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Des rémunérations « étonnantes », des millions d’euros de frais… Le rapport cinglant qui accable France Télévisions

28 septembre 2025

Temps de lecture : 8 minutes
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Des rémunérations « étonnantes », des millions d’euros de frais… Le rapport cinglant qui accable France Télévisions

Temps de lecture : 8 minutes

Des rémunérations « étonnantes », des millions d’euros de frais… Le rapport cinglant qui accable France Télévisions

En résumé :

  • Une sit­u­a­tion finan­cière cri­tique : selon la Cour des comptes, France Télévi­sions cumule 81 M€ de déficit net depuis 2017 et prévoit encore –50 M€ en 2025, mal­gré 2,53 Mds € de crédits publics (soit 80 % de ses ressources).
  • Cap­i­taux pro­pres en chute libre : passés de 294 à 179 M€ en huit ans, ils pour­raient tomber à 125 M€ fin 2025 ; sans mesures d’ici 2026, l’entreprise encourt la dis­so­lu­tion (Code de commerce).
  • Masse salar­i­ale hors de con­trôle : 15,5 % des salariés gag­nent plus de 80 000 €/an, avec un salaire moyen de 71 490 €/an, bien supérieur au privé. 31 cadres touchent plus de 200 000 €/an, 5 dépassent les 300 000 €.
  • Frais explosifs : 46 M€ de dépens­es en 2024 pour déplace­ments et récep­tions, dont 3,8 M€ de taxis (+80 % depuis 2019). 53 cadres dis­posent de véhicules de fonc­tion, les 13 CSE gèrent 14,2 M€ et pos­sè­dent même des rési­dences de vacances.
  • Soupçon de scan­dale poli­tique : Paul Amar affirme que le rap­port a été volon­taire­ment retardé pour per­me­t­tre la recon­duc­tion de Del­phine Ernotte à la tête de France Télévi­sions, ce que la Cour des comptes dément.

Dans un rapport au vitriol rendu public mardi 23 septembre, la Cour des comptes a passé au peigne fin les comptes de France Télévisions.

Le ver­dict est sans appel : le groupe pub­lic, géré par Del­phine Ernotte, est désor­mais dans « une sit­u­a­tion finan­cière cri­tique » qui impose, sans délai, des réformes structurelles. 

Mais qu’a donc fait le géant France Télévi­sions de l’argent des con­tribuables français ? Depuis ce mar­di 23 sep­tem­bre, la ques­tion est sur toutes les lèvres – excep­té, bien sûr, dans les couloirs feu­trés du ser­vice pub­lic. « Mam­mouth à dégraiss­er », dépens­es déli­rantes… En moins de 24 heures, les cri­tiques acides se sont mul­ti­pliées, notam­ment à droite, à l’encontre du mastodonte France TV, tant le scan­dale se révèle grand.

Dix ans après avoir (déjà) tiré la son­nette d’alarme, la Cour des comptes a ren­du pub­lic mar­di 23 sep­tem­bre un rap­port cinglant de 166 pages con­clu­ant à une sit­u­a­tion finan­cière « cri­tique » du groupe audio­vi­suel, désor­mais men­acé de « dis­so­lu­tion » d’i­ci à la fin 2026. Une défla­gra­tion. Depuis, les obser­va­teurs n’ont d’ailleurs plus qu’un mot à la bouche : gabegie.

« Le statu quo n’est plus tenable »

Il faut dire que le rap­port est édi­fi­ant. Après avoir, dans un pre­mier temps, salué les audi­ences du géant hexag­o­nal de l’audiovisuel – France Télévi­sions capte près de 30% de l’audience TV, demeu­rant ain­si « la pre­mière source d’information des Français » –, la Cour des comptes met à nu dans son rap­port une mai­son qui se fis­sure de toutes parts.

Entre 2017 et 2024, France Télévi­sions a en effet cumulé pas moins de 81 mil­lions d’euros de déficit net. L’année 2025 ne sera elle non plus pas un grand cru, la direc­tion ayant dû présen­ter pour cette année un bud­get prévoy­ant une perte d’exploitation de près de 50 mil­lions d’euros.

Une don­née, souligne la Cour des comptes, qui con­firme « l’impasse dans laque­lle se trou­ve aujourd’hui la pre­mière entre­prise de l’audiovisuel pub­lic », pour­tant dotée d’un bud­get de 3,3 mil­liards d’eu­ros en 2024 (dont 2,53 mil­liards de crédits publics, soit 80 % de ses ressources).

Le statu quo n’est plus ten­able, s’alarme-t-on dans les colonnes du Figaro, au risque sinon d’aggraver un peu plus une sit­u­a­tion finan­cière « cri­tique » qui met directe­ment « en dan­ger » la péren­nité de l’entreprise.

Voir aus­si : ENTRETIEN EXCLUSIF. « Un gouf­fre à argent pub­lic ! » : la charge au vit­ri­ol de Sarah Knafo con­tre l’audiovisuel public

En out­re, les cap­i­taux pro­pres de France Télévi­sions, « passés en huit ans de 294 à 179 mil­lions d’eu­ros », con­tin­u­ent de fon­dre comme neige au soleil puisqu’ils se réduiront, d’ici la fin 2025, à env­i­ron 125 mil­lions d’euros.

En con­séquence, souligne Le Figaro, la tré­sorerie, « main­tenue arti­fi­cielle­ment par des emprunts » (Del­phine Ernotte a mul­ti­plié les emprunts en 2025), pour­rait tomber dans le rouge dès cette année, « avec un sol­de négatif de près de 27 mil­lions d’euros ». Une sit­u­a­tion qui, note le rap­port, oblige désor­mais « l’É­tat action­naire à pren­dre, avant le 31 décem­bre 2026, des mesures de rétab­lisse­ment des fonds pro­pres ou de réduc­tion du cap­i­tal social, sans quoi, con­for­mé­ment au Code de com­merce, la société encourt la dissolution ».

Une masse salariale « hors de contrôle »

Mais com­ment France Télévi­sions a pu en arriv­er là, d’autant plus quand on sait que ses con­cur­rents privés font des béné­fices sans touch­er d’ar­gent public ?

Selon le gen­darme des comptes, la sit­u­a­tion finan­cière « cri­tique » de France TV n’est pas à imput­er aux seuls dirigeants de l’entreprise, la faute en incombe aus­si à l’État action­naire qui n’a pas su fournir « un cadre financier pluri­an­nuel sta­ble et réaliste ».

Mais tout de même… À y regarder de plus près, frais et salaires ne sem­blent pas con­naître la crise au sein de la mai­son France Télévi­sions. Dans le désor­dre, le rap­port de la rue Cam­bon, qui con­cen­tre ses cri­tiques sur une masse salar­i­ale « hors de con­trôle » et en « aug­men­ta­tion struc­turelle » mal­gré la baisse des effec­tifs, nous apprend d’abord que 15,5% des salariés (soit env­i­ron 1 370 per­son­nes) gag­nent… plus de 80 000€ par an.

Un sérieux « talon d’Achille » quand on sait, en plus, que le salaire moyen par tête à France Télévi­sions atteint 71 490 euros bruts annuels en 2023 (soit près de 6 000 euros men­su­els), « bien au-dessus de la moyenne du secteur cul­turel (48 900 euros) et même de l’au­dio­vi­suel privé (66 700 euros) », souligne Le Point.

Notons qu’au som­met de la pyra­mide, 31 cadres touchent plus de 200 000 euros bruts par an (soit plus de 16 600 euros men­su­els). Cinq dépassent même les 300 000 euros annuels. « Des niveaux de rémunéra­tion qui s’ex­pliquent notam­ment par un sys­tème salar­i­al rigide, où l’an­ci­en­neté joue un rôle prépondérant », détaille l’hebdomadaire.

En 2023, « 53 % des salariés avaient ain­si entre 21 et 40 ans d’ancienneté », béné­fi­ciant par là même d’aug­men­ta­tions automa­tiques continues.

Des frais qui explosent

À cela, il faut égale­ment ajouter un cadre social par­ti­c­ulière­ment généreux. À titre d’exemple, sur la seule année 2024, les frais de déplace­ments et de récep­tions se sont élevés à plus de 46 mil­lions (dont près de qua­tre mil­lions d’euros seule­ment pour les dépens­es de taxis), soit 126 000 € par jour.

« Les dépens­es de taxis de tout ce monde explosent : elles s’élèvent à 3,8 mil­lions d’euros, soit +80% entre 2019 et 2024, mal­gré le scan­dale qui avait déjà sali l’institution. Cela revient à plus de 10 000 euros de taxis par jour ! Ce n’est plus France Télé, c’est France Taxi ! », a ain­si fustigé Sarah Knafo sur X, rap­pelant dans la foulée qu’en ce qui con­cerne « les frais », les coûts des récep­tions ont été « qua­si­ment mul­ti­pliés par 5 en seule­ment 2 ans ».

« Cer­taines dis­po­si­tions généreuses et les avan­tages en nature con­tribuent égale­ment aux sur­coûts et ali­mentent l’ac­croisse­ment de la masse salar­i­ale », souligne sans ambages le gen­darme des comptes dans son rap­port, pointant notam­ment du doigt « des véhicules de fonc­tion dont l’u­til­ité est ques­tionnable » et « des comités d’en­tre­prise généreuse­ment dotés ».

53 cadres de France Télévi­sions – affec­tés pour l’essen­tiel sur les sites parisiens – béné­fi­cient en effet actuelle­ment de véhicules de fonc­tion dont la valeur uni­taire s’échelonne… entre 20 000 et 53 000 euros. « Coût total de ces avan­tages mis à dis­po­si­tion par des con­trats de loca­tion de longue durée : 1,7 mil­lion d’eu­ros par an. »

Quant aux 13 comités soci­aux et économiques (CSE) du groupe pub­lic, ils gèrent, rap­pelle Le Point, « une manne de 14,2 mil­lions d’eu­ros, qui cou­vre notam­ment l’ac­tiv­ité de restau­ra­tion ». Le rap­port pré­cise en out­re que le comité d’en­tre­prise de France Télévi­sions a acquis un immeu­ble au Cro­toy en 2022, en plus des rési­dences de vacances dont il est pro­prié­taire et qu’il loue à Cannes et à Trouville.

« Il fallait sauver la soldate Ernotte »

For­cé­ment, cette liste à la Prévert n’a pas man­qué de faire grin­cer des dents. Là où cer­tains en sont restés à évo­quer des comptes « cat­a­strophiques » et des dépens­es « déli­rantes », d’autres, à droite de l’échiquier poli­tique, ont immé­di­ate­ment appelé à la pri­vati­sa­tion de ce « colosse aux pieds d’argile ».

Mais il est un autre scan­dale « dans le scan­dale » dont peu de médias se sont pour­tant fait l’écho. Invité dans l’émission de Pas­cal Praud sur Europe 1 mer­cre­di 24 sep­tem­bre, l’ancien jour­nal­iste du ser­vice pub­lic Paul Amar a affir­mé que le rap­port était con­nu de l’ARCOM « au moment de la recon­duc­tion de Del­phine Ernotte à la direc­tion de France TV ».

« Ce rap­port aurait dû être remis au mois de mai, il a été mis dans un tiroir parce qu’il fal­lait recon­duire Madame Ernotte (…) Je pense que l’Arcom aurait été con­trainte de ne pas la recon­duire, mais il fal­lait sauver la sol­date Ernotte », a‑t-il notam­ment affir­mé, assur­ant tenir ses infor­ma­tions d’une source « infaillible ».

De son côté, inter­rogée, la Cour des comptes a assuré auprès de l’AFP ne pas avoir trans­mis d’éléments à l’Arcom avant cette reconduction.

Lorelei Ban­charel

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