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7 novembre 2022

Temps de lecture : 10 minutes

7 novembre 2022

Accueil | Portraits | Régis Le Sommier

Régis Le Sommier

Temps de lecture : 10 minutes

La guerre dans les yeux

« Ma démarche n’est pas idéologique ni explica­tive ! Je ne fais que racon­ter ce que je vois », L’In­cor­rect, 15/10/2020.

Fils d’un officier sous-marinier ayant grandi à Cherbourg, le nom de Le Sommier se confond presque avec les reportages de Paris Match, dont il a hanté la rédaction pendant vingt-cinq ans et dont il n’est jamais très loin. Fasciné par l’armée, l’homme se découvre une vocation de reporter de guerre qui le fera arpenter les principaux champs de bataille du XXIe siècle (Irak, Syrie, Afghanistan, Haut-Karabagh) et glaner des entretiens remarqués, en particulier ceux de Bachar El-Assad en 2014 et 2019.
Si la guerre le rattrape jusqu’à son fauteuil d’éditorialiste sur RT France, qu’il est bien forcé de délaisser quelque mois après avoir rallié la chaîne, l’homme ne manque pas de munitions : à la tête de son nouveau « média d’investigation 100 % digital », Omerta, il entend continuer à faire front dans la guerre de tranchées médiatique.

Chose rare, l’homme revendique son iden­tité bre­tonne et par­le même le bre­ton, qu’il a appris lors de “cours sauvages” dis­pen­sés à Paris-Dauphine. Il inter­vient régulière­ment sur Europe1 et CNews depuis 2021, en par­ti­c­uli­er pour com­menter l’actualité inter­na­tionale et pro­mou­voir ses pro­pres reportages.

Formation universitaire

Il suit la for­ma­tion de mousse dis­pen­sée par l’École navale. Après le bac, il s’engage dans une licence d’histoire. Hési­tant sur son avenir, il entre en deux­ième année à Sci­ences-Po où il achèvera son cur­sus par un mas­ter en com­mu­ni­ca­tion médias obtenu à Lyon (1993–1995).

Parcours professionnel

1992

Il doit effectuer un stage entre sa deux­ième et sa troisième année de Sci­ences-Po. Il atter­rit donc à Paris Match un peu par hasard par l’entremise de Patrick Mahé, alors rédac­teur en chef du mag­a­zine et ami de son père. Il pige pour le magazine.

1994

De nom­breuses piges plus tard, il pub­lie son pre­mier papi­er signé dans l’hebdomadaire. Fasciné par les reporters de guerre et par leurs anec­dotes qui ponctuent les con­seils de rédac­tions, le jeune jour­nal­iste décide d’en faire sa voca­tion. Au fil des ans, il cou­vre notam­ment sur la vague de le sui­cide col­lec­tif de l’Ordre du Tem­ple solaire (1994), l’attentat du World Trade Cen­ter (2001) ou encore les atten­tats islamistes de Bali (2002) et Casablan­ca (2003).

2003–2009

Il est le cor­re­spon­dant per­ma­nent du jour­nal aux aux Etats-Unis. Pen­dant cette péri­ode, il décroche des entre­tiens en tête-à-tête avec les prési­dents George W. Bush et Barack Oba­ma, mais aus­si des per­son­nal­ités comme Col­in Pow­ell, Dick Cheney ou encore Don­ald Rums­feld. A son retour, il est pro­mu directeur adjoint du journal.

Il réus­sit, avec un cer­tain culot et au grand dam du Quai d’Orsay, à obtenir un entre­tien avec Bachar El-Assad en novem­bre 2014 alors que la guerre en Syrie fait rage, puis un deux­ième avec le raïs en novem­bre 2019.

2014

Il com­mence à enseign­er au CELSA, l’école de com­mu­ni­ca­tion de la Sorbonne.

Été 2021

Après un départ houleux pour incom­pat­i­bil­ité d’humeur entre Hervé Gat­tég­no, éphémère patron de Paris Match et du JDD, par­tie prenante dans l’affaire Mimi Marchand/Takkiedine, Régis le Som­mi­er trou­ve un point de chute chez RT France.

Février 2022

Le reporter de guerre est, bien que de manière tout à fait inat­ten­due, rat­trapé par elle en cet hiv­er 2022. La guerre rus­so-ukraini­enne déclenche l’interdiction de dif­fu­sion de la chaîne dans l’espace européen, une déci­sion qui sus­cite l’incrédulité du reporter :

« Je n’ai aucune naïveté : RT France est un média d’influence russe ; cela étant, il n’a pas de car­ac­tère fon­da­men­tale­ment pro­pa­gan­diste. J’ajoute que la France et la Russie ne sont pas offi­cielle­ment en guerre. Cette inter­dic­tion ne me sem­ble donc pas jus­ti­fiée » (Valeurs Actuelles).

Novembre 2022

Il lance un nou­veau média en ligne, réplique con­ser­va­trice à Brut et Blast, bap­tisé « Omer­ta » dont il est le directeur de la rédac­tion, sec­ondé dans sa tâche par une anci­enne jour­nal­iste de BFM TV et LCI, Aïcha Hmis­si. Dès le mois d’octobre, c’est Le Figaro qui, le pre­mier, salue en pre­mier l’initiative et les thèmes de prédilec­tion de la nou­velle plate­forme, à savoir « l’im­mi­gra­tion, du wok­isme et de la sécu­rité ». L’actualité inter­na­tionale n’est pas en reste, dans la droite lignée des reportages de Le Som­mi­er, avec des incur­sions dans les théâtres de guerre brûlants du Haut-Karabagh et du Don­bass. La Let­tre de l’Audiovisuel , elle, s’attarde sur les réseaux LR, d’obédience rus­sophile, qui sont à la manœu­vre der­rière la créa­tion d’Omer­ta. Nous sommes toute­fois loin de l’entourage d’extrême-droite que dépeignait Libéra­tion dans un papi­er résol­u­ment à charge quelques mois plus tôt.

Vie privée

Deux fois divor­cé, il est père de trois enfants, dont deux garçons nom­més Tris­tan et Antoine.

Publications

  • Les Damnés du Pres­tige, Lat­tès, 2003.
  • L’Irak n’existe plus, Édi­tions du Tou­can, 2008.
  • David Petraeus, un beau jour dans la val­lée du Tigre, Erick Bon­nier, 2012.
  • Les Mys­tères d’ Du temps du deuil à la quête de la vérité, Michel Lafon, 2014.
  • Daech, l’histoire, La Mar­tinière,
  • Emmanuel Faux, Thomas Legrand et Gilles Perez, La Main droite de Dieu : Enquête sur François Mit­ter­rand et lextrême, La Mar­tinière, 2016.
  • Les Mer­ce­naires du cal­ife, La Mar­tinière, 2016.
  • Assad, La Mar­tinière, 2018.
  • La vérité du ter­rain. Réc­its d’un reporter de guerre, Bouquins, 2018.

Récompenses

  • 2017 : Grand Prix de la Presse Inter­na­tionale (Asso­ci­a­tion de la Presse Étrangère)
  • 2018 : Prix de la meilleure enquête jour­nal­is­tique (Syn­di­cat des édi­teurs de la presse mag­a­zine et de Relay)

Il l’a dit

« Pour les Améri­cains, le jour­nal­iste est un mal néces­saire. Avec l’armée française, les choses sont beau­coup plus floues : on peut être éjec­té d’un reportage pour un papi­er qui a déplu à un supérieur. Sur le plan poli­tique aus­si, les choses dif­fèrent beau­coup. J’ai inter­viewé Bush en mai 2004 en tête-à-tête à la Mai­son-Blanche après le début de la guerre d’Irak. Toutes les ques­tions peu­vent être posées. Cela dure dix-sept min­utes. Une heure et demie après, on me four­nis­sait le script de l’entretien, où rien ne man­quait. Ils ne m’ont jamais demandé à relire l’entretien. Don­ald Rums­feld, qui n’est pas sim­ple, n’a jamais non plus demandé à relire un entre­tien. Ici, les hommes poli­tiques sont incroy­ables. Récem­ment, François Bay­rou nous a appelés cat­a­strophé à cause d’une ligne dans une inter­view où il dis­ait qu’il préférait Hervé Morin à Yves Jégo… […]Voilà pourquoi nous inci­tons nos jour­nal­istes à écrire des papiers avec des cita­tions plutôt que des entre­tiens. Nous en sommes réduits à ça… », Bre­tons Mag­a­zine, 19/01/2015.

« Le ter­rain est devenu inac­ces­si­ble à la plu­part des experts et jour­nal­istes. Ce déficit est com­pen­sé par le recours aux infor­ma­tions relayées par les réseaux soci­aux. Or ces derniers ne font sou­vent que dif­fuser la pro­pa­gande d’un camp ou d’un autre, et l’on ne voit aujourd’hui du con­flit [syrien] que ce que les acteurs veu­lent bien nous laiss­er voir », Jeune Afrique, 23/02/2018.

« Com­bi­en de fois il m’est arrivé au bout du monde de tomber sur quelqu’un qu’on me désig­nait comme « le » Français établi dans le coin, ayant ouvert un restau­rant prisé ou créé une attrac­tion orig­i­nale ! Pra­tique­ment à chaque fois, il s’agissait d’un Bre­ton. Il existe chez nous un puis­sant besoin de par­tir qui s’accommode sans prob­lème avec l’attachement aux racines. S’en aller n’est pas renier ou effac­er. En s’installant au-delà des mers, on emporte avec soi un petit bout de l’endroit où l’on a gran­di qui, si l’on ne revient pas, se trans­forme dans l’imaginaire au fil des généra­tions, mais ne dis­paraît jamais », Ces bre­tons qui ont fait la France, pp 6–7, Gras­set, 2018.

« À l’époque de l’interview dans Match, j’avais eu droit dans Le Monde à une étude com­par­a­tive avec l’interview d’Hitler réal­isé en 1936 par Bertrand de Jou­venel… Hitler était Hitler, soit, mais Jou­venel était un jour­nal­iste admi­ra­teur des régimes fas­cistes ! Sur Europe 1, Lau­rent Fabius avait quant à lui qual­i­fié mon inter­view de « pub­lire­portage ». Le jour­nal­iste Jean-Pierre Elk­a­b­bach qui l’interrogeait s’était insurgé : « Non ! C’est une inter­view parce qu’il y a des élé­ments très intéres­sants … » En réal­ité, le min­istre des Affaires étrangères ne décolérait pas : on lais­sait son pire enne­mi s’exprimer dans les colonnes du pre­mier mag­a­zine français. J’avais ouvert un débat sans fin sur le bien-fondé d’aller par­ler aux dic­ta­teurs. Dans la bouche de cer­tains, j’avais par­fois la désagréable impres­sion qu’en voulant attein­dre Assad, on cher­chait aus­si à abat­tre le mes­sager », Bachar m’a dit, pp 95–96, La Mar­tinière, 2018

 « Le prob­lème d’Enthoven, mais cela vaut égale­ment pour BHL ou Glucks­mann, c’est qu’ils se con­tentent de for­mules déclam­a­toires, sans jamais artic­uler le courage intel­lectuel avec l’action […] Ces gens-là n’ont pas cou­vert la guerre. Ils ne voient pas ses con­séquences. C’est une manière de penser qu’on retrou­ve sou­vent chez les per­son­nes qui n’ont pas fait leur ser­vice mil­i­taire », Valeurs Actuelles, 31/03/2022.

«Oui, j’ai des con­vic­tions, je viens d’une famille mil­i­taire, je suis patri­ote. Mais ça me con­cerne en tant que citoyen, pas en tant que jour­nal­iste. […] Je ne suis pas mil­i­tant. Je con­state. J’ai côtoyé les Etats-Unis de près, je peux dire que les Etats-Unis peu­vent manip­uler l’opinion. Mais je ne suis pas vis­cérale­ment anti-améri­cain, sinon je ne serais pas ami avec David Petraeus », Libéra­tion, 09/05/2022

Sa nébuleuse

Les con­frères grand reporters Albert Raza­vi (Figaro, Paris Match) qui a lui aus­si enquêté sur les mou­vances dji­hadistes et Cyril Hof­stein (Figaro), pas­sion­né par le monde maritime.

Les pho­tographes Alvaro Canovas et Véronique de Viguerie, autant com­pagnons de voy­age que de reportage.

La « Breizh Con­nec­tion » de Paris Match : Olivi­er Roy­ant (décédé) ; Patrick Mahé ; Gilles Mar­tin-Chauffi­er ; François Pédron.

Ils l’ont dit

« Au final, on peut s’interroger sur le véri­ta­ble objec­tif du livre. Présen­ter l’histoire de l’EI ? Il n’y parvient pas. Ses moti­va­tions ?  Pour un néo­phyte, elles demeurent tout aus­si obscures après avoir refer­mé le livre. Son avenir, à l’époque de rédac­tion du livre ? On ne le dis­tingue pas plus. L’auteur est sans doute l’illustration de cette caté­gorie de jour­nal­istes, qui, en rai­son de leur sup­posée « expéri­ence » de ter­rain, croit maîtris­er un sujet », Abou Djaf­far, Le Monde, 28/10/2017.

« Au troisième étage des bureaux de Match, au siège de Lagardère Media, à Lev­al­lois, un coin du bureau de Régis Le Som­mi­er ressem­ble à un autel cel­tique. Gwen ha du en évi­dence, pho­to au pied du phare d’Ar­Men… rien n’est de trop pour cet ancien de l’as­so­ci­a­tion Roudour (le gué, en bre­ton) qui y a appris la langue celte. Son père est orig­i­naire de Pleslin-Tri­gavou, dans les Côtes-d’Ar­mor, et sa mère d’Oues­sant et de Plougonvelin, dans le Fin­istère. Mais vis­i­ble­ment, ça ne suff­i­sait pas. Du coup, lorsqu’il est avec les G.I. en Irak, il peut crier «Ar re vraw er penn araok» (les plus braves iront devant) », Le Télé­gramme, 11/09/2009.

« Régis est un excel­lent pro­fes­sion­nel. Les crachats qu’il reçoit sont des médailles. Notre boulot est de dire ce que l’on voit et de per­me­t­tre au lecteur de se faire une opin­ion. De ce point de vue, il a tou­jours rem­pli sa mis­sion, sans que transparaisse jamais son opin­ion », Valeurs Actuelles, 31/03/2022.

« Les accès à l’armée, Régis Le Som­mi­er, «fana mili» et fils de sous-marinier, sem­ble vivre pour ça […] Comme numéro 2 de la rédac­tion, sa facil­ité à par­tir en reportage a pu énerv­er ses col­lègues qui devaient batailler pour con­va­in­cre de l’intérêt de leurs sujets. Cer­tains de ses con­frères habitués aux zones de guerre le décrivent en «jour­nal­iste bidasse», tou­jours à l’affût d’un «embed», ces reportages embar­qués avec l’armée, qu’elle soit française, améri­caine ou syri­enne. Alfred de Mon­tesquiou, prix Albert-Lon­dres et reporter à Paris Match pen­dant dix ans, loue, lui, la «loy­auté» sur le ter­rain de son ex-col­lègue, notant aus­si sa fac­ulté à se créer «des rela­tions dans la hiérar­chie mil­i­taire », Libéra­tion, 09/05/2022.

Illus­tra­tion : cap­ture d’écran vidéo Thinkerview, via YouTube

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