire un nom. Né dans les années 1970, il entame son parcours par un DEUG en Sciences de la communication, Philosophie et Sociologie à l’Université de Liège (1991–1993), suivi d’un Erasmus à Bologne en 1994, où il décroche un diplôme en Sciences de la communication et Sémiologie. De retour à Liège pour une cinquième année d’études, il boucle son cursus en 1996 avant d’intégrer la très gauchère École Supérieure de Journalisme de Lille (72ème promotion). À l’aube de la trentaine, en 1998, il pose enfin ses valises à L’Humanité, journal communiste déjà en difficulté et sous perfusion d’argent public.
Voir aussi : Écoles de journalisme : l’ESJ Lille, école supérieure de formatage
L’Humanité, c’est dans les vieux pots…
Depuis son arrivée à L’Humanité, Thomas Lemahieu s’est forgé une identité de journaliste militant, un pied dans la rédaction, l’autre dans les luttes sociales. Pendant plus de vingt ans, il navigue entre les rubriques Luttes/Éco-Social et Monde, couvrant les injustices sociales et les soubresauts internationaux avec une ferveur toute communiste. En 2022, il rejoint le service Enquêtes et Investigations, un tournant qui lui permet de prendre un peu la lumière. Il s’échine dès lors à se trouver quelques boucs émissaires dans la plus pure tradition communiste !
Ses articles, comme ceux sur des organisations de jeunes militants nationalistes (concernant parfois quelques dizaines de personnes seulement), le projet Périclès ou l’exil fiscal de Pierre-Édouard Stérin en Belgique, sont autant de flèches tirées avec une obsession qui frôle la monomanie. On pourrait presque croire que Lemahieu a trouvé en Stérin son Moriarty personnel, un adversaire à sa mesure pour briller enfin sous les projecteurs. Sur la toile et dans la presse, Thomas Lemahieu n’avait avant cette éclosion tardive qu’une existence très limitée avec un petit article dans Le Monde Diplomatique (2009) ou une modeste contribution à des ouvrages comme La France invisible (2006) et Les Grecs contre l’austérité (2015).
Dans une vidéo du compte YouTube de L’Humanité, Thomas Lemahieu relate son expérience à la soirée évènement du JDD du 25 novembre 2025. Tout d’abord, le journaliste qualifie la soirée de « meeting ». Il mentionne « Philippe de Villiers, le créateur du Puy du Fou, auteur de très nombreux livres à succès, enfin qui se vendent en tout cas », relativise-t-il. Thomas Lemahieu analyse ensuite les discours et thèmes abordés pendant la soirée et critique la ligne éditoriale du groupe Bolloré :
« Je pense qu’il faut dire que les médias Bolloré sont là pour faire délirer le réel. Ils utilisent des morceaux du réel pour les gonfler, les boursoufler […] pour faire peur, fédérer les gens qui auraient peur et partir éventuellement à la guerre ».
Les thèmes abordés sont qualifiés « d’obsessions de l’extrême-droite ». Le journaliste ajoute :
« Ils les ont toutes (les obsessions) eues […] On a parlé de l’éducation dans cette mouvance qui considère que, dans l’éducation, il n’y a plus rien qui va. Leur solution est de créer des écoles “libres” comme ils disent… Des écoles libres, hors contrat et souvent catholiques ».
Deuxième obsession, selon le journaliste : la justice. Thomas Lemahieu qualifie tous les intervenants du débat — dont Harmonie Comyn, veuve d’un gendarme tué par un chauffeur multirécidiviste — de « coalition d’extrême droite ». Il s’amuse également des intervenants qui, selon lui, considèrent la justice comme étant aux mains « de juges rouges ». Thomas Lemahieu mentionne également L’Institut pour la justice, « un lobby extra-sécuritaire de cette coalition », selon lui.
Un militant déguisé en journaliste, volontiers invité
Lemahieu ne se contente pas d’écrire. Délégué syndical au SNJ, il s’inscrit dans un combat politique ancré à la gauche de la gauche comme en témoigne ses collaborations avec des organisations comme le CADTM, le Comité pour l’Abolition des Dettes illégiTiMes ou ATTAC. Mais, hors des niches médiatico-associatives, c’est sa croisade contre Pierre-Édouard Stérin qui lui permettra d’investir les plateaux télévisés.
Il est ainsi invité à des émissions sur Mediapart et Public Sénat et ailleurs, où il dissèque le cas de l’homme d’affaire « catholique » avec une délectation presque théâtrale. On relèvera ici que la religion du personnage est accolée au label « milliardaire » sans trop de gêne… On imagine mal pareille appellation avec un milliardaire de confession israélite.
Sur les réseaux sociaux (Mastodon, Blue Sky et dans une moindre mesure X qu’il semble bouder), il relaie ses croisades avec une régularité de métronome, cultivant une audience confidentielle et relayant des visuels qui, avec d’autres personnalités qu’un « homme d’affaire catholique » lui ferait frôler la 17ème chambre (on pense notamment à Pierre-Édouard Stérin en vampire). Surfant sur la peur de « la montée de l’extrême droite », il explore par ailleurs les méandres des organisations nationalistes ultra groupusculaires en traitant notamment de l’organisation Les Hussards. Un article dans lequel il copie les informations relayées par les organisations dites « antifascistes » et surjoue une menace de « militants néonazis » qui se trouvent être une petite vingtaine à Paris.
En septembre 2025, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin a renommé sa holding de tête : « La Lemahieu Holding » du nom du journaliste de L’Humanité qui enquête depuis deux ans sur ses projets. Cette nouvelle « holding de tête » est dotée d’un capital de 1,395 milliard d’euros, une somme provenant des actions de sa holding historique en Belgique, dénommée BAD 21.
Pierre-Édouard Stérin l’a d’ailleurs prévenu par mail le 28 août 2025 de sa démarche dans un mail : « Cher Monsieur, j’ai été très sensible à la très grande attention que vous avez bien voulu porter à mes activités sur les dernières années. Je suis certain que vous apprécierez en retour le nom que j’ai donné à ma holding de tête », ironise-t-il, accompagnant sa missive d’un document démontrant l’affiliation de la Lemahieu Holding à la Fédération patronale interprofessionnelle belge.
Fabien Gay, directeur du journal L’Humanité, a réagi à cette affaire en déclarant :
« Nous n’accepterons pas que nos journalistes soient menacés parce qu’ils font leur travail et nous apportons tout notre soutien à Thomas Lemahieu face à ce que nous considérons comme une provocation inacceptable, voire une tentative d’intimidation. »
La notoriété tardive d’un justicier mono-obsessionnel
À plus de 50 ans, Thomas Lemahieu était encore il y a peu un parfait inconnu du grand public. Ses passages télévisés témoignent de son manque d’expérience en la matière. La voix peu assurée, le visage rougeaud (comme il sied à L’Huma) un peu usé d’un journaliste peu rompu aux lumières des projecteurs trahissent une petite célébrité tardive obtenue au forceps. Grâce à une niche confortable dans un contexte de véritable chasse au Picsou, il s’assure avec son rôle de justicier mono-obsessionnel contre Stérin, une modeste rente éditoriale. Avec au moins vingt-cinq articles consacrés à celui-ci dans l’Humanité et désormais pas mal d’heures de tournage, il a trouvé sa niche écologique. Le journal, lui en a publié encore plus et tente de surfer sur le phénomène mais pour l’heure il ne semble pas que les ventes, toujours faméliques, de ce titre en profitent. Pourtant le quotidien communiste s’était montré plus docile avec des milliardaires par le passé, on pense notamment à l’ouverture de ses colonnes à un certain Pierre Bergé « Homme de presse et de culture », grand financier de la gauche et mis en cause régulièrement pour des pratiques pour le moins obscures ou des recommandations https://www.ojim.fr/lindignation-a-deux-vitesses-de-pierre-berge/ surprenantes comme celles de considérer le ventre des femmes comme une marchandise comme une autre en cas de GPA Ou au milliardaire rouge Jean-Baptiste Doumeng, grand financier du PCF, spécialiste des échanges agricoles entre la France et l’Union Soviétique des années 1960/70/80. Il est vrai que l’ami Jean-Baptiste avait un bureau à Moscou…
Toutefois, si L’Humanité prétend que Pierre-Édouard Stérin cherche à intimide voire menacer ses journalistes, Thomas Lemahieu a fait du milliardaire sa nouvelle tête de turc en témoigne ses cinq stories à la Une sur son compte Instagram surnommées : « Stérin miné » et ses 40 articles et vidéos consacrés au milliardaire franco-belge.
Le journaliste met même par deux fois dans sa story à la Une la photo d’un faux mannequin avec le portrait de Pierre-Édouard Stérin dessus en train de brûler ! Le message est clair, la déontologie journalistique un peu moins.
Voir aussi : Les aides de l’État au journal L’Humanité
Rodolphe Chalamel
Première diffusion le 11 juin 2025, édité le 4 décembre 2025.


















