Après le décès d’Iskandar Safa, propriétaire de Valeurs actuelles depuis dix ans, sa famille a décidé de se séparer du magazine fondé en 1966 par Raymond Bourgine. Trois nouveaux investisseurs — dont Pierre-Édouard Stérin — se sont mis d’accord avec la famille Safa pour reprendre le titre. Qui sont ces trois investisseurs ? On fait le point.
Nous vous l’annoncions en septembre, c’est dans Le Figaro que l’annonce a été faite : l’hebdomadaire Valeurs actuelles va, « dans les prochaines semaines », être vendu par son propriétaire, la famille Safa, à un trio d’investisseurs.
La cession devrait être finalisée début novembre. Malgré leurs profils plus pro-business que journalistique, chacun des repreneurs a déjà investi par le passé dans la presse.
Benjamin La Combe, un futur président multicasquette
Benjamin La Combe est le principal investisseur du trio selon Le Figaro. Ce dernier a un CV fourni : diplômé de l’Edhec, il commence sa carrière professionnelle chez Airbus en Turquie, avant de rejoindre le géant de la restauration collective Sodexo, « où il devient responsable commercial de la division Hôpitaux et Cliniques ». En 2009, âgé de 35 ans, « il quitte l’univers du CAC 40 pour celui des espaces verts ».
CAP de paysagiste en poche, « il fonde l’année suivante une société d’aménagement paysager, Mugo, qui devient vite prospère. La revente, début 2025, de cette société de 500 salariés lui permet d’amorcer un nouveau virage professionnel et de devenir patron de presse ».
Selon le communiqué des repreneurs, c’est Benjamin La Combe qui prendra la présidence du journal une fois la vente effective.
Un deuxième repreneur expérimenté
À ses côtés dans le rachat de Valeurs actuelles, on retrouve la famille Caude, qui a déjà par le passé investi dans l’information en ligne. En 2002, c’est par exemple Alexis Caude, diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Rouen et d’Harvard Business School, qui a fondé Newsweb, un des leaders français de l’édition de contenus sur internet (cédé en 2006 à Lagardère News).
Ensuite, en 2013, avec son autre groupe Moneyweb, il rachète quatre sites internet : Tradingsat (conseils boursiers), Lavieimmo, Zone-turf (paris hippiques) et Verif (information sur les sociétés) pour enrichir son pôle informationnel. Le groupe a par la suite été racheté par NextRadio en 2015, avant d’être définitivement fermé.
Notons qu’Alexis Caude est par ailleurs directeur général de plusieurs sociétés d’investissement hôtelier (Société hôtelière Chambery gare investissements, Société hôtelière lyonnaise d’investissements etc.). Fort de cette expérience entrepreneuriale, Alexis Caude décide en 2025 d’investir dans Valeur actuelles.
Pierre-Édouard Stérin, « la bête noire des médias de gauche »
Enfin, Pierre-Édouard Stérin est le troisième repreneur de Valeurs actuelles. Véritable « bête noire » des médias de gauche, le milliardaire catholique souhaite lui aussi depuis des années peser dans le paysage médiatique français. Nous avions annoncé en septembre son intérêt pour le titre.
Il est notamment actionnaire minoritaire de la société détentrice de Cerfia, compte d’actualité sur les réseaux sociaux qui cumule près de 1,2 million d’abonnés sur X. Il est également actionnaire du réseau Explore Media, qui se définit comme un média consacré à la « connaissance » et qui rassemble plus d’un million d’abonnés sur YouTube.
Pierre-Édouard Stérin avait en outre investi par le passé dans les médias en ligne Neo et Le Crayon. Après son échec dans le rachat de l’hebdomadaire Marianne, il a donc finalement décidé d’opter pour Valeurs actuelles, un journal correspondant davantage à ses valeurs libérales et conservatrices.
Alors que certains journalistes soupçonnent Pierre-Édouard Stérin de vouloir faire de Valeurs actuelles son nouveau cheval de guerre dans la bataille culturelle droite/gauche, le trio d’investisseurs a déclaré dans un communiqué :
« Le rôle d’un éditeur n’est pas d’influer sur les contenus, mais de donner à la rédaction les moyens d’exercer son travail dans les meilleures conditions possibles, dans le respect de la liberté d’expression et du pluralisme ».
De surcroît, expliquent les repreneurs dans leur communiqué, Pierre-Édouard Stérin sera « partenaire minoritaire » et « ne siégera pas au conseil d’administration » du journal.
Une dizaine de millions d’euros sur trois ans
Selon Le Figaro, le trio souhaite tourner Valeurs actuelles « vers l’entrepreneuriat, le patrimoine » et, sur ces terrains, « donner la parole à de nouveaux acteurs pour ouvrir le débat ».
Ils comptent également « moderniser les formats et les outils de production en mettant notamment l’accent sur la transformation numérique ».
Sur le plan éditorial, les futurs propriétaires entendent, « s’inscrire dans la ligne conservatrice défendue depuis juin 2023 par Tugdual Denis, actuel directeur de la rédaction ». Ce dernier sera d’ailleurs maintenu dans ses fonctions.
Ce rachat suffira-t-il pour redresser les ventes du magazine ? Ce dernier a en effet connu une baisse de 21,5 % entre 2024 et 2025 — passant de 81 839 à 73 239 exemplaires.
Déjà en 2023, lorsque Geoffroy Lejeune quittait la direction du journal, les ventes s’étaient tassées, passant d’environ 100 000 à 81 000 exemplaires. Pour stopper l’hémorragie, Benjamin La Combe, Pierre-Édouard Stérin et la famille Caude tablent sur un investissement d’une dizaine de millions d’euros sur trois ans.
Jean-Charles Soulier
















