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De la corruption et des conflits d’intérêts à France Télévisions ? Ces (sérieux) soupçons qui entachent le service public

20 décembre 2025

Temps de lecture : 7 minutes
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De la corruption et des conflits d’intérêts à France Télévisions ? Ces (sérieux) soupçons qui entachent le service public

Temps de lecture : 7 minutes

De la corruption et des conflits d’intérêts à France Télévisions ? Ces (sérieux) soupçons qui entachent le service public

L’Assemblée nationale a req­uis une com­mis­sion d’enquête sur la neu­tral­ité, le fonc­tion­nement et le finance­ment de l’audiovisuel pub­lic à l’initiative du groupe Union des droites pour la République (UDR). Lors d’une audi­tion de la PDG de France Télévi­sions menée par le député rap­por­teur Charles Allon­cle, ce dernier a mis en évi­dence des soupçons de cor­rup­tion avec pan­tou­flage et prise illé­gale d’intérêts.

Charles Alloncle épluche les comptes

Charles Allon­cle, député de la 9ᵉ cir­con­scrip­tion de l’Hérault, passe actuelle­ment au crible le groupe France Télévi­sions présidé par Del­phine Ernotte. Cette dernière a ain­si été inter­rogée pen­dant près de qua­tre heures le 10 décem­bre 2025. Une semaine plus tard, les 17 et 18 décem­bre, il a égale­ment audi­tion­né Sybille Veil (PDG de Radio France), Adèle Van Reeth (direc­trice de France Inter) et Stéphane Sit­bon-Gomez (directeur des antennes et des pro­grammes de France Télévisions).

Après avoir méthodique­ment enquêté et enten­du plusieurs per­son­nes dans le cadre de la com­mis­sion, le député UDR a mis en lumière des affaires de cor­rup­tion au sein du groupe de France Télévisions.

À ce sujet, il a d’ailleurs déclaré le 11 décem­bre 2025 au micro de Chris­tine Kel­ly : « On a organ­isé six audi­tions sur une cinquan­taine, il y a déjà eu un cer­tain nom­bre de révéla­tions absol­u­ment con­fon­dantes : les pris­es illé­gales d’intérêts, les pactes de cor­rup­tion, les pan­tou­flages entre cer­tains dirigeants de France Télévi­sions et des sociétés privées, les men­songes et les par­jures proférés en audi­tion. Tous ces faits sont pas­si­bles d’années d’emprisonnement et de cen­taines de mil­liers d’euros d’amendes. »

Une ex-dirigeante de France TV épinglée pour prises illégales d’intérêts et pantouflage

Des anciens dirigeants de France Télévi­sions auraient donc signé « des dizaines ou des cen­taines de mil­liers d’euros de con­trats pour des sociétés de pro­duc­tion privées ». Ils se seraient ensuite « fait licenci­er » avec des indem­nités de licen­ciement « de plusieurs cen­taines de mil­liers d’euros », avant de « finir dans ces mêmes sociétés de productions ».

Plus pré­cisé­ment, par­mi ces anciens dirigeants de France Télévi­sions, le député a épinglé Nathalie Dar­ri­grand. Cette dame, ex-direc­trice des pro­grammes de France Télévi­sions et ex-direc­trice de France 5, a signé pen­dant son man­dat à France Télévi­sions des con­trats à hau­teur « de dizaines ou de cen­taines de mil­lions d’euros » pour des sociétés de pro­duc­tion privées, en par­ti­c­uli­er « Togeth­er Media ». Cette dernière appar­tient à Renaud Le Van Kim, un proche de Del­phine Ernotte et ancien mil­i­tant de la Ligue com­mu­niste révo­lu­tion­naire. Ces con­trats con­fiés à la société « Togeth­er » con­cer­nent des émis­sions emblé­ma­tiques du ser­vice pub­lic telles que C ce soir ou C Poli­tique.

Nathalie Dar­ri­grand, après avoir été licen­ciée de France Télévi­sions, a fini à la tête de la société de pro­duc­tion « Togeth­er » (à qui elle avait attribué ces mêmes con­trats), ce qui con­stitue, selon le droit, une prise illé­gale d’intérêts. Le député accuse aus­si Nathalie Dar­ri­grand d’avoir perçu des indem­nités de licen­ciement « allant de 300 à 400 000 euros ».

En réponse à ces graves accu­sa­tions, Del­phine Ernotte a expliqué que ces pas­sages du pub­lic au privé sont mon­naie courante chez France Télévi­sions et sug­gère au lég­is­la­teur la pos­si­bil­ité d’encadrer stricte­ment ces trans­ferts via la Haute Autorité pour la trans­parence de la vie publique.

Conflits d’intérêts et mélange des genres chez France TV

Les sociétés de pro­duc­tion privées que nous men­tion­nons plus haut ont pris une influ­ence con­sid­érable sur le groupe France TV. Dans un arti­cle du 8 décem­bre 2025, Médi­a­part nous apprend ain­si que « Medi­awan » (société de pro­duc­tion détenue par Xavier Niel, Math­ieu Pigasse et Pierre-Antoine Cap­ton) est en tête des four­nisseurs de pro­grammes de l’audiovisuel public.

En 2024, France Télévi­sions a rap­porté 111 mil­lions d’euros de chiffre d’affaires à Medi­awan sur un ensem­ble de 920 mil­lions d’euros con­sacrés à l’achat de pro­grammes. Afin de pro­duire ces trois émis­sions phares du ser­vice pub­lic : « C dans l’air », « C à vous » et « Ça com­mence aujourd’hui », France Télévi­sions verse 33 mil­lions d’euros à Mediawan.

Signe de sa posi­tion ultra­dom­i­nante, le groupe Medi­awan est action­naire majori­taire dans vingt-huit des sociétés de pro­duc­tion qui four­nissent France Télévi­sions en pro­grammes divers. Qu’un groupe privé ait autant d’influence sur la pro­gram­ma­tion de France TV inter­roge légitime­ment sur l’indépendance et la neu­tral­ité du ser­vice pub­lic français.

De plus, Math­ieu Pigasse, cofon­da­teur de Medi­awan, n’hésite pas à men­er une bataille intel­lectuelle et idéologique à tra­vers ses émis­sions cen­sées refléter l’opinion de tous les Français. Le mil­liar­daire assume sans ambages son engage­ment con­tre l’extrême droite (com­pren­dre le RN), recon­nais­sant « souhaiter met­tre les médias qu’il con­trôle dans ce combat ».

Cepen­dant, le ser­vice pub­lic n’a pas voca­tion à délivr­er aux Français les opin­ions d’une per­son­ne privée. Le député Charles Allon­cle a ain­si dénon­cé ce mélange des gen­res et cette cap­ta­tion des émis­sions du ser­vice pub­lic au ser­vice d’un pro­jet idéologique privé.

Dîner chez Maxim’s

Non seule­ment Medi­awan est le pre­mier groupe qui béné­fi­cie du mil­liard d’euros par an que coûte la pro­duc­tion des pro­grammes de France Télévi­sions, mais son prési­dent du direc­toire Pierre-Antoine Cap­ton a égale­ment invité Del­phine Ernotte-Cun­ci, la PDG de France Télévi­sions, Stéphane Sit­bon-Gomez, son directeur des antennes et des pro­grammes, ain­si qu’Anne Elis­a­beth Lemoine et Aurélie Casse, présen­ta­tri­ces des émis­sions “C à vous” et “C l’heb­do”, à une soirée privée au lux­ueux restau­rant Maxim’s pour fêter ses 50 ans.

Les dirigeants de France Télévi­sions, cen­sés être les garants de la neu­tral­ité de l’audiovisuel pub­lic, entre­ti­en­nent donc des liens étroits avec des sociétés de pro­duc­tion privées, ce qui favorise l’hyperconcentration des médias dans la main de quelques mil­liar­daires qui souhait­ent impos­er leur vision de la société.

Comme le note Medi­a­part :

« Le recours à des four­nisseurs extérieurs expose d’ailleurs les émis­sions du ser­vice pub­lic à des con­flits d’intérêts et soulève régulière­ment des inter­ro­ga­tions en matière d’indépendance de l’information ».

Ils pren­nent notam­ment l’exemple de l’émission C à vous qui avait reçu Xavier Niel – troisième action­naire et cofon­da­teur de Medi­awan – pour le lance­ment de sa nou­velle box inter­net. L’Arcom avait d’ailleurs épinglé l’émission pour « pub­lic­ité clan­des­tine », esti­mant que la présen­ta­tion de la nou­velle offre du fon­da­teur de Free avait été « trop élo­gieuse et mar­quée par une absence de critiques ».

Pendant ce temps-là… France Télévisions est dans le rouge

Comme si la cor­rup­tion et les con­flits d’intérêts ne suff­i­saient pas, la sit­u­a­tion finan­cière du groupe France Télévi­sions est cri­tique. En effet, selon la Cour des comptes, le groupe a accu­mulé plus de 81 mil­lions d’euros de déficit depuis 2017. Leur tré­sorerie pos­i­tive en 2017 (41 mil­lions d’euros) est passée néga­tive en 2025 (-27 mil­lions) et leurs cap­i­taux pro­pres sont inférieurs à la moitié du cap­i­tal social. En huit ans, les cap­i­taux pro­pres de France TV ont dégringolé de 294 à 179 mil­lions d’euros.

Le déficit de 81 mil­lions et la baisse de 65 mil­lions d’eu­ros de sa dota­tion oblig­ent la PDG de France Télévi­sions à réduire le mon­tant du cap­i­tal du groupe audio­vi­suel pub­lic. Ce choix de réduc­tion du cap­i­tal a été jugé le plus adéquat pour éviter la dis­so­lu­tion. Selon La Let­tre, « l’opéra­tion est actuelle­ment entre les mains de Bercy, via l’A­gence des par­tic­i­pa­tions de l’É­tat (APE), qui doit guider le groupe audio­vi­suel dans la procé­dure à suivre ».

Del­phine Ernotte avait déclaré dans Les Échos qu’il ne devait y avoir « aucun tabou » pour redress­er les comptes. À la recherche de 150 mil­lions d’eu­ros d’é­conomies pour 2026, elle avait annon­cé des coupes à venir sur la créa­tion ou encore les droits sportifs.

Cepen­dant, mal­gré ce déra­page budgé­taire et ces économies for­cées, Del­phine Ernotte perçoit tou­jours un salaire de 322 000 euros fixe et une part vari­able sur atteinte d’objectif d’un mon­tant max­i­mum de 78 000 euros par mois, soit un mon­tant max­i­mal de 400 000 euros brut par an.

Jean-Charles Souli­er

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