OQTF, 4 lettres qui divisent la France : le ton est donné par le titre de l’émission Complément d’enquête du 23 Janvier. Si le patient a de la fièvre, c’est que le thermomètre donne à lire une mauvaise mesure ! Cassons donc ce thermomètre, et la France ne sera plus divisée !
Depuis quelque temps, le terme OQTF fait partie de l’actualité de tous les jours. Et une grande majorité de Français sont très désagréablement surpris par le taux d’exécution de ces décisions (environ 8%), qui, comme leur nom l’indique, sont en principe des obligations.
L’acronyme OQTF cristallise donc une réalité qui dérange, celle d’une immigration incontrôlable doublée d’une impuissance publique.
Alors, puisque le terme est devenu symptôme d’un mal que l’on préférerait ne pas voir, le service public de télévision s’emploie à rendre illégitime la notion même d’OQTF.
Complément d’enquête présente un reportage d’une rare partialité, mais aussi particulièrement brouillon. Tout se passe comme si l’objectif n’était pas de clarifier, mais de faire en sorte que le public associe le terme OQTF à une législation incompréhensible, injuste, et qui divise ; même s’il faut pour cela avoir recours à quelques approximations et inexactitudes.
Acte I : délégitimer les OQTF
L’introduction de Tristan Waleckx annonce la couleur ; « Alors que la France délivre aujourd’hui 3 fois plus d’OQTF qu’il y a 15 ans, la quasi-totalité d’entre elles visent désormais des personnes jamais condamnées et parfois bien insérées. ».
Loin de clarifier les concepts, cette introduction a pour résultat d’emmêler d’entrée les idées des téléspectateurs ; car en vérité il n’existe aucun lien entre OQTF et condamnation, même si le journaliste tente de créer ce lien durant toute l’émission.
Selon T. Waleckx, les OQTF s’appliquant à des personnes non condamnées seraient donc injustifiées ? il est clair que l’objectif ici est bien de remettre en cause le fondement même de l’obligation.
Au passage, cela laisse entrevoir la vision que le journaliste semble appeler de ses vœux ; une situation où il suffirait de ne jamais avoir été condamné pour pouvoir s’installer et rester en France, l’accueil de toute la misère du monde en quelque sorte.
Le premier chiffre donné dans l’émission est encore de nature à induire en erreur ; « en 2023, la France a procédé à 11700 éloignements forcés, le record d’Europe ». Si l’on considère le continent Européen, cette assertion est fausse dans la mesure où la plus grande partie des 11700 éloignements Français a lieu depuis les DOM-TOM.
Acte II : faire du chiffre ?
Le reportage tente ensuite de démontrer que la machine administrative s’emballe et s’efforce de faire du chiffre sur les OQTF. Sont évoqués des agents ayant une conception trop large de la notion de troubles à l’ordre public, et des étrangers recevant des OQTF pour conduite sans permis, consommation de stupéfiants ou vol de bicyclette.
En essayant de faire du chiffre, l’administration en perdrait de vue la priorité à donner aux vrais délinquants.
Outre que la présentation des faits vise toujours à minimiser les délits, la démonstration ne tient pas.
En effet, nous voyons tout d’abord un magistrat annuler quantité de procédures de rétention pour trouble à l’ordre public ; c’est donc bien que les décisions de l’administration restent sous le contrôle du juge.
Plus loin, le reportage donne à voir une cheffe de service indiquer à propos d’un placement pour trouble à l’ordre public que « c’est un placement pour placer, histoire de lui donner une leçon » et qu’il sera libéré. Cette responsable sait ce qu’elle fait et ne semble en rien avoir perdu de vue les priorités sur l’expulsion des plus gros délinquants.
Enfin, gonfler le nombre d’OQTF délivrées fait mécaniquement baisser le taux d’exécution. Or c’est ce taux qui est particulièrement suivi par les médias, et il n’est pas dans l’intérêt de l’administration d’augmenter les OQTF délivrées si cela ne correspond pas à une réalité de l’immigration sur le terrain.
Pour étayer la thèse d’une administration qui refuserait les régularisations pour gonfler les OQTF, le reportage présente ensuite une jeune Kosovare dont l’OQTF sera finalement annulée par le tribunal, ainsi qu’un apprenti boulanger Malien qui produit des documents que la cour administrative a jugé falsifiés.
Même présentés avec le maximum de parti-pris, ces exemples ne démontrent rien, si ce n’est que le juge est omniprésent, que les procédures sont complexes, les contentieux nombreux et coûteux, et que l’administration débordée s’efforce de parer au plus pressé.
Acte III : dénoncer CNews
C’est ensuite au tour de la chaîne CNews d’être attaquée. Un « chercheur qui étudie la manière dont l’immigration est traitée dans les médias» explique que, « quasiment l’ensemble des pics (d’utilisation du mot OQTF) que l’on observe sont dus à un seul média, la chaîne CNews ».
Précisément, CNews est accusée « d’avoir un traitement différencié et de mentionner de manière disproportionnée l’origine uniquement lorsqu’il s’agit de délinquance étrangère » et ainsi « d’augmenter la perception du lien entre immigration et insécurité ».
Cassons le thermomètre en délégitimant le principe des OQTF, et censurons aussi le média qui en parle, ce sera plus sûr !
Conclusion : le ministre recentre la question
Le ministre de l’intérieur, invité de l’émission, montre son pragmatisme en reconnaissant que l’objectif de 100% d’exécution des OQTF qui avait été affiché par Emmanuel Macron n’est pas réaliste. Mais surtout, il a le mérite de clarifier en quelques minutes un sujet que Complément d’enquête a pris soin d’emmêler durant une heure.
Tristan Waleckx : « On voit bien qu’aujourd’hui on met dans les OQTF un peu tout et n’importe quoi ; des personnes qui ont été condamnées, des personnes insérées… ».
Bruno Retailleau : « Mais non, l’OQTF constate une situation d’irrégularité sur le territoire. A chaque fois que la règle est violée, ont doit le constater ».
« L’irrégularité n’est pas prise en fonction d’un trouble à l’ordre public, l’OQTF c’est simplement une décision qui constate l’irrégularité d’un individu sur le territoire Français. »
Waleckx : « On fait souvent le lien dans les discours politique et certains discours médiatiques entre OQTF et insécurité ».
Retailleau : « Non, on fait un lien entre un désordre migratoire, une immigration qui n’est pas maîtrisée, et la sur-représentation des étrangers (dans certains délits) ».
Ne reste plus à Tristan Waleckx que la rengaine de l’extrème-droite. Il attaque donc le ministre sur l’expression « l’immigration n’est pas une chance pour la France » qu’il aurait repris à Jean-Marie et Marine Le Pen ; ce à quoi Bruno Retailleau répond calmement que la droite a oublié un certain nombre de ses fondamentaux et qu’il faut réguler l’immigration.