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Quand France Télévisions décode l’actualité pour les scolaires

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7 février 2019

Temps de lecture : 6 minutes
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Quand France Télévisions décode l’actualité pour les scolaires

Temps de lecture : 6 minutes

Dans la masse et la mode des médias visant à décoder l’actualité afin de lutter, dit-on, contre les rumeurs, et souvent plutôt contre les pensées différentes, les principaux médias n’oublient pas la jeunesse. C’est ainsi que France Télévisions se propose de décoder l’actualité pour nos adolescents.

Le media s’intitule Décod’ac­tu et est hébergé sur la plate­forme de France.tv édu­ca­tion dédiée aux lycées et aux col­lèges. L’OJIM s’est déjà intéressé à France.tv édu­ca­tion, faisant ressor­tir l’uniformité bobo-idéologique de la plate­forme dite éduca­tive. Dans le cas de Décod’ac­tu, l’objectif est de fournir une infor­ma­tion rapi­de et offi­cial­isée aux lycéens et aux col­légiens, mais aus­si au corps pro­fes­so­ral cen­sé pou­voir utilis­er les doc­u­men­taires pro­posés en classe.

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Il y a un peu tous les sujets et tous les domaines, de « la mon­tée des eaux » à « l’agriculture urbaine », en pas­sant par « la mer, avenir de la planète » ou des doc­u­men­taires sur le sida, la cyber­guerre, les migra­tions… Si l’on met de côté le fait que de très nom­breux doc­u­men­taires abor­dent le thème de l’écologie, nom­bre de sujets traités le sont sans pré­sup­posés par­ti­c­uliers. Reste qu’il s’agit claire­ment d’une préoc­cu­pa­tion à la mode. Objec­tiv­ité ? Il n’en va pas de même de tous les doc­u­men­taires, loin de là, d’autant que le principe est théorique­ment de coller à l’actualité. Trois exem­ples récents.

Nucléaire, le point de vue de Greenpeace

« Nucléaire par ici la sor­tie ! » : le titre dit assez la tonal­ité choisie. La France est le pays le plus nucléarisé par habi­tant au monde. Pour la majorité des Français, il s’agirait, selon un sondage, d’une tech­nolo­gie à risques, dont les déchets ne sont pas aisé­ment recy­clables, et les cen­trales sont sus­cep­ti­bles d’être touchée par un attentat.

Décod’Actu s’appuie unique­ment sur les don­nées de Green­peace. Pou­vons-nous sor­tir du nucléaire ? C’est pos­si­ble pour 2050, en France, par un mixte d’électricité 100 % renou­ve­lable. Le doc­u­men­taire donne ensuite les solu­tions. Ce qui est étrange ? Ce n’est ni une analyse de l’actualité ni un cours mais un doc­u­men­taire de pro­pa­gande pour le non nucléaire. Ce peut être une chose pos­i­tive, tout dépend des opin­ions et c’est juste­ment ici que le bât blesse : il n’est vrai­ment aucun argu­ment en faveur du nucléaire ? Aucune réponse de ce côté.

Les gaulois, déconstruction historique et méli-mêlo

« Nos ancêtres étaient-il gaulois ? » : bien enten­du, le fait de pos­er ain­si la ques­tion induit la réponse « À l’heure où un groupe poli­tique comme Les Répub­li­cains (appari­tion d’un dessin de Wauquiez à l’écran bran­dis­sant une pan­car­te et dis­ant « défendons nos valeurs, réap­pro­pri­ons-nous notre his­toire ») réflé­chit à une « Charte des peu­ples européens réaf­fir­mant l’i­den­tité et les racines judéo-chré­ti­ennes de l’Eu­rope », il est peut-être temps de dépous­siér­er cer­tains mythes, notam­ment celui de nos orig­ines… pas si gaulois­es que ça. », est-il dit pour démarrer.

Puis, le com­men­taire évac­ue ain­si la réal­ité civil­i­sa­tion­nelle des celtes : « Pour com­mencer, le terme « gaulois » était employé par Jules César en 50 avant J.-C. pour qual­i­fi­er toutes les tribus qui menaçaient le nord de la pénin­sule ital­i­enne. Pour­tant, ces peu­ples présents sur les ter­ri­toires con­quis étaient tous dif­férents ! On y trou­vait des Ambi­ens, des Helvètes, des Pictes et beau­coup d’autres tribus celtes. Rien à voir, donc, avec un peu­ple uni. » Nos ancêtres les gaulois ? Il s’agirait unique­ment d’un mythe patri­o­tique forgé au 19e siè­cle. Sur­git alors le véri­ta­ble objec­tif de ce doc­u­men­taire qui affirme claire­ment des opin­ions poli­tiques : « Que fait-on alors de toutes les vagues suc­ces­sives d’im­mi­gra­tion ? Afin de combler les pénuries de main‑d’œuvre, l’im­mi­gra­tion, d’abord frontal­ière à la fin du XIXe siè­cle, s’est ensuite diver­si­fiée, notam­ment parce que la France fai­sait venir de ses colonies des vagues de tra­vailleurs. Une par­tie de nos ancêtres est certes issue des peu­ples de Gaule, mais aus­si des Francs, des Vikings, des Maro­cains, des Séné­galais, des Espag­nols, des Ital­iens, des Polon­ais, des Arméniens, ou encore des Portugais.
Si cer­tains en sont per­suadés, l’idée d’une « orig­ine unique du Français » n’a pas vrai­ment de sens. Il n’ex­iste pas d’ancêtre sin­guli­er puisqu’hi­er, comme aujour­d’hui, l’his­toire mon­tre et démon­tre que l’hu­main et ses con­quêtes, sou­vent sanglantes, n’ont eu de cesse de brass­er les gênes, les peu­ples et les cul­tures. L’hu­man­ité est une et ses orig­ines mul­ti­ples. La France n’échappe pas à ce con­stat. » Ce n’est pas réelle­ment le sujet mais… au moins c’est claire­ment du for­matage de conscience.

Avortement et Simone de Beauvoir

« Men­aces sur le droit à l’avortement » : Le titre induit la réponse. Le doc­u­men­taire fait d’abord le point sur ce « droit », indi­quant que 40 % des femmes vivent encore dans des pays où elles ne l’ont pas, sans cepen­dant ques­tion­ner l’idée que ce soit un droit. C’est donc une évi­dence de départ, un pré­sup­posé et une opin­ion qui peut être défend­able mais béné­ficierait d’être soumise à con­tra­dic­tion. L’objectif de ce démar­rage ain­si que du tour d’horizon géo­graphique qui suit est de con­duire à cette affir­ma­tion : « Les croy­ances et cou­tumes religieuses sont sou­vent les prin­ci­pales raisons de cette ani­mosité envers l’IVG. Cer­tains con­sid­èrent le fœtus comme un être humain à part entière, doté d’une âme ou d’une con­science. Pour eux, l’avortement est un meurtre. Pour­tant, la sci­ence n’est pas de cet avis puisqu’une étude du Roy­al Col­lege of obste­tri­cians & Gynae­col­o­gists sor­tie en 2010 con­clut que le cerveau d’un fœtus n’est pas for­mé avant 24 semaines. Il ne ressent donc pas la douleur et ne man­i­feste aucun signe de con­science. A ce stade, il n’est donc pas con­sid­éré comme un être humain. » Là aus­si, c’est une opinion.

La ques­tion est donc : pourquoi une autre con­cep­tion des choses n’est-elle pas exprimée auprès des lycéens et des col­légiens ? L’auteur du doc­u­men­taire, Sarah el Makhzou­mi, con­naît bien la leçon : « Man­i­fes­ta­tions « pro-vie » en France et ailleurs, ten­ta­tive de restric­tions légales de ce droit en Espagne en 2013, en Pologne en 2016, ou encore aux Etats-Unis quelques semaines après l’élection de Don­ald Trump, le droit à l’avortement est sans cesse remis en cause. Comme l’a dit la roman­cière et fémin­iste Simone de Beau­voir « N’ou­bliez jamais qu’il suf­fi­ra d’une crise poli­tique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en ques­tion. Ces droits ne sont jamais acquis ».

Dans l’ensemble, le média qui décode l’actualité à des­ti­na­tion des ado­les­cents réper­cute le poli­tique­ment en vigueur sur tous les sujets. De ce fait, la vraie ques­tion est : quid de l’esprit cri­tique, base de l’éducation selon ces Lumières dont l’école se revendique aujourd’hui ? La réponse se trou­ve dans ce pro­gramme « éducatif ».

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