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Ryszard Kapuscinski, grand reporter polonais à l’honneur

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13 janvier 2019

Temps de lecture : 4 minutes
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Ryszard Kapuscinski, grand reporter polonais à l’honneur

Temps de lecture : 4 minutes

Son nom est un peu compliqué à prononcer en français mais il est connu sous le diminutif plus facile de Kapu. Il est dans l’actualité en 2019 avec un film qui sortira fin janvier et un livre paru en 2014 et réimprimé chez Flammarion en 2018, avec une excellente préface de Pierre Assouline.

Kapu alias Rysiek pour les intimes

Né en 1932 à Pin­sk alors polon­aise mais main­tenant en Biélorussie, il a la chance de tra­vailler dès l’âge de 24 ans pour l’agence de presse offi­cielle de la Pologne, PAP. Il a mon­tré pat­te blanche et a don­né des gages en adhérant au par­ti en 1952. Il y est le seul grand reporter, avec très cer­taine­ment l’obligation de ren­dre compte aux autorités de ce qu’il a vu et sans doute par­fois d’effectuer des mis­sions cor­re­spon­dant aux intérêts de la Pologne soviétisée de l’époque. Nous y reviendrons.

Mais au fond là n’est pas le plus impor­tant, il va pen­dant près de quar­ante ans par­courir un monde en flammes. La plu­part des guer­res civiles en Afrique, Con­go, Ango­la, les con­flits liés à la décoloni­sa­tion. Mais aus­si le Chili, l’Éthiopie, le Brésil, l’Iran, le Mex­ique, la fin de l’Union Sovié­tique entre 1989 et 1992. Il mour­ra en 2007 dans l’inquiétude de voir son dossier des ser­vices secrets ressortir.

Des modèles de reportages

Il tire de ses voy­ages des reportages qui sont autant de chefs d’œuvre. La Guerre du foot (1978), guerre sportive entre le Hon­duras et le Sal­vador en 1969, dans le cadre de la pré­pa­ra­tion de la coupe du Monde au Mex­ique l’année suiv­ante. Cent heures de guerre, finale­ment c’est le Sal­vador qui gagne (3–2) la qual­i­fi­ca­tion au Mex­ique après 6000 morts et quelques cen­taines de mil­liers de déplacés.

Mais aus­si le Négus (1978), con­clu­sion de qua­tre séjours en Éthiopie entre 1963 et 1977, les derniers après la chute de l’empereur en sep­tem­bre 1974. Une descrip­tion hal­lu­ci­nante de la cour d’Hailé Sélas­sié, des rites désuets ou grotesques qui l’entourent, de sa fin et de ses derniers mois (il meurt de mal­adie en décem­bre 1975) alors que l’empereur déchu est per­suadé d’être encore au pouvoir.

Ou encore le Shah (1979, puis com­plété en 1982), chronique à la fois sèche et empathique de la révo­lu­tion islamique et de la chute du monar­que. Il faudrait tout citer. Le fort vol­ume pub­lié chez Flam­mar­i­on est une excel­lente occa­sion de se famil­iaris­er avec ces reportages qui gar­dent toute leur actu­al­ité et qui sont l’œuvre d’un grand écrivain.

Another Day in life

Mais le jour­nal­iste a aus­si vécu les derniers jours à Luan­da en novem­bre 1975, juste avant l’indépendance de l’Angola. Au moment où l’Union Sovié­tique (avec son bras armé cubain) soute­nait le MPLA con­tre le FNLA et l’UNITA soutenus par les États-Unis et l’Afrique du Sud, Kapu part en Ango­la (peut-être sur demande des ser­vices polon­ais). Il rejoint la ligne de front, voit les attaques sud africaines, le débar­que­ment cubain et la vic­toire pro­vi­soire du MPLA, prélude à plus de vingt ans de guerre civile. Il en tir­era D’une guerre l’autre (1976) porté à l’écran sous le titre anglais Anoth­er day in life.

Un film de semi-ani­ma­tion, très fidèle au texte et à l’esprit du livre. Mélange d’animation et de pris­es de vue réelles (d’époque ou con­tem­po­raines), le film est un drame ani­mé où revient le mot por­tu­gais con­fusao (con­fu­sion). Une guerre où l’on a du mal à savoir qui est qui, où les rumeurs les plus folles courent à un moment où les por­tu­gais fuient en masse pour ne pas être massacrés.

Kapu est spec­ta­teur mais aus­si acteur : le pre­mier à con­naître l’intervention cubaine, il choisit de la pass­er sous silence pour ne pas nuire au MPLA. Sans doute pas sur ordre, les com­mu­ni­ca­tions sont trop dif­fi­ciles, mais il lui est facile de devin­er où vont les vœux et les intérêts de l’agence PAP dans une Pologne soviétisée. Un point que le film passe totale­ment sous silence. Visuelle­ment le film est très réus­si, alter­nant ani­ma­tions et entre­tiens contemporains.

Remar­quons que les sym­pa­thisants com­mu­nistes (par­fois jour­nal­istes, par­fois com­bat­tants ou les deux) du MPLA de l’époque ont tous choi­sis de ren­tr­er ou de s’exiler au Por­tu­gal, l’Angola de leurs rêves s’est évaporé.

  • Ryszard Kapus­cin­sky, Œuvres, Flam­mar­i­on (2014), 1475 pages, 35 €
  • Anoth­er Day in life, un film de Raül de la Fuente et Dami­an Nenow, sor­tie le 23 jan­vi­er 2019, 1h25
  • D’une guerre l’autre, Ango­la 1975, Flam­mar­i­on (2011), 208 pages, 17 €

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