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Tribune libre : un point de vue canadien sur les médias

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22 décembre 2017

Temps de lecture : 15 minutes
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Tribune libre : un point de vue canadien sur les médias

Temps de lecture : 15 minutes

Les articles de l’Observatoire du journalisme ne sont pas signés et engagent la rédaction comme la direction du site. À titre d’exception nous publions une tribune libre d’un chercheur canadien. Eric Le Ray Ph.D. est docteur en science de l’information et des communications, politologue et éditeur. Nous avions rendu compte de son ouvrage, Le journal sans journalistes ou le cinquième pouvoir des gens ordinaires.

Médias et politique : guerre d’influence entre le quatrième et le cinquième pouvoir dans le résultat des élections de Trump et de Macron

Les élec­tions récentes de Trump comme prési­dent des États-Unis en 2016 et celle de Macron comme prési­dent de la France, en 2017, ont mon­tré que la place du qua­trième pou­voir, celle de la presse et des jour­nal­istes, n’était plus la même dans cha­cune de ces sociétés à cause de l’apparition d’internet et des médias soci­aux. Ces derniers out­ils de com­mu­ni­ca­tion ont per­mis la nais­sance d’un cinquième pou­voir des gens ordi­naires qui sont devenus leur pro­pre média. Le qua­trième pou­voir, aux États-Unis comme en Europe, vit une crise qui ne sem­ble pas être de même nature dans cha­cune de ces sociétés qui ont dévelop­pé cha­cune une tra­di­tion démoc­ra­tique dif­férente l’une de l’autre. Cette dif­férence fon­da­men­tale, touche au pro­jet uni­versel, que chaque pays a dévelop­pé historiquement.

D’un côté, aux États-Unis la révo­lu­tion numérique asso­ciée à Inter­net et aux médias soci­aux ont per­mis au cinquième pou­voir des gens ordi­naires de rem­plac­er le qua­trième pou­voir, celui du pou­voir médi­a­tique tra­di­tion­nel de la presse définit ain­si par Edmund Burke. Ce cinquième pou­voir, celui des sim­ples indi­vidus comme l’a défi­ni George Orwell, va être en quelque sorte l’instrument de la vic­toire de Trump. Cet évène­ment implique que la société améri­caine est dev­enue une société post-indus­trielle avec un proces­sus de démoc­ra­ti­sa­tion impor­tant qui ren­force les modes de fonc­tion­nement des insti­tu­tions fédérales de l’État améri­cain en aug­men­tant la décen­tral­i­sa­tion et en don­nant encore plus de pou­voir aux citoyens qui devi­en­nent en quelque sorte leur pro­pre média. Le proces­sus n’est bien sûr pas achevé et a vécu et vit encore des péri­odes de résis­tances. On en est qu’au début. Nous avons iden­ti­fié trois étapes qui sont l’étape de copi­age des anciens médias par les nou­veaux. L’étape de com­plé­men­tar­ité et de coex­is­tence entre les nou­veaux médias et les anciens, ce que nous vivons présen­te­ment entre le qua­trième et le cinquième pou­voir. La dernière étape enfin, est celle du rem­place­ment. La société améri­caine est entrée de plain-pied dans la nou­velle civil­i­sa­tion numérique avec une struc­ture éta­tique de fonc­tion­nement plus hétérar­chique, et des rap­ports entre les gens plus com­plé­men­taires, donc moins hiérar­chiques, que celles de la société française. La société améri­caine est donc plus avancée dans ce proces­sus de rem­place­ment, que la société française.

Aux États-Unis

Aux États-Unis les ressources humaines, l’intelligence, l’innovation, la créa­tiv­ité, l’entreprise indi­vidu­elle, l’information numérique en réseau et l’économie numérique, tien­nent une place cen­trale dans cette société de l’information. Il y a bien sûr des change­ments en fonc­tion des prési­dents améri­cains et de leurs admin­is­tra­tions respec­tives vers plus ou moins d’interventions de l’État dans la sphère publique. La lib­erté de la presse asso­ciée à la lib­erté d’expression et de con­science garantie par la con­sti­tu­tion améri­caine per­met une con­cur­rence entre les médias, mais avec la révo­lu­tion du numérique, une con­cur­rence récente surtout entre le qua­trième pou­voir et le cinquième pou­voir. On assiste ain­si à une crise du qua­trième pou­voir et du jour­nal­isme dans leur légitim­ité et leur statut non con­testés jusqu’à présent. Ces derniers se sont cepen­dant éloignés de plus en plus des citoyens et ils se sont surtout poli­tisés en lais­sant tomber en grande par­tie le jour­nal­isme d’enquête au prof­it d’une représen­ta­tion par­ti­sane et d’un relais des agences de presse sans faire le tra­vail de véri­fi­ca­tion min­i­mum pour avoir une infor­ma­tion véri­fi­able et véri­fiée. Les citoyens se tour­nent alors vers Inter­net et les médias soci­aux. La pub­lic­ité aus­si. Cette crise exprime aus­si naturelle­ment un proces­sus de rem­place­ment des anciens médias par les nou­veaux qui passe par la péri­ode de copi­age présen­té plus haut. Les nou­veaux médias copi­ent bien les anciens médias, mais il en résulte des con­flits pen­dant cette péri­ode de com­plé­men­tar­ité et de coex­is­tence entre les anciens médias et les nou­veaux médias. La dernière péri­ode dite de rem­place­ment néces­site une restruc­tura­tion naturelle de l’industrie asso­ciée à un sys­tème tech­nique qui se trans­forme ou dis­parait pour laiss­er place à un nou­veau sys­tème tech­nique. Une inno­va­tion de rup­ture en quelque sorte se met en place qui passe par une destruc­tion créa­tive d’une chose vers autre chose, d’une tech­nolo­gie par une autre, d’une tra­di­tion, d’une cor­po­ra­tion par une autre, d’un pou­voir par un autre. Ce proces­sus se traduit aus­si par des rap­ports entre les indi­vidus et les médias qui sont totale­ment dif­férents, aux États-Unis comme en France.

Le mode de fonc­tion­nement poli­tique démoc­ra­tique subit aus­si petit à petit un change­ment sous la pres­sion de ce change­ment tech­nologique et économique vers autre chose. La pra­tique du pou­voir change aus­si de nature quand un prési­dent peu com­mu­ni­quer directe­ment aux citoyens améri­cains grâce aux médias soci­aux. Le rôle d’intermédiaire des jour­nal­istes et de la presse tra­di­tion­nelle entre le citoyen, les hommes poli­tiques et la prési­dence améri­caine, est remis en cause pour ne pas dire con­testé par les citoyens comme par les poli­tiques eux-mêmes qui préfèrent par­ler directe­ment à leurs électeurs ce qui n’était pas pos­si­ble aupar­a­vant. Cela a aus­si un impact sur le rôle de l’État et leurs représen­tants. À quoi peut donc bien servir le jour­nal­isme et les indus­tries médi­a­tiques tra­di­tion­nelles (presse, radio, TV, câble) attachées a un fonc­tion­nement indus­triel main­tenant qu’on n’est plus obligé de pass­er par eux pour com­mu­ni­quer avec les citoyens ? Ne con­state-t-on pas d’une façon générale une crise du pou­voir des médi­a­tions habituelles ? N’assiste-t-on pas à une crise du pou­voir des inter­mé­di­aires et donc par pro­lon­ga­tion une crise des insti­tu­tions qui représen­tent les citoyens aux États-Unis comme en France ?

En France

Au con­traire en Europe, et en par­ti­c­uli­er en France, la crise médi­a­tique a pris une autre forme. La presse numérique est bien sûr apparue aus­si comme aux États-Unis et on a même pu observ­er le début d’une organ­i­sa­tion de cette nou­velle presse autour de la créa­tion du pre­mier syn­di­cat de la presse en ligne (le SPIIL) d’Europe et même dans le monde. Le proces­sus de rem­place­ment est donc bien enclenché aus­si cepen­dant mal­gré ces inno­va­tions, et ces ini­tia­tives pio­nnières, la place des médias tra­di­tion­nels reste encore très impor­tante pour dif­férentes raisons.

La société française est encore ancrée dans une société indus­trielle avec un fonc­tion­nement cen­tral­isé, pyra­mi­dal, extrême­ment hiérar­chisé. Une tra­di­tion qui remonte à celle du régime monar­chiste de Louis XIV et à la Révo­lu­tion française de 1793, celle des Jacobins et de Robe­spierre. Ce dernier va dévelop­per une con­cep­tion de la nation française avec un seul ter­ri­toire, une seule langue et une seule his­toire. Un pro­jet vio­lent, utopique et destruc­teur, mais qui fut la réal­ité française jusqu’à nos jours où l’on assiste au réveil des iden­tités régionales de souche. Le pro­jet révo­lu­tion­naire de 1789 s’inspira de la révo­lu­tion améri­caine, grâce à Ben­jamin Franklin et son ami Pierre-Augustin Caron de Beau­mar­chais, par rap­port à un mod­èle plus fédéral où l’on par­lait bien volon­tiers des États-Unis de France en ten­ant compte des divers­es iden­tités régionales français­es. Mais ce n’est pas ce que l’histoire et la sec­onde vague de révo­lu­tion­naires parisiens vont vouloir pro­pos­er ou impos­er à la jeune nation française qui va entr­er à par­tir de cette date dans une péri­ode d’instabilité con­sti­tu­tion­nelle. Les dif­férentes républiques et con­sti­tu­tions vont ain­si se suc­céder jusqu’à nos jours. Le pro­jet révo­lu­tion­naire de 1793 va aus­si inspir­er le courant com­mu­niste, Lénine avait le por­trait de Robe­spierre dans son bureau qui ne le quit­tait jamais; le courant fas­ciste avec Mus­soli­ni, un ancien jour­nal­iste et un ancien syn­di­cal­iste, et le régime nation­al social­iste, avec le social­iste Adolphe Hitler. Ces dif­férentes idéolo­gies vont aus­si influ­encer l’islam poli­tique comme on le voit aujourd’hui qui développe aus­si un pro­jet anti occi­den­tal et anti économie de marché fondé sur la lib­erté de con­science, d’entreprendre et d’expression.

Plusieurs raisons pour cette instabilité politique française

La sépa­ra­tion des pou­voirs n’est pas établie com­plète­ment en France mal­gré le fait qu’elle soit venue d’un con­cept venant d’un philosophe français à tra­vers les écrits de Montesquieu.

Cette tra­di­tion poli­tique française de cen­tral­i­sa­tion des pou­voirs a donc comme con­séquence d’avoir une inter­ven­tion de l’État plus impor­tante que dans la majorité des États démoc­ra­tiques dans le monde fonc­tion­nant le plus sou­vent sous un régime fédéral comme au Roy­aume-Uni, en Alle­magne ou aux États-Unis.

La con­séquence his­torique de cette sit­u­a­tion est bien enten­du une inter­ven­tion de l’État dans son rap­port à la presse et aux jour­nal­istes par une poli­tique de sub­ven­tion depuis la Sec­onde Guerre mon­di­ale qui est très impor­tante asso­ciée à une poli­tique d’avantages fis­caux pour les jour­nal­istes. Cette inter­ven­tion ne date pas de la Sec­onde Guerre mon­di­ale. On sait que le déclin de la presse française remonte surtout au moment de la Pre­mière Guerre mon­di­ale. La presse fut cen­surée avec la com­plic­ité des patrons de presse le plus sou­vent, aux dépens des lecteurs qui ne savaient pas que la presse était cen­surée et qu’il y avait cette com­plic­ité des pou­voirs poli­tiques avec les pou­voirs médi­a­tiques. Ceux-ci étaient réu­nis dans un même intérêt : laiss­er les Français dans l’ignorance de la réal­ité du front de la guerre 14–18 afin de main­tenir la mobil­i­sa­tion pour con­tin­uer la guerre et surtout la gag­n­er. L’enlisement de la guerre, mal­gré cette cen­sure et ces sac­ri­fices, oblig­ea l’Angleterre, le Cana­da et les États-Unis à entr­er en guerre aux cotes de la France comme on le sait. Cette com­plic­ité fut regret­table, car la France avait une presse dynamique de masse leader dans le monde occi­den­tal autour du Petit Jour­nal puis du Petit Parisien. Ce dernier pou­vait attein­dre un tirage de 2,5 mil­lions d’exemplaires dans ses bons jours. Le scan­dale de la col­lu­sion ne per­mit jamais de retrou­ver de tels tirages.

Aujourd’hui encore cette poli­tique d’intervention se con­cré­tise par des inter­ven­tions directes ou indi­rectes. Elles étaient secrètes jusqu’à il y a quelques années. C’est-à-dire que l’on ne con­nais­sait pas la liste des jour­naux qui touchaient ces sub­ven­tions et on ne con­nais­sait pas les sommes ver­sées. On doit ce change­ment au SPIIL, le nou­veau syn­di­cat de la presse en ligne, qui mili­ta et qui milite tou­jours pour plus de trans­parence et pour l’égalité de traite­ment en matière lég­is­latif et fis­cal entre la presse tra­di­tion­nelle et la presse numérique.

La con­séquence à notre sens de cette inter­ven­tion de l’État qui se traduit en par­ti­c­uli­er par cette poli­tique active de sub­ven­tions est le retard pris dans la restruc­tura­tion de la presse française qui a eu pour con­séquence de frein­er le développe­ment d’internet et des médias soci­aux en main­tenant une presse tra­di­tion­nelle asso­ciée à la civil­i­sa­tion de l’imprimé et au mode de fonc­tion­nement indus­triel tra­di­tion­nel de l’économie de l’information en France en oppo­si­tion à un cinquième pou­voir des gens ordi­naires util­isant plutôt une presse numérique, et les médias soci­aux, asso­ciée, comme nous l’avons expliqué à un monde mod­erne et postindustriel.

L’élection de Trump

La con­séquence pour l’élection de Trump c’est qu’il va être élu avec le sou­tien des citoyens util­isant les médias soci­aux avec qui il peut dia­loguer directe­ment. La presse tra­di­tion­nelle à plus de 90 % va soutenir Clin­ton con­tre Trump ain­si que la plu­part des radios et des médias de masse comme la télévi­sion. Mais au-delà de ces deux oppo­si­tions tra­di­tion­nelles, le camp des démoc­rates asso­cié aux médias du qua­trième pou­voir, le camp des répub­li­cains, après des pri­maires red­outa­bles, ne va pas soutenir immé­di­ate­ment Trump pour son élec­tion. C’est un homme seul et indépen­dant de tout par­ti qui va être élus a la mai­son blanche par le cinquième pou­voir des gens ordi­naires ce qui est tout à fait nou­veau et révéla­teur des change­ments asso­ciés a l’évolution de la société améri­caine vers la civil­i­sa­tion du numérique.

L’élection de Macron

L’élection de Macron en France va au con­traire être le fruit de l’influence de l’ancien prési­dent François Hol­lande qui va fonder le mou­ve­ment La République en marche (LREM) pour per­me­t­tre au par­ti social­iste de rester au pou­voir, mais avec un par­ti dif­férent. En quelque mois cette ini­tia­tive va lui échap­per, mais va créer une alter­na­tive crédi­ble poli­tique aux dif­férents par­tis poli­tiques tra­di­tion­nels français en pro­posant Emmanuel Macron comme can­di­dat. Énar­que lui aus­si, comme bon nom­bre d’anciens prési­dents français depuis l’ère Gis­card, le réseau des hauts fonc­tion­naires et l’appareil d’État se sont mobil­isés pour lui. Il va recevoir aus­si l’appui mas­sif du Par­ti social­iste (PS) et des divers courants poli­tiques de gauche (Wal­wari, UPLD, MPF, Tavi­ni et DVG). Le par­ti social­iste à l’encontre du résul­tat de ses pri­maires ne choisit pas Hamon son can­di­dat naturel issu des pri­maires à gauche, mais choisi Macron dans les urnes. Après l’échec de François Fil­lion, qui a rem­porté les pri­maires à droite, tor­pil­lé par les affaires et les médias mas­sive­ment con­tre lui, celui-ci arrive sec­ond der­rière Macron au pre­mier tour des élec­tions prési­den­tielles. À la grande sur­prise de ses troupes Fil­lion appelle à vot­er Macron et demande donc aux mem­bres de son par­ti les répub­li­cains (LR) de vot­er pour lui. LR est présen­té comme un par­ti poli­tique libéral-con­ser­va­teur français classé, depuis sa fon­da­tion en 2002, à l’initiative de l’UMP, à droite et au cen­tre droit sur l’échiquier poli­tique. Les répub­li­cains son issu du change­ment de nom et de statuts de l’Union pour un mou­ve­ment pop­u­laire UMP adop­té en 2015 et s’inscrit dans la con­ti­nu­ité des grands par­tis présen­tés comme de droite par les ana­lystes français et qui furent l’UDR, le RPR mieux con­nus à l’époque de Chirac et l’UMP.

L’État français présent partout grâce à ses subventions

En fait LR s’inscrit dans la tra­di­tion poli­tique française éta­tique et, au même titre que les autres par­tis poli­tiques français sub­ven­tion­nés par l’État français, dévelop­pent une poli­tique proche des par­tis étatistes, dit de gauche, qu’ils soient social­iste, com­mu­niste ou cen­triste avec l’UDI, l’AC et le Modem. L’ensemble du courant cen­triste va appel­er aus­si à vot­er Macron. On explique cette con­ver­gence autour d’Emmanuel Macron par cette volon­té com­mune de s’opposer au front nation­al présidé par Marine Le Pen. Mais les choses ne sont pas si sim­ples car le FN ne pro­pose pas des poli­tiques si dif­férentes des autres par­tis français. La seule dif­férence tan­gi­ble est la sor­tie éventuelle de l’Euro et de l’Europe asso­ciés à une poli­tique d’immigration plus mus­clée face au dan­ger de l’islam rad­i­cal suite aux dif­férents atten­tats qu’a subis la France en 2015 et 2016. La can­di­da­ture de Macron va aus­si être appuyée mas­sive­ment par les médias tra­di­tion­nels aidés en cela par son image de jeune homme poli­tique dynamique. Con­flit de généra­tions, pro­jet poli­tique rel­a­tiviste qui rejoint autant les idées étatistes de gauche comme de droite. Il ras­sure aus­si les syn­di­cats et les milieux cul­turels et artis­tiques sub­ven­tion­nés et per­met de faire dis­paraitre les anciens par­tis poli­tiques au prof­it de nou­veaux par­tis, mais qui reste attaché à l’intervention de l’État. Macron gagne large­ment les élec­tions. Il est l’homme des appareils, il est l’homme de l’État, mais est-il l’homme du peu­ple ? Est-il un homme d’État véri­ta­ble représen­tatif des aspi­ra­tions du peu­ple français ? Si on com­pare à l’élection de Trump qui est élu par le peu­ple améri­cain, Macron est l’homme des médias du qua­trième pou­voir qui vont lui per­me­t­tre de dépass­er les cli­vages poli­tiques et des appareils poli­tiques en lui per­me­t­tant de touch­er tous les milieux. Pour Trump, au con­traire, il va voir con­verg­er con­tre lui toutes les oppo­si­tions à son élec­tion, y com­pris celle des syn­di­cats, des milieux cul­turels et artis­tiques. On va con­stater aus­si, jusqu’à aujourd’hui, que les appareils d’États insti­tu­tion­nels fédéraux comme la CIA ou le FBI, avec la fausse affaire russe autour de Peter Str­zok, con­sti­tuée d’une admin­is­tra­tion mise en place par Oba­ma, qu’ils sont large­ment opposés à Trump et ses réformes.

Quel a été le rôle des médias sociaux dans l’élection de Macron ?

Le cinquième pou­voir des gens ordi­naires n’a pas soutenu Macron dans cette élec­tion, les points de vue, en tout cas, étaient plus divers et moins homogènes dans la façon dont on y a représen­té et vécu le résul­tat des élec­tions. Le cinquième pou­voir n’a pas autant d’influence en France, car sa place n’est pas dom­i­nante comme aux États-Unis, en con­séquence d’une poli­tique de sub­ven­tion impor­tante et d’une tra­di­tion poli­tique où il est dif­fi­cile de gou­vern­er sans l’État et sans des poli­tiques étatistes. Les médias tra­di­tion­nels ou ceux con­stru­its autour d’Internet sont donc gérés par un État et une lég­is­la­tion omniprésente au dépend des lib­ertés indi­vidu­elles et d’expression. L’influence de l’État sur les médias tra­di­tion­nels, inter­net et les médias soci­aux est donc incon­tourn­able en Europe et en par­ti­c­uli­er en France. Le con­flit entre tra­di­tion et moder­nité est plus impor­tant en Europe qui a pris du retard dans ce proces­sus de rem­place­ment des anciens médias par les nou­veaux et cela a un impact sur la vie poli­tique des vieilles démoc­ra­ties européennes et sur les lib­ertés individuelles.

Ce proces­sus de rup­ture entre le qua­trième et le cinquième pou­voir traduit une évo­lu­tion, mais aus­si une résis­tance, voire une guerre d’influence, entre les sociétés tra­di­tion­nelles vis-à-vis des sociétés de la moder­nité. Ce con­flit et cette con­cur­rence entre le qua­trième et le cinquième pou­voir des gens ordi­naires traduisent aus­si l’atteinte proche du proces­sus de rem­place­ment des anciens médias par les nou­veaux médias, après les étapes de copi­age et de com­plé­men­tar­ité. Une tran­si­tion dif­fi­cile entre des sociétés indus­trielles vers des sociétés postin­dus­trielles que nous traduisons ici par le pas­sage de la civil­i­sa­tion de l’imprimé vers la civil­i­sa­tion du numérique. Cette civil­i­sa­tion développe un nou­v­el human­isme numérique con­tem­po­rain où les lib­ertés indi­vidu­elles seront ren­for­cées, mais aus­si plus dif­fi­ciles à protéger.

Éric Le Ray

Crédit pho­to : DR