Le leader de la presse magazine française, Prisma Media, s’apprête à négocier un plan de sauvegarde de l’emploi visant 54 suppressions de postes. Ce plan, motivé par une baisse des revenus digitaux, suscite inévitablement des tensions.
Prisma Media, numéro un de la presse magazine en France avec des titres comme Voici, Femme Actuelle, Télé-Loisirs et Geo, traverse une période de turbulences. Propriété de Vivendi, dont le groupe Bolloré est l’actionnaire majoritaire, depuis 2021, le groupe dirigé par Claire Léost a annoncé, lors d’un comité social et économique (CSE) exceptionnel le 19 mai 2025, un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Celui-ci vise la suppression de 54 postes, soit environ 7 % de ses 746 collaborateurs, dont un tiers de journalistes. Ce plan, le troisième en quatre ans, intervient moins d’un an après une rupture conventionnelle collective (RCC) ayant conduit au départ d’une trentaine de salariés.
Lectorat papier vieillissant, coût du papier mais aussi revenus digitaux trop faibles
La direction invoque « des bouleversements économiques majeurs » pour justifier cette décision. Outre l’érosion continue du lectorat des magazines papier, Prisma Media fait face à un « phénomène inédit » : une baisse de ses revenus digitaux depuis 18 mois, malgré des investissements dans la transition numérique. « Les mesures volontaristes, comme la hausse des tarifs, n’ont pas suffi à enrayer la dégradation de notre compétitivité », explique la direction. La perte du magazine Gala, vendu au groupe Figaro en 2023 pour des raisons de concurrence européenne, a aggravé la situation. Ce titre représentait 10 % du chiffre d’affaires de 309 millions d’euros en 2023 et une part encore plus significative de la rentabilité.
Disparition de National Geographic version France
Les négociations, lancées le 22 mai 2025 pour une durée de deux mois, s’annoncent tendues. Initialement, une nouvelle RCC était envisagée en janvier, mais les syndicats, jugeant ce dispositif insuffisant, ont poussé pour un PSE, plus protecteur pour les salariés. « Nous voulions que la direction clarifie son projet de restructuration, comme l’exige la loi », confie un représentant syndical. Le plan affectera à parts égales les rédactions et les fonctions techniques, avec 27 postes de journalistes et 27 postes non journalistiques visés. Parmi les titres en difficulté, National Geographic France, licence détenue partiellement par Disney, cessera de paraître, tandis que Geo est également menacé.
Des reclassements dans le groupe Louis Hachette
La direction promet de limiter les départs contraints et mise sur des reclassements au sein du groupe Louis Hachette, qui regroupe Prisma Media, les éditions Hachette, les médias Lagardère (Europe 1, Le Journal du Dimanche) et l’enseigne Relay. Cependant, l’ambiance est morose au siège de Gennevilliers. « Il faut faire plus avec moins », déplore une salariée de longue date, tandis qu’un cadre évoque des « suppressions inévitables » dans les marques rattrapées par le numérique.
, Prisma Media a déjà vu 180 journalistes quitter ses rédactions en 2022 via la clause de cession, un dispositif permettant des départs indemnisés lors d’un changement d’actionnariat. Malgré ces défis, le groupe reste rentable et poursuit sa diversification, notamment dans le luxe avec Harper’s Bazaar et dans la jeunesse avec des titres comme Mini-Loup. Des synergies avec Hachette, notamment dans l’édition jeunesse, sont également développées.
Ce PSE, qui devrait être finalisé à l’automne, illustre les défis structurels de la presse magazine, confrontée à la crise du papier, à la volatilité des revenus publicitaires et à un marché digital parfois moins porteur qu’espéré. Les salariés, eux, redoutent une nouvelle vague de départs forcés, dans un contexte où les efforts pour séduire un public plus jeune, via de nouveaux projets numériques, peinent à inverser la tendance.