Après la valse-hésitation du propriétaire Daniel Křetínský – je vends je vends pas, et faute d’acheteurs crédibles (Lefranc) ou adoubés par la rédaction (Stérin), Marianne est restée dans l’orbite de CMI, le holding média du Tchèque. Une réorganisation menée au pas de charge engendre de vives turbulences.
Nouvelle équipe, exit Natacha Polony
Natacha Polony retrouvant un nouveau port d’attache à LCI, Frédéric Taddei prend la relève comme directeur et choisit – ou très probablement on lui impose – Eve Szeftel venue de Libération pour diriger la rédaction.
Cette dernière, ancienne de l’AFP, a rejoint en 2021 le quotidien sauvé de la faillite par Křetínský. Elle décrit son projet (source La Lettre) qui veut incarner un magazine « de gauche, non bourgeoise, populaire sans être populiste, critique des pouvoirs sans être antisystème. Une ligne républicaine et sociale, universaliste et laïque, aussi intraitable avec l’antisémitisme qu’avec le racisme. »
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Une orientation plus libérale-libertaire
On voit le sens du couple improbable Taddéi/Szeftel, le premier vient d’Europe 1 et de RT, la deuxième d’un journal furieusement pro-OTAN et anti-populiste. La deuxième incarne un positionnement plus centriste, anti-LFI, laïcard, plus belliciste, plus féministe, plus proche des néoconservateurs américains. Un profil au fond assez proche de Franc-Tireur, le pamphlet des talibans pro-Macron, lancé par Křetínský pour équilibrer le fond antimacroniste de Marianne ancienne version. Mais si Marianne devient un sous Franc-Tireur, alors il y a un titre de trop.
Ventes en chute
Les chiffres sont impitoyables, les ventes en kiosques (premier semestre) sur trois ans sont les suivantes :
| Année | Nombre d’exemplaires vendus |
| 2022 | 28600 |
| 2023 | 22700 |
| 2024 | 22300 |
| 2025 | 18000 |
Soit une chute de l’ordre de 20% sur la dernière année et de pas loin de 40% sur l’année faste 2022. Même si le nombre de journalistes a été réduit, on voit mal comment parvenir à un équilibre des comptes en 2025.
Relance à la rentrée 2025
Frédéric Taddéi semble jouer un rôle assez effacé en comparaison avec sa responsable de la rédaction qui paraît plus proche de Křetínský et de Denis Olivennes, son poisson pilote dans les médias.
Voir aussi : Denis Olivennes, portrait
Elle annonce pour septembre 2025 « plus de débats, plus d’experts, plus d’actualité ». Ce qui peut paraître de bon augure, mais n’indique pas vraiment si Marianne va retrouver l’ADN qui avait fait son succès : une grande indépendance, de l’impertinence, une ligne populiste souverainiste de gauche hostile à la Commission européenne et à la domination américaine, un goût pour une certaine provocation, un ton antipolitiquement correct. Des marqueurs qui sont tous à l’opposé de Libération, dont Eve Szeftel importe de facto une partie du style.
Claude Lenormand













