Apparemment, dans l’univers feutré et bien-pensant des écoles de journalisme, on n’est jamais assez « tolérant » ni « inclusif ».
La preuve par la pourtant très progressiste et wokiste ESJ Lille dont la direction se voit aujourd’hui accusée de « censure » et de « refus de dialogue » par plusieurs dizaines d’étudiants lui reprochant notamment la suspension du comité jeune de l’association féministe NousToutes. Ainsi, mardi 4 mars, une cinquantaine d’étudiants de l’ESJ Lille ont bloqué l’accès à l’établissement en plaçant des barricades devant les portes de l’école, entraînant l’annulation des cours pour la journée.
Une table ronde « sulfureuse »
À l’origine de ces tensions internes, une conférence organisée sur le procès des viols de Mazan, réunissant divers intervenants dont Guillaume de Palma, avocat de plusieurs accusés lors de ce procès. Une présence qui aurait suscité un « important malaise » chez de nombreux étudiants hyper-sensibles et peu habitués à la confrontation avec un propos sortant de leur « zone de confort » intellectuelle. Guillaume de Palma avait en effet été très critiqué lors du procès pour avoir notamment plaidé « qu’il y a viol et viol, et sans intention de le commettre, il n’y a pas viol ».
Complice de la culture du viol
Réagissant à la présence de l’avocat à cette table ronde, le collectif NousToutes Lille n’avait pas hésité a relayer sur ses réseaux sociaux un message affirmant que l’ESJ Lille était « complice de la culture du viol ». Rien de moins.
Mise en cause ainsi directement et brutalement, la direction de l’établissement a alors décidé de suspendre sa convention avec la branche de cette fameuse association NousToutes présente en son sein, justifiant cette mesure dans en un communiqué affirmant que « l’ESJ Lille a fait le choix de suspendre la convention avec cette association étudiante, émanation de « Nous Toutes Lille », en raison des propos diffamatoires et insultants diffusés par ce collectif lillois ».
Une suspension qui met le feu aux poudres
Même si, selon l’ESJ, la suspension de la convention entre l’établissement et son antenne NousToutes est « temporaire » et n’entraîne même pas la suspension de ses activités (qu’on imagine indispensables à toute bonne formation journalistique), cette décision n’a fait que renforcer l’ire et le mécontentement des étudiants contestataires dénonçant une abominable et insupportable « censure » visant « une organisation qui joue un rôle critique dans l’école parce que c’est la seule qui lutte contre les VSS (violences sexistes et sexuelles), le seul relais pour se confier quand il arrive un truc », selon Emma, une étudiante s’étant confiée à l’AFP.
De son côté, la direction de l’établissement dit espérer « pouvoir retravailler avec Nous Toutes ESJ sur les bases d’une nouvelle convention » et rappelle que l’école est elle aussi « engagée » dans la lutte contre les VSS « depuis plusieurs années ». Mais, semble-t-il, dans le monde merveilleux des écoles de journalisme certifiées conformes, ce n’est pas encore assez…
Xavier Eman
Voir aussi
Formatage continu. Tour de France des quatorze principales écoles de journalisme (Xavier Eman, préface de Claude Chollet), La Nouvelle Librairie éditions (2024), 108 pages, 9 euros.