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Quand Laurent Alexandre, scientifique transhumaniste, censure la génétique dans le quotidien Le Monde

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14 avril 2018

Temps de lecture : 3 minutes
Accueil | Veille médias | Quand Laurent Alexandre, scientifique transhumaniste, censure la génétique dans le quotidien Le Monde

Quand Laurent Alexandre, scientifique transhumaniste, censure la génétique dans le quotidien Le Monde

Temps de lecture : 3 minutes

Précisons, il s’agit d’une tribune libre (Carte blanche) et non de l’opinion du quotidien du soir. Cette tribune est publiée dans la version papier du supplément Science et Médecine du mercredi 11 avril 2018. Elle développe un long raisonnement en faveur des recherches de la génétique pour in fine revendiquer de manière véhémente l’interdiction de certaines de ses découvertes quand celles-ci donnent des résultats non conformes aux souhaits de l’auteur. Analyse.

L’école transhumaniste

Lau­rent Alexan­dre, médecin uro­logue, s’est fait un nom dans le monde médi­cal et de la biotech­nolo­gie. Énar­que, ancien d’HEC, chef d’entreprise (fon­da­teur entre autres de Doc­tis­si­mo) il est con­sid­éré comme le chef de file de l’école tran­shu­man­iste en France. Cette école vise à élim­in­er la souf­france, la mal­adie, le vieil­lisse­ment et finale­ment la mort, par l’usage mas­sif et con­tinu des sci­ences et des tech­niques. Il inter­vient régulière­ment au Monde comme au Huff­in­g­ton Post ou à L’Express.

Nature/ Culture un terrain miné ?

La tri­bune libre d’Alexandre est inti­t­ulée La géné­tique sur le ter­rain miné des « races ». En intro­duc­tion il déplore que les français ignorent encore que les capac­ités intel­lectuelles dépen­dent surtout du pat­ri­moine géné­tique, bien plus que de l’éducation ou de l’environnement famil­ial. Une illus­tra­tion du vieux débat Nature/Culture et de leur articulation.

Il pour­suit en nous apprenant qu’aux États-Unis cer­tains généti­ciens de haut vol rou­vrent un débat miné, le lien entre notre race, notre ADN et nos car­ac­téris­tiques sans même s’interdire de traiter des dif­férences cog­ni­tives. Ces chercheurs affir­ment que nier les dif­férences inter­ra­ciales ne saurait être que con­tre-pro­duc­tif et ren­forcerait le racisme. Un débat sci­en­tifique comme un autre, mais pas tout à fait.

Génétique, racisme, conservatisme, colonialisme

Pas tout à fait, car l’auteur quitte ensuite le ter­rain pure­ment sci­en­tifique, pour s’embarquer (dans un dernier para­graphe un peu con­fus) sur un débat « moral ». Cer­tains faits géné­tiques sont sans doute vrais (l’auteur dit prudem­ment intéres­sants) mais ils sont gênants car ils pour­raient libér­er la parole raciste. Alexan­dre inter­roge com­ment éviter, par exem­ple, que des com­para­isons de QI par « race » soient util­isés par les racistes ? Car la géné­tique a pu jus­ti­fi­er les pires folies raciales comme la Shoah ou encore a pu être instru­men­tal­isée par des opin­ions con­ser­va­tri­ces ou colo­niales. On ne sait pas très bien ce qu’est une opin­ion colo­niale, gageons que c’est une opin­ion favor­able aux coloni­sa­tions. On voit mieux ce qu’est une opin­ion con­ser­va­trice, l’auteur se situ­ant sans doute dans le camp progressiste.

Double salto arrière sans élan

Et l’auteur, tran­shu­man­iste qui plaide pour une util­i­sa­tion mas­sive de la sci­ence pour « amélior­er » l’homme, effectue un saut périlleux arrière de toute beauté, nous citons :

« Excep­tion­nelle­ment, les savants doivent faire pass­er la vérité sci­en­tifique après le principe fon­da­men­tal de l’égalité de tous les groupes d’hommes ».

On en reste pan­tois. Il est dif­fi­cile d’interpréter une telle gym­nas­tique intel­lectuelle. L’auteur a‑t-il voulu provo­quer un débat en faisant sem­blant de prôn­er le ban­nisse­ment de la vérité sci­en­tifique, afin d’entraîner un choc en faveur de la lib­erté de la recherche ? Le dogme égal­i­taire peut-il égar­er à ce point un esprit bril­lant ? Un sujet de spécu­la­tions pour les spé­cial­istes comme pour nos lecteurs, sci­en­tifiques ou non.

Crédit pho­to : philm1310 via Pix­abay (cc)